Congrès HLM 2014 - La guerre aux maires non bâtisseurs aura-t-elle lieu ?
"Que le préfet, sur ordre du gouvernement, se substitue aux maires et signe les permis de construire." Voilà ce que veut Jean-Louis Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat, à l'encontre des maires qui ne respectent pas leur quota de logements sociaux (*). D'une manière générale, il aimerait bien que "le gouvernement mobilise ses forces pour atteindre l'objectif de 100.000 nouveaux logements HLM par an". Et il voudrait aussi plus globalement que l'Etat s'attaque à ces maires fraîchement élus qui bloquent volontairement les programmes de construction de logements engagés par leurs prédécesseurs.
C'est ce qu'il dira à Sylvia Pinel, ministre du Logement, de la Ruralité et de l'Egalité des territoires, qui ouvrira le congrès HLM 2014 de Lyon, mardi 23 septembre à 10h00. Et surtout à Manuel Valls, qui assurera la séance de clôture jeudi 25 septembre à 15h00. Entre les deux, le congrès aura également accueilli, mardi après-midi, George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, à l'occasion de la rencontre "le plan logement : pour une pérennité du financement en outre-mer", Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, et, vraisemblablement, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
Déclinaison attendue du plan de relance
"On attend un discours offensif du Premier ministre", confie Jean-Louis Dumont. Pour répondre à cette attente, Manuel Valls devrait décliner le chapitre sur le logement social du plan de relance pour le logement qu'il a présenté le 29 août dernier (voir notre article ci-contre du 29 août).
"Les obligations prévues par la loi SRU, et renforcées par la loi Duflot en matière de construction de logements sociaux, seront respectées. (…) Les pénalités prévues, c'est-à-dire multipliées par 5, seront donc appliquées dès le 1er janvier 2015. (…) Des consignes claires seront données aux préfets qui pourront délivrer des permis de construire en lieu et place des maires défaillants dès 2015", avait-il alors déclaré.
Parallèlement, le plan de relance prévoit de "prolonger les délais de validité des permis de construire de deux à trois ans, dès cet automne".
Le Premier ministre devrait également assurer aux congressistes la "mobilisation de l'Etat et du mouvement HLM pour soutenir les projets retardés, notamment du fait de l'appropriation progressive des projets par les exécutifs locaux nouvellement élus", tel qu'il l'avait fait le 29 août. Peut-être diffusera-t-il la liste des opérations bloquées sur le territoire national (le plan de relance annonçait ce recensement "pour le 15 septembre") ? Peut-être en laissera-t-il la primeur à Sylvia Pinel ?
La construction de 20.000 logements sociaux bloquée
L'USH a déjà mené l'enquête auprès de ses adhérents. Selon elle, 400 programmes de logements étaient bloqués en France début septembre, soit près de 20.000 logements locatifs sociaux concernés, dont 8.000 en Ile-de-France où 80% des blocages tiendraient à des "raisons politiques". Trois autres régions étaient particulièrement touchées : Paca (environ 1.000 logements sociaux bloqués), Rhône-Alpes (2.000) et Nord-Pas-de-Calais (1.800). Les opérations en Vefa représenteraient 30% des blocages des quatre régions tendues (et jusqu'à 40% à Paris).
Au-delà de la froide statistique, Frédéric Paul, directeur général de l'USH, redoute un "effet multiplicateur très pernicieux" : l'idée que les prises de position de quelques maires ne contaminent les élus voisins, sous la pression d'administrés atteints du syndrome de l'entre-soi ou du Nimby (voir notre article ci-contre), signe d'une société où on a peur de l'autre et tentée par les discours populistes… Peur du déclassement social, mais aussi de la dépréciation de la valeur de son bien immobilier au voisinage de nouveaux logements sociaux… "C'est ravageur", tranche Frédéric Paul. Sans parler de ce sentiment d'impunité face à la loi (en l'occurrence : la loi SRU sur le quota de logement social, révisée par la loi Duflot de janvier 2013), exprimé par des maires par ailleurs républicains.
Bonification de la DGF pour les maires bâtisseurs de logements sociaux ?
Une annonce est à prévoir. "J'annoncerai prochainement une mesure de soutien aux maires bâtisseurs (de logements sociaux)", avait également dit Manuel Valls en présentant son plan de relance. Il pourrait s'agir d'une bonification de la DGF en fonction de la mise en chantier de logements sociaux, ainsi qu'il l'avait plus ou moins promis, le 17 juin, au premier secrétaire du parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis. Le Premier ministre avait alors confié y travailler en vue du projet de loi de finances pour 2015 (voir notre article ci-contre du 19 juin 2014).
Le plan de relance annonçait également que Sylvia Pinel effectuera un tour de France de la construction à partir d'octobre 2014 "afin de mobiliser l'ensemble des forces vives". La ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité en dira certainement plus, et peut-être en profitera-t-elle pour donner son programme.
Signature de l'accord d'engagement sur la qualité de service ?
Elle devrait sans doute aussi aborder un sujet qui lui tient à cœur : l'"accord national d'engagement sur la qualité de service dans le logement social" entre l'USH et l'Etat, dont la signature était prévue justement ce mois de septembre. C'est ce qu'elle avait annoncé, le 25 juin, en présentant ses "Actions pour la relance de la construction de logement". Cet accord devrait fixer des objectifs sur plusieurs thématiques (développement du lien social, diminution des charges pour les locataires, rénovation du bâti, amélioration de la sécurité, réduction des nuisances sonores, adaptation des logements pour la prise en compte du vieillissement et du handicap, offre "innovante et adaptée" pour l'accueil des jeunes…) en vue d'"améliorer concrètement la vie quotidienne des locataires" (voir notre article ci-contre du 25 juin 2014)
Valérie Liquet
(*) La liste sera rendue publique fin octobre 2014, selon Matignon.