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Culture - La politique culturelle à un tournant

Si toute prise de fonction d'un nouveau titulaire à la tête d'un département ministériel entraîne des modifications, le secteur de la culture pourrait connaître, pour sa part, un peu plus qu'un simple infléchissement. L'arrivée de Frédéric Mitterrand rue de Valois devrait en effet entraîner, avant la fin de l'année, des changements significatifs dans la politique culturelle. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de la conséquence du contraste de personnalité entre l'actuel titulaire et son prédécesseur, Christine Albanel. Le tournant remonte en effet au 13 janvier 2009, lors des voeux du chef de l'Etat au monde culturel, organisés au Carré d'Art de Nîmes. Nicolas Sarkozy avait alors annoncé un ensemble de mesures en faveur du secteur culturel : levée du "gel de précaution" sur 5% des crédits de la culture, pérennisation de l'enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros pour le patrimoine, lancement de la gratuité ciblée des musées (effective depuis le 4 avril dernier), développement des enseignements artistiques, création d'un musée de l'Histoire de France... Parmi ces annonces figurait aussi la création d'un "Conseil pour la création artistique", présidé par le chef de l'Etat et le ministre de la Culture et animé par le producteur Marin Karmitz.
Or, depuis sa prise de fonction, Frédéric Mitterrand semble se désintéresser des Entretiens de Valois. Un simple communiqué a marqué, le 9 juillet, l'achèvement de cette concertation de longue haleine. Lancés en novembre 2007, alors que la mobilisation du secteur du spectacle vivant contre les coupes budgétaires battait son plein, les Entretiens de Valois ont permis de désamorcer le malaise et de rétablir le dialogue entre l'Etat et le monde du spectacle. Mais cette longue phase de concertation n'a pas débouché sur des annonces et des mesures très concrètes, à l'exception de la prochaine mise en place de "conférences du spectacle vivant" dans les régions, instances à vocation permanente réunissant l'Etat, les collectivités territoriales, les institutions culturelles et les représentants des professionnels. Les Entretiens de Valois sont surtout relégués au second plan par la mise en place du Conseil pour la création artistique, auquel le chef de l'Etat - désormais très impliqué dans la politique culturelle - a dévolu le rôle de tête chercheuse en la matière. Au point que le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) a adopté, lors de son assemblée générale du 17 juillet, une motion réclamant des suites aux Entretiens de Valois et la suppression du Conseil qui, selon lui, tente de priver le ministère des prérogatives de sa direction de la création artistique "en diminuant ses moyens et en dialoguant, à sa place, avec les autres ministères" (voir notre article ci-contre du 28 juillet 2009). Sans aller jusqu'aux pouvoirs qui lui sont prêtés par le Syndeac, le Conseil pour la création artistique devrait en effet jouer un rôle croissant dans la concertation et dans la définition des politiques en ce domaine. Parmi ses premières missions pourrait notamment figurer la recherche des moyens permettant de mettre en oeuvre l'une des orientations fixées par le chef de l'Etat : le rapprochement entre secteur public et secteur privé et la mise en oeuvre d'un lien plus étroit entre le financement public et la diversification des publics. Une évolution dont rien ne dit qu'elle sera bien accueillie par les différents acteurs du spectacle vivant.

 

Jean-Noël Escudié / PCA