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Régulation - La disparition du Forum des droits de l'internet se précise

"A ce stade, nous n'avons aucune réponse de nos autorités de tutelle concernant la continuation de notre mission, alors que la convention triennale qui garantit notre financement à 90% par l'Etat arrive à échéance le 31 décembre prochain", a alerté Isabelle Falque-Pierrotin. La déléguée générale du Forum des droits sur l’internet (FDI) a profité, ce 6 octobre, du dixième anniversaire de son association de co-régulation du web pour dresser un bilan et tracer des perspectives.

Organisme parapublic de concertation entre Etat, société civile et acteurs économiques

Entourée de membres de son conseil d'orientation, la conseillère d'Etat s'est d'abord réjouie du travail "d'intérêt général accompli comme une mission de service public". 120 organismes, entreprises comme associations, ont adhéré au FDI. 34 recommandations ont été adoptées. Plusieurs ont concerné les collectivités territoriales : accessibilité des services de communication publique en ligne (novembre 2008), vote électronique (juin 2008, septembre 2003), lieux d'accès public à l'internet (décembre 2007), communication électorale (octobre 2006, août 2002), conservation électronique des documents (décembre 2005), télétravail (décembre 2004), administration électronique (février 2003), etc. 22 consultations publiques ont été menées auprès des internautes. 15 guides pratiques, 300 fiches, 7 sites internet ont été mis en ligne pour l'information des citoyens. En outre, le service d'e-médiation, créé dès 2004, pour arbitrer les conflits rencontrés par les internautes, a traité 22.000 dossiers avec un taux de résolution de 87,5%. "Ici, ce n'est pas un lieu de palabre mais un lieu opérationnel de production d'outils utiles pour les entreprises comme pour les particuliers !", s'est exclamé Gérard Noël, membre du conseil d'orientation du collège des acteurs économiques et vice-président directeur général de l'Union des annonceurs (UDA). D'ailleurs l'impact de l'expertise juridique du FDI est perceptible dans presque toutes les nouvelles lois sur le numérique: évolution de la protection de l'enfance sur la Toile ou charte de déontologie "Publicité ciblée et protection des internautes", par exemple. Seul bémol - mais de taille -, la question de la copie des œuvres numériques n'y a pas été traitée : "après une consultation sur le pear to pear (ndlr : P2P ou échange de pair à pair), nous avons réuni l'Etat, des représentants de la société civile et les entreprises sur le sujet. Aucun n'a souhaité débattre de téléchargement illégal au sein du Forum", a rappellé Isabelle Falque-Pierrotin. Les lobbies entre Etat et acteurs économiques ont alors accouché de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) qui démarre ces jours-ci ses envoies de mails d'avertissement aux internautes.

Toujours pas de conseil national du numérique

Si le bilan du FDI est positif, les perspectives semblent plutôt sombres. "Il est temps de renforcer le dispositif et le projet de conseil national du numérique (CNN) avait cet objectif", a poursuivi la déléguée générale. Dès 2008, les pouvoirs publics ont souhaité faire évoluer le dispositif de régulation pour faire face à la démocratisation de l’internet : depuis la création du FDI en 2001, le nombre d'internautes en France est en effet passé de 1,5 à plus de 35 millions. Les secrétaires d'Etat au Développement de l'économie numérique, Eric Besson, dans le cadre de son plan France Numérique 2012 (proposition n° 145) en octobre 2008, puis Nathalie Kosciusko-Morizet, ont travaillé à mettre sur pied le CNN, en indiquant vouloir s'appuyer sur l’expertise du Forum. Deux ans et quelques réunions interministérielles plus tard, le CNN n'existe toujours pas. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? En fait, il aurait été proposé au FDI de se fondre dans une sorte de fédération d'entreprises qui permettraient ainsi au gouvernement d'économiser les 1,143 million d'euros annuels de fonctionnement du FDI. Inacceptable au regard de la culture "multiacteur et impartiale" du FDI. "Cette idée de corégulation, de lieu multi-acteurs est partagée par tous les experts en Europe", a précisé Michel Vivant, professeur de droit. "Nous ne sommes pas opposés au CNN mais aujourd'hui on nous laisse entendre que nous n'existerons plus fin décembre… Or, il faut qu'il y ait quelque chose, notre pays ne peut rester avec ce vide", a conclu Corinne Griffond,  membre du conseil d'orientation (collège utilisateurs) du FDI et vice-présidente de l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Questions de protection de la vie privée ou du droit à l'oubli sur le Net, gouvernance mondiale du réseau, révolution des prochaines campagnes électorales avec les outils du web 2.0, les sujets ne manquent pourtant pas ! "Il y a en effet urgence à assurer la pérennité de l'oeuvre accomplie par le FDI et à apporter une réponse précise quant à l'avenir des personnels concernés et à la nouvelle organisation dotée des moyens suffisants pour assurer la mission de dialogue, de concertation et de médiation nécessaire au bon fonctionnement de l'internet en France", a confié à Localtis le député de Loir-et-Cher, Patrice Martin-Lalande, membre du conseil d'orientation du FDI.

 

Luc Derriano /EVS