Habitat - La Fondation Abbé-Pierre dresse la carte de France du "logement trop cher"
La Fondation Abbé-Pierre publie une étude originale sur "La France du logement trop cher". Elle consiste à tester, dans douze agglomérations de taille diverse, ce que différents ménages types peuvent réellement s'offrir, à la location ou à l'achat, dans le neuf ou dans l'ancien, dans le privé ou dans le parc social. Le résultat est qu'"en dehors du logement vraiment social, les prix proposés sont souvent trop élevés pour la plupart des ménages, et pas seulement en région parisienne".
Des logements inaccessibles
L'étude ne s'en tient pas aux seuls ménages modestes, mais intègre également les "classes moyennes inférieures". Elle prend ainsi en compte quatre profils types : un isolé (jeune ou retraité) avec 900 euros par mois plus l'APL, une famille monoparentale de deux ou trois personnes avec 1.200 euros par mois plus l'APL, un ménage de trois personnes (deux actifs) avec 2.000 euros par mois (sans APL) et un ménage de cinq personnes (un actif) avec 1.900 euros par mois plus l'APL.
Par exemple, en matière d'accession à la propriété, la famille monoparentale peut accéder à un T2 ancien à Lille, à un T2 neuf ou ancien à Caen ou Orléans ou à un T2 ou T3 ancien à Clermont-Ferrand. En revanche, elle ne peut pas accéder à la propriété - dans des conditions acceptables (taux d'effort, superficie, qualité...) - dans les huit autres agglomérations de l'échantillon : Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nice, Rennes, Toulouse, Seine Amont (Ivry-Choisy-Vitry) et Strasbourg.
En matière de marché locatif privé et intermédiaire, la même famille monoparentale ne peut accéder à aucun logement dans les douze agglomérations de l'échantillon (dans des conditions acceptables et pour un taux d'effort de 25%). Il en est de même pour la famille de cinq personnes. La situation est un peu moins défavorable pour la personne isolée - qui peut accéder à un T1 en PLS, sauf à Lille, Lyon, Montpellier, Nice et Seine Amont - et pour le ménage de trois personnes, qui peut accéder à un T3 en PLS sauf dans ces cinq mêmes agglomérations.
"La France n'est pas sortie du logement hors de prix"
Pour la Fondation Abbé-Pierre, "la France n'est pas sortie du logement hors de prix. Malgré le tassement des prix depuis 2011, à l'achat comme à la location, se loger correctement reste un objectif inatteignable pour une large part des ménages des couches populaires et moyennes, notamment dans les grandes villes". En dehors du logement très social (PLAI et PLUS), "les prix proposés sont souvent trop élevés pour la plupart des ménages, et pas seulement en région parisienne".
L'étude rappelle ainsi qu'entre 2000 et 2014, les loyers ont augmenté en moyenne de 55% (selon les chiffres de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne), soit un rythme deux fois plus rapide que celui de l'inflation. En matière d'accession, les prix ont progressé de 110% entre 2000 et 2015, selon l'Insee, ce qui "a rendu l'achat d'un logement adapté à leurs besoins très difficile aux ménages des classes moyennes, et totalement hors de portée des ménages modestes".
Le logement social "bouée de sauvetage", mais pas sans conséquence
En revanche, l'étude estime que tous les ménages de l'échantillon peuvent payer un loyer HLM en logement réellement social, c'est-à-dire PLUS ou PLAI. La Fondation plaide donc à la fois pour une relance de la construction de logements sociaux et pour une part plus grande accordée au logement très social.
Dans le cas du parc privé, elle estime que l'encadrement des loyers est à étendre "au plus vite", l'expérience parisienne se révélant "très positive pour des milliers de locataires qui ont vu leur facture logement baisser". En termes d'accession à la propriété, "qui est une aspiration légitime", la Fondation demande "de promouvoir des solutions d'accession sociale qui solvabilisent et sécurisent les accédants, à l'instar du PSLA" (prêt en location-accession proposé par les bailleurs sociaux).
Ce rôle de "bouée de sauvetage" du logement social, dans un contexte de logement trop cher, n'est d'ailleurs pas sans conséquence sur le très faible turn over dans ce secteur. Un seul chiffre cité par l'étude suffit à en témoigner : le nombre de ménages passés d'une location en HLM à l'accession à la propriété au cours des quatre années précédentes a reculé de 297.000 en 2002 à 165.000 en 2013, soit une chute de 44%.