La longue marche de la LOM
Près de quatre ans après son adoption, un point d’étape réalisé par Intercommunalités de France et Transdev montre que les différents outils de la loi LOM tardent à se déployer. L’étude observe toutefois que "le portage des politiques de mobilité est plus approfondi lorsque l’intercommunalité est autorité organisatrice de la mobilité que lorsque la région est AOM de substitution". Ce qui conforte la conviction de l’association de la nécessité de rouvrir une période de prise de compétence pour les communautés de communes qui sont restées à quai en 2021.
La loi d’orientation des mobilités se hâte lentement. Tel est l’un des enseignements que l’on peut tirer de l’étude récemment publiée par Intercommunalités de France et Transdev, et commentée lors de la dernière convention de l’association (v. notre article du 13 octobre). Le constat n’est guère surprenant : les textes d’application avaient tardé à poindre (v. notre article du 29 juillet 2020) — même s’ils n’étaient pas toujours indispensables —, et la pandémie n’a pas aidé.
Cinq contrats opérationnels de mobilité adoptés pour l’heure
L’étude relève ainsi que seuls cinq contrats opérationnels de mobilité (COM) étaient adoptés au 1er septembre dernier. Quatre en région Nouvelle-Aquitaine et un en Pays de la Loire. Or, ce sont ces contrats – conclus par la région avec les autorités organisatrices de mobilité (AOM), les syndicats mixtes de transport, les départements et les gestionnaires de gares de voyageurs ou de pôles d’échanges multimodaux – qui doivent notamment définir "les modalités de l’action commune" des AOM ainsi que "les modalités de coordination avec les gestionnaires de voirie et d’infrastructures pour créer et organiser des conditions favorables au développement des mobilités". Leur absence n’est peut-être pas étrangère au besoin de fédération et de coordination des acteurs pointé lors de cette même convention (v. notre article du 13 octobre).
Des bassins de mobilité presque tous délimités
Leur conclusion, prévue à l’échelle des bassins de mobilité, supposait évidemment que ces derniers soient au préalable délimités par les régions. C’est désormais largement le cas. Mais la Bretagne (qui conduit en 2023 une étude globale sur la mobilité domicile-travail à l’échelle de la région afin d’en "objectiver" la construction) et Auvergne-Rhône-Alpes manquent encore à l’appel (hors DROM et Corse, l’Île-de-France n’étant pas concernée). L’étude observe que les superficies retenues diffèrent sensiblement d’une région à l’autre : "Elle peut aller jusqu’à deux fois la taille d’un département en région Grand Est alors qu’elle se limite au quart de la superficie d’un département en Nouvelle-Aquitaine". Globalement, le découpage s’est plutôt fait "dans la dentelle". Sur les 207 bassins pour l’heure définis, on observera que 40 ne comprennent qu’un seul EPCI, 132 en compte moins de 4 et 180 moins de 8 (le Centre Val-de-Loire et une partie de la Nouvelle-Aquitaine ayant une tendance marquée pour les faibles regroupements, contrairement aux Hauts-de-France et à la Normandie – deux régions où des EPCI appartiennent par ailleurs à plusieurs bassins). Du sondage conduit par Intercommunalités de France auprès de ses adhérents, il ressort que 87% des 115 intercommunalités ayant répondu se disent satisfaites par le périmètre retenu, alors que 31% des répondants indiquent n’avoir pas été associés à son élaboration (taux qui atteint 44% en ne retenant que les intercommunalités non AOM).
Des comités de partenaires en cours de déploiement
Les comités de partenaires qui doivent être mis en place par les AOM tardent eux aussi à se déployer. D’après l'étude, "la dynamique d’installation" serait à l’œuvre. 27% seulement seraient toutefois d’ores et déjà installés (l’installation serait en cours pour 29%, ce qui laisserait 44% en jachère). Les auteurs de l’étude notent que le retard touche surtout "les intercommunalités non AOM". Ils relèvent en outre que "quand ce comité est installé, celui-ci s’est, dans les deux tiers des cas, réuni à plusieurs reprises. 65% se sont réunis au moins deux fois, 26% au moins trois".
Les PAMS aux abonnés absents
Autre outil de la LOM toujours en souffrance (v. notre article du 30 janvier), le plan d’action commun en faveur de la mobilité solidaire (PAMS). Aucun n’a encore été arrêté à ce jour. "Les premiers devraient sortir en Hauts-de-France en janvier. La région a fait le choix de les développer en même temps que les COM", dévoile Francis Demoz, délégué général du Laboratoire de la mobilité inclusive. L’étude relève que 17% des 115 répondants indiquent que leur intercommunalité l’a "validé" ou est en train de "l’élaborer" (la loi disposant pour mémoire que la région et le ou les départements concernés pilotent son élaboration et suivent sa mise en œuvre, à l’échelle d’un bassin de mobilité). Le taux était de 7% lors du sondage 2022, signe que les choses avancent, lentement.
Processus sans fin
De manière générale, l’étude insiste sur le fait que l’appropriation de ces outils de coordination est "à construire dans la durée". Alors que la plupart sont encore en devenir, les élus, dont Philippe Fournié, vice-président du conseil régional Centre-Val-de-Loire, insistent déjà sur la nécessité de "les faire vivre". Singulièrement le COM, qui pour Antoine Chéreau, vice-président d’Intercommunalités de France, et par ailleurs premier vice-président du conseil régional des Pays de la Loire, devra "faire l’objet d’une relecture commune régulière". Un travail qui, comme cela a été fait "au moment de la définition des bassins de mobilité", ne doit pas selon lui "seulement tenir compte du passé, comme on le fait pour le ZAN, en considérant seulement les flux existants, mais qui doit aussi prendre en considération une volonté politique".
Intercommunalités en pointe
Pour les auteurs de l’enquête, celle des intercommunalités ne manque pas. Ils constatent que les comités de partenaire, les pôles d’échanges multimodaux ou encore des solutions de mobilité douce sont davantage déployés lorsque l’intercommunalité est AOM. "Le portage des politiques de mobilité est plus approfondi lorsque l’intercommunalité est AOM que lorsque la région est AOM de substitution" et "les mobilités dont l’objet d’une meilleure intégration dans les politiques publiques locales dès lors que l’intercommunalité est compétente en mobilité", concluent-ils. Ce qui conforte la conviction de l’association "de la nécessité de rouvrir une période de prise de compétence pour les communautés de communes qui ne sont pas devenues autorités organisatrices en 2021" (v. notre article du 13 octobre). CQFD.