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Fonction publique - La nouvelle prime des agents publics prend forme

Accusée de privilégier la performance individuelle, la prime de fonction et de résultats (PFR) pourrait disparaître au profit d'une "indemnité d'exercice des fonctions", dont l'entourage de la ministre de la Fonction publique vient de dévoiler les grandes lignes. Pour l'heure, les syndicats semblent plutôt réservés.

Après le jour de carence pour les arrêts maladie, ce serait un nouveau symbole de l'ère Sarkozy qui tomberait pour les fonctionnaires : la prime de fonction et de résultats, presque davantage connue sous son acronyme, PFR. Créée en 2008, celle-ci s'applique essentiellement aux agents de catégorie A, dans les trois fonctions publiques. Un projet de texte, que le Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat avait examiné début 2012, prévoyait sa généralisation à l'ensemble des agents de l'Etat. Mais, avec le changement de majorité, il n'a jamais été publié.
Marylise Lebranchu, la ministre en charge de la Fonction publique, avait annoncé dès le début de l'année son intention de remettre en cause ce dispositif récompensant selon elle beaucoup trop la performance individuelle. A la place, elle compte désormais instaurer une "indemnité d'exercice des fonctions" (IEF). Il s'agirait d'"une rupture" avec "l'idéologie" qui sous-tend la PFR, qui conduit à valoriser "un seul parcours professionnel", "celui consistant à marquer à chaque changement de poste un accroissement significatif de responsabilités".

Modulation faible de l'indemnité

Le nouveau dispositif reposerait au contraire sur "l'idée que des parcours ascensionnels accélérés ne résument pas la diversité des parcours", indique un document récemment transmis aux organisations syndicales. Un plus grand nombre de parcours professionnels seraient donc reconnus. Mais dans tous les cas, le régime indemnitaire récompenserait toutefois les changements de poste, en particulier lorsque ceux-ci conduisent les agents à accepter des responsabilités plus importantes.
La part principale de l'indemnité, attribuée mensuellement, serait donc déterminée en fonction de critères "fonctionnels" et de "critères liés au parcours de l'agent". Elle serait assortie d'un "complément indemnitaire annuel" qui, lui, serait variable. Mais les possibilités pour les administrations de moduler cette indemnité seront "faibles et encadrées", note Mylène Jacquot, secrétaire générale adjointe de l'UFFA-CFDT. En outre, cette part ne pourrait pas représenter plus de 20% du plafond indemnitaire global, alors que l'actuelle part de la PFR liée aux résultats peut atteindre 40%. Il s'agirait de "prendre en compte l'engagement professionnel de l'agent et sa participation au collectif de travail", a-t-il été précisé lors d'une réunion de travail avec les syndicats, le 23 juillet.
"En cas d'insuffisance caractérisée dans la manière de servir", un agent pourrait voir son complément indemnitaire annuel réduit. L'employeur ayant pris une telle décision devrait la motiver et notifier. Une mesure sur laquelle Mylène Jacquot s'interroge déjà : "C'est se leurrer que de penser qu'on réglera les difficultés que rencontrent certains agents en punissant individuellement via le régime indemnitaire."

La catégorie C en premier

Le nouveau dispositif s'appliquerait à partir de 2014 aux agents de catégorie C. Il concernerait ensuite ceux des catégories B et A. Et ce, dans les trois fonctions publiques. Mais la généralisation devrait prendre plusieurs années. Dans la fonction publique territoriale, les collectivités seraient libres d'opter ou non pour sa mise en œuvre. Son adoption nécessitera une délibération de l'assemblée délibérante.
Pour l'heure, le déploiement de la PFR est gelé. Les agents qui aujourd'hui ne la perçoivent pas ne seront jamais soumis à ses règles. De leur côté, les personnels de catégorie A continueront à toucher la PFR jusqu'à son abandon au profit de l'IEF.
La "rupture" annoncée n'est pas totale. Car, comme la PFR, le nouveau régime indemnitaire aurait vocation à se substituer au maquis des 1.800 primes existantes. Elle devrait donc apporter de la simplicité. Mais les administrations sont attendues au tournant sur cet enjeu. La PFR s'est en effet parfois transformée dans la réalité en usine à gaz, estime Vincent Haquin, président de la fédération CGC fonction publique. Plus transparente, la nouvelle prime devrait aussi, comme la PFR, favoriser la mobilité entre les corps et cadres d'emplois de la fonction publique.

"Un copier-coller de la PFR"

"La PFR pouvait nous convenir", avoue Vincent Haquin. Sur le nouveau dispositif, le patron de la CGC-fonction publique est prudent, préférant attendre des précisions, notamment sur les barèmes. Il rappelle que son syndicat est "favorable à la reconnaissance de la prise de risques dans les postes et de la prise de fonctions plus ou moins difficiles". En notant, toutefois, que la reconnaissance des résultats individuels est "plus adaptée" à des cadres et, qu'à l'inverse, la prise en compte de la manière de servir convient davantage pour les autres agents.
Les autres syndicats, qui critiquaient la PFR, ne bondissent pas de joie. Claude Michel, secrétaire fédéral de la fédération CGT des services publics, estime que le nouveau dispositif ressemble fort à la PFR. Un avis que partage Thi-Trinh Lescure, déléguée générale de Solidaires Fonction publique. Elle évoque un "copier-coller", en pointant en particulier le maintien d'une prime liée aux résultats, "qui sera attribuée à la tête du client". De plus, elle critique le maintien d'une classification des postes qui, avec la PFR, s'est révélée selon elle très subjective. De plus, les agents, surtout dans les catégories B et C, restent souvent au même poste, fait-elle remarquer. L'IEF ne serait donc pas suffisamment en adéquation avec "la vraie vie".
Mylène Jacquot salue un système qui ne fait plus autant la part belle à "l'individualisation des résultats". Mais, les efforts du gouvernement devraient, selon elle, consister en priorité à renforcer la partie indiciaire du traitement, et non sa part indemnitaire.