La perspective de renouvellement de la loi SRU attise l'imagination des députés
Alors qu'approchent les discussions sur le renouvellement de l'article 55 de la loi SRU au-delà de 2025, une proposition de loi LR entend créer trois taux distincts de logements sociaux "selon la strate démographique des communes" et distinguer le stock du flux "afin de mieux appréhender l'effort réellement accompli par les communes". Emmanuelle Wargon n'est pas sur cette ligne mais assure que le futur mécanisme "permettra de mieux adapter les trajectoires".
L'article 55 de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains) du 13 décembre 2000 doit cesser de produire ces effets à compter de 2025. Un large consensus se dégage pour considérer que ce dispositif qui a permis d'accroître la production de logements sociaux même si les objectifs sont encore loin d'avoir été atteints (voir notre article du 11 mars 2021) mérite d'être prolongé au-delà de l'échéance de 2025. Emmanuelle Wargon, la ministre du Logement, a d'ailleurs très clairement indiqué, à plusieurs reprises, que le gouvernement travaillait à un renouvellement – en même temps qu'une adaptation – des dispositions de l'article 55, dans le prolongement des préconisation du rapport de Thierry Repentin sur la question (voir notre article du 14 janvier 2021). Ces nouvelles dispositions devraient figurer dans le futur projet de loi 4D.
Trois taux distincts de logements sociaux sur le flux...
Ce contexte ne va pas manquer de susciter des propositions du côté des parlementaires, sur un sujet qui a déjà inspiré de très nombreuses initiatives de leur part : débats, amendements, propositions de loi... La dernière initiative en date émane de Bernard Reynès, député des Bouches-du-Rhône – un département qui se distingue par son nombre de communes carencées – et d'une quinzaine de ses collègues du groupe LR (dont six émanant de la région Paca). L'exposé des motifs de la proposition de loi admet d'ailleurs que "la région Paca, l'Île‑de‑France et la région Auvergne‑Rhône‑Alpes figurent notamment parmi les mauvais élèves, avec de nombreuses communes dites carencées". Il reconnaît également, que si le parc de logements sociaux est passé de 4,10 millions en 2000 à 5,15 millions au 1er janvier 2020, atteignant ainsi l'objectif global, "on constate de fortes disparités régionales et locales". Et il en est de même pour le bilan de la dernière période triennale 2017‑2019.
Pour autant, les auteurs de la proposition de loi considèrent que "plutôt que de stigmatiser certaines communes, il convient d'amender les dispositifs issus de l'article 55 de la loi SRU, afin de tenir compte des réalités et contraintes locales et d'adapter la production de logements sociaux aux besoins réels des territoires et de repousser l'année butoir à 2031, soient deux périodes triennales supplémentaires".
La proposition de loi se compose d'un article unique (hors article sur le gage budgétaire). Elle prévoit de créer trois taux distincts de logements sociaux "selon la strate démographique des communes car ces dernières ne disposent pas des mêmes capacités financières dans ce domaine" : 17,5% pour les collectivités de 3.500 à 10.000 habitants, 22,5% de 10.000 à 40.000 habitants et 25% au-delà de 40.000 habitants.
... et un taux unique de 17,5% sur le stock
Le texte prévoit également – avec l'argument un peu curieux "de ne pas faire supporter aux autorités municipales issues des élections de 2020 le poids d'une production de logements sociaux importante quantitativement et résultant des situations passées" – de fixer un taux unique de 17,5% de logements locatifs sociaux appliqué sur le stock de résidences principales dénombrées au 1er janvier 2020. Les trois taux différenciés évoqués plus haut s'appliqueraient alors au flux de logements, "c'est à dire sur le nombre annuel de production de nouveaux logements, déduction faite des logements sociaux construits durant l'année considérée". Il s'agit en clair de dissocier le stock et le flux.
La proposition de loi prévoit également d'autres assouplissements, comme la prise en compte, dans les quotas de logements sociaux, des hébergements d'urgence et des logements en accession (acquis grâce à des avances remboursables sans intérêt ou des prêts d'accession sociale à taux réduit).
Bien que la proposition de loi ne l'instaure pas expressément, les auteurs du texte préconisent que le nombre de logements à produire par période triennale puisse être modulé pour tenir compte de différents "freins" (rareté et coût du foncier constructible, plan de prévention des risques naturels ou industriels, zones protégées...), lors de concertations locales entre les préfets et les communes. De même, le fonds d'aménagement urbain (FAU) "devrait également avoir pour finalité d'aider financièrement les communes éligibles et les établissements publics de coopération intercommunale dont elles font partie pour des actions foncières et immobilières en faveur du logement locatif social".
Emmanuelle Wargon : "mieux adapter les trajectoires"
En l'état, la proposition de loi n'a aucune chance d'être adoptée au cours de la présente législature. Mais elle préfigure les arguments qui ne manqueront pas d'être avancés lors du débat sur le renouvellement de l'article 55 de la loi SRU et les amendements qui devraient alors être déposés sur le projet de loi 4D.
Par ailleurs, lors de la séance de questions au gouvernement du 23 mars 2021, Bernard Reynès, l'auteur de la proposition de loi, a posé une question sur le renouvellement de la loi SRU. Il a notamment affirmé que "malgré la bonne volonté des maires, les objectifs de la loi ne pourront être atteints, car le fait de cumuler le stock et le flux impose à certains d'entre eux la création de plus de 70 % de logements sociaux pour toutes les nouvelles constructions". Aussi – et conformément à sa proposition de loi –, il "demande donc au gouvernement [...] de moduler les objectifs de création de logements sociaux en fonction des contraintes des territoires et de différencier le stock de résidences principales du flux de production annuelle de logements, afin de mieux appréhender l'effort réellement accompli par les communes".
Dans sa réponse, Emmanuelle Wargon n'a pas repris cette suggestion. Elle s'est toutefois montrée ouverte sur la possibilité d'adaptations en fonction du contexte local, en indiquant que la prolongation de la loi SRU après 2025 se fera en "proposant un mécanisme plus permanent qui permettra de mieux adapter les trajectoires et, dans certains cas, de les contractualiser par un contrat de mixité sociale pour garder l'ambition nécessaire dont les Français ont besoin tout en comprenant les besoins et réalités locales, afin de trouver des trajectoires permettant de construire des logements sociaux de manière équilibrée et harmonisée partout en France".
Références : Assemblée nationale, proposition de loi n°4002 portant adaptation des quotas communaux obligatoires en matière de politique du logement social (enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 23 mars 2021). |