Sport et décentralisation - La Picardie lance une concertation sur le sport... et les bases d'une répartition des compétences ?
Alors que les différents niveaux de collectivités ont les yeux fixés sur l'échéance du 1er janvier 2015, date à laquelle elles devront avoir trouvé un schéma de répartition des compétences dans le domaine du sport, certaines régions prennent des initiatives et font bouger les lignes. "Si onze d'entre elles ont à ce jour créé une assemblée, une conférence ou un observatoire régional – plus ou moins actifs – consacré au sport, peu sont allées au-delà. Après le Centre en 2010, la région Picardie est la seconde à s'être lancée, en 2011, dans une démarche de concertation. Son but ? Proposer une nouvelle politique sportive début 2012 pour une application sur la période 2012-2014. Sa philosophie ? Selon Olivier Chapuis-Roux, vice-président du conseil régional chargé des sports, il s'agit d'"être plus pertinent dans nos interventions en allant à la rencontre des gens, dans les territoires".
En pratique, quatre groupes de travail réunissant 130 experts locaux ou régionaux de l'emploi, de la formation, de l'aménagement, du sport de haut niveau se sont réunis à partir de mars 2011 pour poser le diagnostic de la réalité et de la dynamique du sport sur le territoire. En juillet, un rapport d'étape a posé les douze enjeux du développement du sport pour la Picardie. Ces enjeux ont été votés par les conseillers régionaux.
Après cette phase est venu le temps de l'élargissement : un questionnaire a été élaboré à l'intention des associations sportives de trois territoires tandis que des rencontres territoriales étaient lancées cet automne pour débattre des enjeux. Parallèlement, des groupes de travail fermés rassemblant les ligues et des représentants des jeunes cherchaient à connaître les spécificités territoriales.
Vision élargie
Les premiers enseignements de cette concertation portent sur les bienfaits de la méthode. "Les premières concertations organisées volontairement dans trois zones complètement différentes nous amènent à dire que ce besoin de concertation transversale, non hiérarchisée, est productif et correspond à quelque chose qui est demandé sur le territoire", confie Olivier Chapuis-Roux. Surtout, la concertation valide la vision élargie qui était celle de ses instigateurs. "Dans les rencontres, on parle de la pratique mais aussi de la formation pour les dirigeants et les bénévoles, on parle d'aménagement du territoire car on fait un diagnostic de nos équipements à chaque fois. Quand on prend toutes ces problématiques, on s'aperçoit que cela traverse tous les secteurs d'intervention d'un conseil régional", précise encore le vice-président de la région.
Dans le détail, la concertation a déjà apporté des idées et des pistes de réflexion dans des domaines aussi variés que l'aménagement du territoire, l'animation des clubs ou la formation. "Sur des équipements structurants qui étaient prévus, on a demandé à réfléchir avec ceux qui souhaitaient investir, en particulier les départements, sur l'accessibilité des lieux de pratique", explique Olivier Chapuis-Roux. Le conseil régional a ainsi annoncé qu'il soutiendrait des projets de manière d'autant plus conséquente qu'il y aura proximité avec les transports collectifs. A partir de l'exemple d'un club de judo de Creil, qui regroupe sur des lieux d'entrainement communs les meilleurs jeunes d'une quinzaine d'autres clubs, la région envisage de flécher un accompagnement et de reproduire ce modèle en imaginant une structure générale adaptable ailleurs sous d'autres formes. Il est encore question de mutualiser les emplois sportifs et de mettre à disposition du plus grand nombre les diplômés d'Etat. "Il faut faire en sorte que les investissements des uns et des autres sur la formation des cadres bénéficient à tout le monde", plaide Olivier Chapuis-Roux.
Projection sur une future répartition ?
Ces premières pistes font-elles pour autant de la concertation sur le sport en Picardie un laboratoire grandeur nature de ce que pourrait être la future réflexion autour de la répartition des compétences ? "Notre concertation peut nous permettre de réfléchir sur le fait de savoir si l'on doit continuer les financements croisés sur le fonctionnement, si l'on doit assurer une maîtrise d'ouvrage sur un schéma régional des équipements sportifs", fait remarquer Olivier Chapuis-Roux. Mais l'élu se déclare aussi en faveur du maintien de la clause de compétence générale pour les collectivités qui le souhaitent. Pour lui, il convient d'éviter une structuration des pratiques sportives qui tiendrait compte de la richesse des collectivités, avec "des territoires sportivement riches et des territoires sportivement pauvres". "Il n'est pas souhaitable que la région soit le seul intervenant dans ce domaine, pense-t-il. Qu'il puisse y avoir un schéma des équipements préparé techniquement et politiquement par la concertation, avec une planification et des investissements des autres niveaux de collectivités, pourquoi pas. Mais après se posera toujours la question de la propriété des équipements, qui sont rétrocédés une fois créés. Là, il y aura forcément un coût de fonctionnement à assurer dans les communes et se reposera la question de la richesse et du potentiel fiscal des collectivités." Opposé à un strict schéma de répartition des compétences, l'élu semble toutefois avoir un canevas en tête. S'il lui semble légitime que les régions impulsent un schéma des équipements, l'élu n'exclut ni les départements ni les communes… mais verrait bien les intercommunalités jouer un rôle important : "Qui mieux qu'une communauté de communes ou d'agglomération est le plus pertinent pour intervenir et faire les choses ?"