Insertion / Emploi - La prime d'activité a bien fait baisser le taux de pauvreté
La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des Solidarités et de la Santé publie un "rapport d'évaluation de la prime d'activité". Il s'agit, en l'occurrence, de la mise en œuvre de l'article 61 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, qui a instauré la prime d'activité. Cet article prévoit en effet la remise au Parlement d'une évaluation, dix-huit mois après la mise en place du dispositif le 1er janvier 2016. Cette étude, qui porte sur l'année 2016, n'est pas la première pour ce qui concerne les aspects quantitatifs et notamment le taux de recours à la prestation (voir notre article ci-dessous du 3 juillet 2017). Mais le rapport de la DGCS va plus loin, en se penchant également sur l'impact de la prime d'activité, en particulier sur la pauvreté et sur le parcours d'emploi des bénéficiaires. Il montre notamment que la prime d'activité a entraîné une baisse de 0,4 point du taux de pauvreté.
Un succès, mais avec de "fortes disparités territoriales"
Sur les aspects quantitatifs, le rapport d'évaluation confirme le "taux de recours élevé à la prime d'activité, qui atteste de son succès auprès d'un large public", avec 4,3 millions de foyers bénéficiaires sur toute la durée de 2016 et 2,58 millions de foyers en décembre 2016 (représentant 5,14 millions de personnes avec les conjoints, enfants et autres personnes à charge). Le rapport rappelle toutefois que le nombre de foyers bénéficiaires est moins élevé que celui des titulaires de l'ancienne prime pour l'emploi (5,5 millions de foyers en 2014). Mais il est sensiblement plus important que celui des foyers bénéficiaires du RSA activité (938.000 foyers en décembre 2015).
En termes géographiques, le taux de couverture présente "de forte disparités territoriales".
Si la couverture moyenne nationale est de 7,7% de la population, ce taux dépasse 8,4% dans 25 départements : les Hauts-de-France, le pourtour méditerranéen, la Seine-Saint-Denis, l'Aube, les Vosges, la Haute-Marne, l'Ariège, ainsi que dans certains DOM (Guadeloupe, Martinique et Réunion). Les départements les moins couverts (moins de 7%) sont situés principalement en Bretagne, en Ile-de-France (hors Seine-Saint-Denis) et dans le centre-est (Jura, Doubs et ancienne région Rhône-Alpes).
Un taux de recours supérieur à celui projeté
Le rapport confirme aussi que le taux de recours moyen par trimestre (au regard de la cible potentielle) est supérieur à celui qui avait été projeté et nettement supérieur à celui du RSA activité. En 2016, ce taux de recours est estimé à 73% en effectifs et à 77% en masses financières, avec une amélioration continue au fil des semestres.
L'ouverture aux jeunes de moins de 25 ans (jusqu'alors exclus, pour l'essentiel, du RSA activité) est aussi attestée, avec 486.000 jeunes bénéficiaires en leur nom propre. Le ciblage s'est également révélé efficace sur les couples biactifs, même si la prime d'activité reste majoritairement perçue par des personnes seules et sans enfant (52% des bénéficiaires).
Taux de pauvreté en baisse de 0,4 point, mais hausse de l'intensité de la pauvreté
En termes d'impact sur la pauvreté, le rapport d'évaluation constate que 70% des ménages bénéficiaires de la prime d'activité appartiennent aux trois premiers déciles de niveau de vie. La prestation apparaît ainsi moins concentrée sur les bas revenus que le RSA activité, mais davantage que la prime pour l'emploi. Par ailleurs, 64% des bénéficiaires de la prime d'activité perçoivent également d'autres prestations versées par la CAF ou la MSA.
Avec un montant mensuel moyen de 158 euros à la fin de 2016 - toutefois inférieur aux 194 euros du RSA activité en décembre 2015 -, la prime d'activité a un effet incontestable sur le taux de pauvreté monétaire. S'appuyant sur le modèle de micro-simulation Inès, le rapport d'évaluation estime à -0,4 point l'impact sur le taux de pauvreté de la substitution de la prime d'activité au RSA activité et à la PPE.
Si elle bénéficie surtout aux ménages proches du seuil de pauvreté, la prime d'activité s'est accompagnée, en revanche, d'une hausse de l'intensité de la pauvreté (estimée à 0,5 point). En d'autres termes, le niveau de vie médian des ménages pauvres est en moyenne plus éloigné du seuil de pauvreté qu'avant la mise en place de la prime d'activité. Le rapport d'évaluation explique que la prime d'activité fait "sortir certains de la pauvreté monétaire, mais elle ne concerne en revanche que peu les plus pauvres, souvent inactifs et qui ne perçoivent donc pas la prime d'activité".
Un impact sur l'emploi encore difficile à mesurer
La question de l'impact de la prime d'activité sur l'emploi peut sembler incongrue, puisque cette prestation s'adresse aux actifs. Mais celle-ci vise en réalité les foyers dont au moins un membre occupe ou a récemment occupé un emploi. Dans les faits, près des trois quarts (73%) des bénéficiaires de la prime d'activité au moment de l'enquête ont effectivement un emploi, dont la moitié à temps complet et les deux tiers en CDI. Les autres ont donc perdu récemment leur emploi. Le rapport précise toutefois que les sources pour appréhender la situation en la matière sont encore "très parcellaires", dix-huit mois seulement après la mise en place de la prestation.
Sous cette réserve, l'étude met néanmoins en évidence l'importance des flux d'entrée et de sortie d'un trimestre sur l'autre. Mais il est pour l'instant difficile de faire la part entre les trajectoires ascendantes (sorties du dispositif en raison d'une hausse des revenus, d'un passage d'un temps partiel à un temps plein…) et les trajectoires descendantes (sorties en raison d'une disparition des revenus d'activité du foyer).
Simplification : un succès sur toute la ligne
Enfin, le rapport d'évaluation consacre un chapitre à la simplification de la prestation et des démarches. Sur ce point, les résultats apparaissent incontestables. La dématérialisation s'est révélée un facteur d'amélioration de l'accès aux droits, avec en particulier le succès du simulateur (20,6 millions de simulations en ligne, dont 44% aboutissant à un droit positif). Le basculement automatique des bénéficiaires du RSA activité dans la nouvelle prestation s'est également déroulé sans anicroche.
Le bénéfice est aussi tangible du côté des CAF et des caisses de MSA : en 2016, 35% des pièces correspondant à des demandes de prime d'activité ont ainsi pu faire l'objet d'un traitement sans l'intervention d'un technicien. Et seules 13% des DTR (déclarations trimestrielles de ressources) continuent d'être traitées par un technicien.
L'autre amélioration importante concerne la visibilité des montants perçus de la prime d'activité, en d'autres termes la plus grande stabilité (sur trois mois) des montants versés. Ainsi, au troisième trimestre 2016, 99% des allocataires ont bien perçu un montant identique durant trois mois consécutifs.