Développement durable - La France doit accélérer sa transition vers une "économie circulaire", selon l'Institut Montaigne
"La transition vers une économie plus circulaire a démarré, en Europe comme ailleurs dans le monde". Néanmoins, "il faut l'accélérer pour répondre aux défis environnementaux mondiaux et pour qu'elle fasse profiter entreprises et pays des bénéfices économiques et des avantages compétitifs qu'elle apporte", souligne l'Institut Montaigne dans un rapport publié ce 15 novembre, à l'occasion de la conférence de l'ONU sur le climat (COP22), qui se tient jusqu'au 18 novembre à Marrakech.
Dans ce document, le think tank d'obédience libérale formule huit propositions pour "réconcilier croissance et environnement". Parmi elles figure la mise en place d'un indicateur harmonisé, à minima au niveau européen, afin de mesurer "de bout en bout" la circularité du processus de production dans un territoire donné et de "flécher les investissements vers les meilleures initiatives". Le rapport propose aussi la mise en oeuvre d'un cadre réglementaire communautaire plus adapté, pour permettre l'essor d'un "marché intérieur pour les matières premières recyclables", actuellement contraint par l'existence de "barrières significatives".
Harmoniser les tarifs de mise en décharge en Europe
L'Institut Montaigne appelle en outre à promouvoir l'économie circulaire au niveau international, en poussant les pays à prendre des engagements chiffrés sur la gestion de leurs déchets, et à harmoniser les tarifs de mise en décharge entre les pays européens pour favoriser le recyclage. "L'impact de ce type d'incitations est très important, puisque les pays dans lesquels des prix élevés sont pratiqués (comme l'Allemagne ou la Suède par exemple) affichent des taux de mise en décharge de leurs déchets municipaux proches de zéro, contre près de 30% encore pour la France ou 80% pour la Grèce (en 2010) où les prix sont nettement inférieurs et donc moins dissuasifs", souligne le rapport.
"Il conviendrait donc d'harmoniser à un niveau suffisamment élevé les tarifs de mise en décharge, pour favoriser la réutilisation et le recyclage, notamment dans la perspective d'un marché commun des matières premières recyclées", poursuit-il. Mais "cette action sur les coûts devra cependant être accompagnée d'un plan de gestion des déchets ainsi déviés de la mise en décharge, pour éviter de créer des effets pervers : mise en décharge sauvage ou exportation illégale de déchets par exemple". C'est ainsi que l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Danemark ont, simultanément à l'augmentation du coût de la mise en décharge, mis en place des politiques favorisant la valorisation matière et la valorisation énergétique de ces déchets, illustre le rapport qui reconnaît toutefois qu'il n'existe "pas de consensus en France quant à la voie à retenir, notamment s'agissant de la valorisation énergétique".
Stimuler le recyclage
L'Institut juge également nécessaire de favoriser l'innovation, mais aussi de stimuler la demande de produits issus du recyclage, via des programmes de sensibilisation des consommateurs et via le levier de l'achat public, en intégrant des critères mesurant la performance "circulaire" aux appels d'offres publics.
"En Europe, 31% de la nourriture produite est perdue avant d'être consommée, une voiture est garée en moyenne 90% du temps et 50% des habitants indiquent vivre dans un logement trop grand pour eux", rappelle le think tank, qui appelle, face à ce constat, à inventer de nouveaux modèles économiques. Il préconise ainsi de développer des mesures incitatives au niveau local, notamment en matière de recyclage.
Le tri sélectif, par exemple, peut encore être développé, estime-t-il. "En France, seule une bouteille sur deux est recyclée, ce qui nécessite d'importer du plastique d'Allemagne pour alimenter les usines de recyclage, pointe-t-il. Le taux de mise en déchetterie est également faible. Le tri sélectif est particulièrement mal pratiqué lorsqu'il s'agit des matières organiques : seuls 44% des déchets organiques générés en Europe sont collectés et recyclés. Les citoyens doivent comprendre que jeter un produit, et donc potentiellement de la ressource, a un coût environnemental et économique."
Plusieurs leviers d'action pour les collectivités
Pour l'Institut Montaigne, le changement d'état d'esprit des citoyens-consommateurs doit être accompagné par les collectivités locales, organisatrices de la collecte des déchets et "plusieurs leviers d'action s'offrent à elles, en fonction du degré d'avancement et d'acceptabilité de la part des populations". Le premier levier proposé est le développement du tri sélectif séparé et il cite à cet égard l'exemple de la ville de Milan qui a introduit en 2012 la collecte séparée des déchets organiques ménagers destinés à la méthanisation et a également subventionné les sociétés de collecte de déchets et déployé un large programme de sensibilisation des consommateurs. Résultat : "Le taux de transformation des déchets est ainsi passé de 53 kg par personne en 2013 à 92 kg par personne en 2015", affirme le rapport.
Autres actions proposées : "soutenir les ménages dans leurs initiatives de compostage, notamment via la sensibilisation ou l'aide à l'achat de mini composteurs pour les maisons individuelles" et "développer des tarifications incitatives pour les ménages (en fonction par exemple du poids, du volume ou du nombre d'enlèvement des déchets collectés ou en imposant l'utilisation de sacs poubelles spécifiques fournis par la collectivité à des tarifs supérieurs au prix d'un sac poubelle standard)". "C'était l'un des objectifs du 'Grenelle de l'environnement'", rappelle l'Institut mais "il n'existe à ce stade pas d'unanimité quant à l'acceptabilité de ce type de démarche par les populations et ses éventuels effets pervers (la mise en décharge sauvage notamment)."
Mais selon le rapport, les comparaisons internationales sont "plutôt rassurantes", même si les "expériences positives doivent cependant être nuancées par des cas moins favorables". "Au Danemark, la mise en place d'une tarification incitative a eu des effets très positifs, note l'Institut. En Italie également, le passage en tarification incitative a conduit, dans 95 communes, à une augmentation de 12,2% du ratio de déchets triés sans effet sur la quantité de déchets produite".