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Emploi - La fusion ANPE-Unedic pas assez locale pour les collectivités

Le projet de fusion entre l'ANPE et l'Unedic suscite l'inquiétude des acteurs locaux. Les régions revendiquent l'expérimentation d'un "service public local de l'emploi" qu'elles piloteraient elles-mêmes.

Le projet de fusion entre l'ANPE et l'Unedic poursuit son chemin. Le texte doit être examiné en décembre par le Parlement pour une adoption définitive début 2008. Cette fusion doit permettre de ramener le taux de chômage à 5% d'ici la fin du quinquennat et d'améliorer le service rendu aux demandeurs d'emploi et aux employeurs. Avec le nouvel organisme, baptisé France Emploi, chaque employeur bénéficiera d'un interlocuteur unique. Les moyens seront renforcés : à terme, chaque agent de France Emploi aura en charge trente demandeurs d'emploi en moyenne, contre soixante actuellement. Le programme est attractif mais il ne fait pas l'unanimité au sein des collectivités locales. Si celles-ci ne remettent pas en question la logique et l'utilité de cette fusion, elles se sentent exclues du projet. "Le texte qui va être présenté ne tient aucun compte de la dimension territoriale", regrette ainsi Martine Buron, ex-présidente d'Entreprises, territoires et développement (ETD) et vice-présidente d'Eveilléco, une association d'aide à la création d'entreprise. L'Association des régions de France (ARF) partage la même opinion avec un constat simple : si auparavant les régions faisaient partie du conseil d'administration de l'ANPE, elles sont exclues de la gouvernance de la nouvelle structure. Elles ne sont pas représentées non plus au niveau du Conseil national de l'emploi qui doit se substituer au Comité supérieur de l'emploi créé en 2006. "Les régions sont complètement écartées du projet", assure-t-on à l'ARF.

 

"Les collectivités ne sont pas associées au projet"

Même constat au niveau territorial. Si le projet de loi prévoit la constitution de conseils de l'emploi régionaux, consultés sur l'organisation territoriale du service public de l'emploi en région et présidés par les préfets, les collectivités ne sont pas dupes : "Les tâches régionales du nouvel organisme seront définies par conventions pluriannuelles conclues entre l'Etat et le préfet ; les collectivités n'y sont pas associées", précise Martine Buron. L'ARF considère en outre que ces conseils risquent de faire doublon avec les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) qui sont quant à eux co-présidés par les présidents de conseils régionaux et par les préfets de région. L'ARF demande à ce qu'il y ait au minimum des contractualisations entre les directions régionales de France Emploi et les régions. De manière générale, les collectivités partagent un fort sentiment de déception. Elles considèrent que leurs compétences en matière d'emploi ne sont pas reconnues. "La loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale représentait un couronnement, une reconnaissance officielle de l'importance de faire travailler ensemble les territoires et le service public de l'emploi ; là on sent que la réforme se fait ailleurs, avec un texte plaqué", considère Martine Buron. Les collectivités regrettent aussi le gel d'une partie des maisons de l'emploi, décidé par le gouvernement et justifié par la nécessité de mesurer l'impact de la fusion sur leur organisation. Environ 140 projets de maisons de l'emploi vont être ainsi gelés jusqu'au premier semestre 2008. "Le gouvernement bloque le développement des maisons de l'emploi alors que certains territoires travaillent sur le sujet depuis un an ou plus ! Cela risque de casser la dynamique", explique Philippe Maitreau, adjoint au maire de Mulhouse et président du groupe de travail "Organisation territoriale de l'emploi" à l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), un groupe qui s'est réuni le 29 novembre à l'Assemblée nationale pour étudier les relations entre France Emploi et les collectivités.

 

Une réforme essentiellement tournée vers les demandeurs d'emploi

Les territoires sont en effet fortement attachés aux maisons de l'emploi, que Philippe Maitreau considère comme "la forme la plus élaborée, l'outil le plus affiné pour traiter l'emploi au niveau local" même s'il estime que des améliorations peuvent y être apportées, comme la participation plus importante des partenaires sociaux. "Ce qui ne facilite pas la reconnaissance des maisons de l'emploi, c'est que le mode, mais aussi la qualité de leur fonctionnement sont inégaux à travers la France, reconnaît Martine Buron, certaines maisons de l'emploi ont réellement apporté une valeur ajoutée, d'autres fonctionnent moins bien." Du côté de l'ARF, on estime que la réforme est "essentiellement tournée vers la simplification des démarches des demandeurs d'emploi et fait abstraction des autres dimensions de l'emploi, que sont la formation, l'orientation et le développement économique". C'est pourquoi certaines régions, l'Aquitaine en tête, comptent demander au gouvernement le droit, prévu dans la loi du 1er août 2003, d'expérimenter une nouvelle organisation locale de l'emploi. Une organisation dans laquelle les régions se positionneraient comme pilote du service public de l'emploi, avec des degrés d'implication plus ou moins forts, dont le plus extrême est proposé par le président de l'ARF, Alain Rousset : pouvoir expérimenter le transfert total au conseil régional d'Aquitaine de tous les crédits relatifs aux contrats aidés.
Afin de faire entendre la voix des territoires dans le projet de loi, l'AMGVF compte prendre contact avec d'autres collectivités et mobiliser les élus en vue de proposer des amendements. De leur côté, Alain Rousset et Jean-Paul Denanot, président de la Commission formation de l'ARF, doivent rencontrer le 4 décembre la ministre de l'Economie, Christine Lagarde.

 

Emilie Zapalski