Sapeurs-pompiers professionnels - La directive sur le temps de travail met le feu aux poudres
Demander aux pompiers professionnels de faire des gardes de 24 heures va-t-il devenir un luxe ? La perspective d’une nouvelle directive européenne sur le temps de travail commence à agiter les soldats du feu. Ainsi le Syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels (SNSPP) appelle ses adhérents à rejoindre la journée de manifestations intersyndicale du 23 mars, notamment, pour "la défense des gardes de 24 heures". D’autres syndicats, à l’inverse, espèrent ardemment une refonte du système…
Pour l’heure, en France, cette garde obéit en effet à "un principe 'hors-la-loi' au regard du droit communautaire", aux yeux de la Fédération autonome SPP-PATS. Si elle dure 24 heures, le service départemental d’incendie et de secours (Sdis) ne la rémunère, au mieux, que pour 17h44. Les pompiers "autonomes" seront donc également dans la rue le 23 mars - mais pour demander, notamment, que les heures manquantes deviennent "soit payées, soit décomptées en crédit temps retraite", comme l’explique leur président André Goretti.
Ce "principe d’équivalence" est pourtant légitime aux yeux du colonel Eric Faure, le vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Comme il le souligne, la garde de 24 heures comprend un temps de travail "actif", d’interventions, de formations, ou d’entraînement physique, mais aussi un temps "inactif", de déjeuner ou encore de repos, dans l’attente d’un éventuel départ.
Pour le Parlement européen néanmoins, et selon la jurisprudence de la Cour européenne de justice, tout ce temps de garde doit être considéré comme du temps de travail. Désireux de modifier en ce sens la directive existante sur le temps de travail, le Parlement en était arrivé à tenter une conciliation, en avril 2009, avec le Conseil européen. En vain. La directive de 2003 est donc restée en vigueur. Et le système français, régi par le décret n°2001-1382 du 31 décembre 2001, est demeuré inchangé. Depuis, la Commission européenne a été renouvelée. Et la réécriture de la directive est de nouveau sur la table du commissaire László Andor. Une première consultation avec les partenaires sociaux est même prévue pour le 24 mars, selon sa porte-parole.
Or, pour le colonel Eric Faure, rémunérer les heures de présence en caserne "1 heure pour 1 heure" constituerait un double danger. "De facto, la directive réécrite empêcherait d’organiser des gardes de 24 heures, et obligerait les Sdis à faire des tranches de 8, 10 ou 12 heures", assure-t-il. Dès lors, il leur faudrait "soit augmenter le nombre de professionnels afin d’avoir le même effectif, pour un coût qui augmenterait sensiblement, soit, faute de moyens, diminuer leur nombre, et donc la couverture du risque durant la nuit". En conséquence, "on va risquer d’augmenter le taux de sollicitations des volontaires, ce qui est insupportable".
Au SNSPP, Patrice Beunard redoute lui aussi cette refonte des gardes de 24 heures : elle pourrait aboutir à "des fermetures de caserne", tandis que "les volontaires sont déjà pressés comme des citrons". La CGT des agents des Sdis, en revanche, ne se mobilise pas contre la réécriture annoncée. "Pour l’instant, c’est le statu quo", affirme le responsable national Bruno Lebel. "Et la CGT est contre le système des équivalences, au niveau confédéral."
Olivier Bonnin