Environnement - Transition énergétique : place aux travaux pratiques
Trois mois avant la Conférence Paris Climat, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte "concrétise les engagements de la France en faveur de la lutte contre le changement climatique et contribue à l'exemplarité de notre pays", a mis en avant Ségolène Royal dans une communication en conseil des ministres le 26 août. La ministre de l'Ecologie et de l'Energie est déterminée à accélérer le mouvement pour que les mesures contenues dans le texte publié au Journal officiel le 18 août puissent très vite trouver leur traduction opérationnelle. Le texte a été promulgué après que le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par les parlementaires Les Républicains, a validé la loi le 13 août en censurant toutefois plusieurs articles, dont ceux sur la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels, la réduction des gaz à effet de serre dans la grande distribution et l'actionnariat des éco-organismes. Pour des raisons de procédure, plusieurs paragraphes concernant le gaspillage alimentaire, qui prévoyaient que les grandes surfaces n'auraient plus le droit de jeter de la nourriture, ont aussi été invalidés par les Sages.
Le texte promulgué comporte pas moins de 215 articles. Il prévoit une centaine de décrets d'application et comporte près de 45 ordonnances. Selon le ministère de l'Ecologie, 25 décrets ainsi que les ordonnances correspondant à 27 habilitations étaient déjà prêts au moment de la parution de la loi. Ségolène Royal a affirmé le 26 août que la moitié des textes d'application étaient prêts à partir en consultation et que tous devraient être publiés d'ici 6 mois. Une vraie gageure pour un texte de cette ampleur.
50 mesures d'"application immédiate"
D'ores et déjà, plus de 50 dispositions sont d'"application immédiate", a souligné la ministre. Parmi celles-ci, détaillées dans un dossier "mode d'emploi" réalisé par le ministère, un grand nombre concernent les collectivités. Pour renforcer l'efficacité énergétique dans le bâtiment, le plan local d'urbanisme peut désormais imposer aux constructions de couvrir une part de leur consommation d'énergie par la production d'énergie renouvelable (article 8-I). Des actions de sensibilisation à la maîtrise de la consommation d'énergie auprès des utilisateurs des nouvelles constructions de l'Etat, de ses établissements publics et des collectivités territoriales peuvent être mises en place sans attendre (article 8-II). Les collectivités et établissements publics établissant un plan climat énergie territorial (PCET) peuvent conclure un partenariat avec les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (universités, grandes écoles…) à cette fin (article 8-III). Les plateformes territoriales de la rénovation énergétique, qui visent à renforcer l'accompagnement technique et financier proposé aux particuliers lors de leurs travaux et englobent le réseau existant des 450 Points rénovation Info service peuvent être mises en place à l'échelle d'une ou de plusieurs intercommunalités (article 22). Les collectivités peuvent en outre prévoir dans les plans locaux d'urbanisme que le nombre de places de stationnement exigé ordinairement soit réduit d'au moins 15% en contrepartie de la mise à disposition de véhicules électriques en autopartage (article 42).
Plusieurs mesures concernant les transports sont aussi d'application immédiate : la possibilité pour les maires de réduire la vitesse de circulation en dessous des limites prévues par le code de la route sur tout ou partie des voies de l'agglomération (article 47), les avantages tarifaires pour l'accès aux transports en commun en cas d'interdiction de circulation de certaines catégories de voitures particulières (article 48), les interdictions de circulation à certaines heures, sur l'ensemble des voies de la commune, lorsque celle-ci est située dans une zone couverte par un plan de protection de l'atmosphère (article 49), l'obligation pour les plans de déplacement urbain et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux en tenant lieu d'être compatibles avec les objectifs du plan de protection de l'atmosphère pour chaque polluant (article 66).
D'autres dispositions de la loi seront applicables au 1er janvier 2016. C'est le cas par exemple de l'interdiction de l'épandage aérien des produits phytosanitaires (article 68). Au chapitre des déchets et de la promotion de l'économie circulaire, les nouvelles installations de tri mécano-biologique ne pourront plus recevoir d'aides financières publiques, notamment de la part du fonds Déchets géré par l'Ademe, si la collectivité concernée n'est pas en mesure de prouver qu'elle a mis en place des solutions de tri à la source des biodéchets (article 70-V). A partir du 1er janvier prochain, les sacs plastiques de caisse à usage unique seront interdits et cette interdiction sera étendue aux sacs "fruits et légumes" au 1er janvier 2017. Par ailleurs, les maires voient leurs pouvoirs renforcés contre l'abandon des véhicules hors d'usage (article 77). La tarification incitative dans la collecte des déchets est encouragée : un groupement de collectivités pourra mettre en place une tarification de ce type dite de second niveau, applicable aux collectivités en fonction des performances de collecte atteintes (article 84). Le principe du traitement des déchets à proximité de leur lieu de production est inscrit dans la loi (article 87), dans l'optique de réduire les distances parcourues et les consommations d'énergie. En matière de sûreté nucléaire, les commissions locales d'information (CLI) mises en place autour de chaque site nucléaire voient leur pouvoir renforcé (article 123). Côté énergies renouvelables, le texte assouplit le dispositif d'implantation de parcs éoliens terrestres sur le territoire des communes soumises à la loi littoral. Les délais de recours contre les parcs éoliens sont aussi réduits (article 143). L'expérimentation du permis environnemental unique actuellement menée dans sept régions va être étendue à l'ensemble du territoire (article 145). Par ailleurs, sur le volet gouvernance du texte, la compétence de création et d'exploitation d'un réseau public de chaleur ou de froid est donnée aux communes ou aux établissements publics auxquels elles la transfèrent (article 194).
Les premiers textes réglementaires attendus
Le programme des textes réglementaires des prochains mois s'annonce copieux. Le ministère a donné le 18 août quelques indications sur ceux qui devraient sortir très vite. Dans le domaine de la rénovation des bâtiments, les décrets précisant les critères qui s'appliqueront aux bâtiments à énergie positive seront présentés à l'automne, selon le ministère de l'Ecologie. Ils fixeront une performance énergétique inférieure de 20 à 30% à celle de la réglementation en vigueur (RT2012). Ces bâtiments devront comporter des équipements fonctionnant aux énergies renouvelables (chauffe-eau solaire, raccordement à un réseau de chaleur…) et avoir un faible coefficient carbone, en recourant par exemple aux matériaux bio-sourcés. Le décret et l'arrêté permettant de mettre en oeuvre des sociétés publiques de tiers financement chargées d'avancer des fonds aux particuliers désirant réaliser des travaux de rénovation énergétique seront publiés "dans les prochaines semaines" a indiqué le ministère de l'Ecologie le 18 août. Le décret fixant le volume d'économie d'énergie et le plafond de revenu des bénéficiaires du nouveau dispositif de certificats d'économie d'énergie dédié à la lutte contre la précarité énergétique doit être mis en concertation "dès le début septembre, avec pour objectif une publication avant la fin de l'année", selon le ministère. Dans le domaine des transports, les projets de décrets relatifs au déploiement des véhicules à faibles émissions dans les flottes publiques, les loueurs et les taxis seront mis en consultation "prochainement" pour une saisine du Conseil d'Etat à l'automne. L'ordonnance concernant l'expérimentation de véhicules à délégation totale ou partielle de conduite sera présentée lors du salon des véhicules connectés à Bordeaux, qui se tiendra du 5 au 9 octobre. Celle sur les transports urbains par câble devait être soumise au Conseil d'État avant la fin août.
Moyens renforcés pour les territoires à énergie positive
Pour la mise en œuvre des dispositions de la loi, Ségolène Royal a appelé le 18 août à la mobilisation des citoyens, des entreprises et des territoires. "Il appartient [désormais] à chacun de se saisir des outils" qui sont mis à leur disposition. La ministre en a dénombré "18 pour les citoyens, 16 pour les entreprises et 20 pour les territoires". Concernant les territoires à énergie positive, "une deuxième vague sera désignée très rapidement" pour une centaine de collectivités, qui viendront s'ajouter aux 212 territoires déjà sélectionnés en février, a fait savoir la ministre. Cette "nouvelle étape" pour ces territoires implique des compléments de soutien du fonds de financement de la transition énergétique (FFTE) pour porter l'enveloppe, par territoire, de 500.000 euros jusqu'à 2 millions d'euros. La gestion financière et administrative du FFTE, doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, sera assurée par la Caisse des Dépôts, a rappelé le ministère de l'Ecologie. Outre le soutien des lauréats des appels à projets "territoires zéro gaspillage, zéro déchets" et "territoires à énergie positive pour la croissance verte", le FFTE permettra notamment le renforcement du fonds Chaleur et le financement des actions en faveur de la rénovation énergétique de logements privés, au travers d'un complément de financement de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).
Anne Lenormand
Référence : loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; décision du Conseil constitutionnel du 13 août 2015
Un décret relatif à l'économie circulaire et à la gestion des déchets en consultation
Le ministère de l'Ecologie a mis en consultation jusqu'au 4 septembre un
projet de décret qui a pour objet d'introduire les évolutions réglementaires concernant l'économie circulaire, la prévention et la gestion des déchets contenues dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Le texte comporte 33 articles répartis en neuf sections.
La première d'entre elles modifie l'encadrement réglementaire applicable à la collecte des ordures ménagères par le service public de gestion des déchets. Il s'agit notamment de donner davantage de liberté aux collectivités locales dans la définition des modalités de cette collecte. La section 2 concerne notamment la mise à jour des indicateurs techniques et financiers qui figurent dans le "rapport du maire" prévu par l'article L. 2224-17 du code général des collectivités territoriales. La section 3 concerne les mesures relatives au tri et à la collecte séparée par les producteurs ou détenteurs des déchets de papier, de métal, de plastique, de verre et de bois. La section 4 "permet la mise en œuvre d'une signalétique appropriée informant l'utilisateur des produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l'environnement qui relèvent d'une consigne de tri et que les déchets qui en résultent ne doivent pas être jetés en mélange avec les autres déchets ménagers résiduels, en application de l'article L. 541-10-4 du code de l'environnement". La section 5 "définit les conditions d'application des dispositions législatives du code de l'environnement visant à interdire la mise à disposition des sacs en matières plastiques à usage unique à l'exception, s'agissant des sacs autres que les sacs de caisse, des sacs compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées".
La section 6 adapte les dispositions du code de l'environnement relatives à la gestion des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) suite à la modification de l'article L. 541-10-2 concernant la gestion de ces déchets. La section 7 traduit dans des termes réglementaires les modalités d'application de l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement, qui concerne l'obligation pour les distributeurs de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels de s'organiser pour reprendre des déchets issus de matériaux, produits et équipements du même type que ceux qu'ils distribuent. La section 8 précise les conditions d'exercice des activités de recyclage des navires dans le cadre de l'application du règlement (UE) n° 1257/2013. Enfin, la section 9 propose un certain nombre de simplifications et de mises à jour de la partie réglementaire du code de l'environnement concernant les questions de prévention et de gestion des déchets, dans l'optique d'accélérer la transition vers l'économie circulaire.
A.L.