La crise sanitaire a fait chuter de moitié le nombre d'heures en crèches
Le rapport annuel de l'Observatoire national de la petite enfance chiffre la "chute historique de l'activité" des modes d'accueil en lien avec la crise sanitaire. Il montre par ailleurs que la baisse de la natalité en 2020 a pour effet d'améliorer le taux de couverture des besoins en termes de modes de garde malgré une capacité d'accueil en baisse et des retards importants dans le programme de création de places.
L'Observatoire national de la petite enfance (Onape) – porté par la Cnaf avec le concours du ministère des Solidarités et de la Santé et celui de l'Éducation nationale, la Drees, l'Insee, la MSA et l'Urssaf – publie son rapport 2021 portant sur "L'accueil du jeune enfant en 2020". Sans surprise et comme pour bon nombre d'autres domaines, le secteur de l'accueil de la petite enfance a été profondément marqué en 2020, sinon bouleversé, par la crise sanitaire. Avec le confinement des familles – que le rapport de l'Onape qualifie de "cours anormal des choses" – celle-ci a joué tout particulièrement sur l'activité des modes de garde collectifs, mais aussi sur le programme de création de nouvelles places.
Près de 60 places en modes d'accueil pour 100 enfants de moins de trois ans
Le premier impact de la crise sanitaire, qui va avoir une influence à court terme sur les besoins en modes de garde, concerne la natalité. Si la France reste le pays le plus fécond de l'Union européenne, avec un indicateur conjoncturel de fécondité de 1,83 enfant par femme en 2020, le nombre de naissances a diminué de 17.000 au cours de cette année. Le rapport observe que "la baisse des naissances a été accentuée en décembre 2020, neuf mois après le début du premier confinement en mars 2020" (-7% par rapport à décembre 2019). Et l'impact est encore plus fort au début de 2021. Le mouvement de baisse de la natalité étant apparu il y a une dizaine d'années, la baisse du nombre d'enfants de moins de 6 ans, amorcée en 2012, se poursuit donc.
En termes de capacité d'accueil de la petite enfance, la baisse de la natalité a pour effet d'améliorer le taux de couverture des besoins, malgré les retards importants dans le programme de création de places. La capacité théorique représente ainsi 59,8% des enfants de moins de trois ans (chiffre 2019), contre 58,9% en 2017 et 59,3 en 2018 : 33% chez les assistantes maternelles (en légère baisse par rapport aux 33,2% de 2018), 20,9% pour les établissements d'accueil du jeune enfant (Eaje) en hausse de 0,8 point sur 2018, 3,7% pour l'école préélémentaire – "ce qui fait de l'Éducation nationale le troisième contributeur en assurant l'accueil d'environ un enfant de moins de 3 ans sur 25" – et 2,1% pour les salariées à domicile. La capacité théorique d'accueil s'élève ainsi à 1.345.700 places tous modes confondus (chiffre 2019), contre 1.354.900 un an plus tôt. Mais cette très légère baisse de la capacité est plus que compensée par la diminution du nombre d'enfants de 0 à 3 ans, ce qui permet d'améliorer le taux de couverture.
Une "chute historique de l'activité"
La crise sanitaire et, plus encore les confinements, ont eu un impact très fort sur les modes d'accueil de la petite enfance. Ainsi, le nombre de foyers allocataires bénéficiaires du complément du mode de garde (CMG) en avril 2020 était inférieur de plus de 29% à celui du même mois de 2019. L'ampleur de cette baisse de l'utilisation du CMG varie toutefois selon le mode d'accueil : -21,8% pour les assistantes maternelles, -49,7% pour les salariées à domicile et -81,1% pour les micro-crèches privées. A partir de juin 2020 (premier déconfinement), le nombre de foyers allocataires bénéficiant du CMG "retrouve un niveau proche de 2019, mais sans jamais l'atteindre". L'Onape explique cette situation par le maintien de l'activité partielle dans certaines entreprises, le développement du télétravail, puis le second confinement en novembre 2020.
Vu du côté des modes d'accueil, le rapport évoque une "chute historique de l'activité", dès le début du premier confinement. Ainsi, les Eaje ont vu le nombre d'heures d'activité chuter de plus de 50% en mars 2020. Et en avril, la quasi-totalité des Eaje étaient à l'arrêt, à l'exception de ceux accueillant les enfants des travailleurs prioritaires (comme les personnels soignants). A la rentrée 2020, près des trois quarts (73%) des Eaje connaissaient toujours une baisse de leur activité, avec 6,9% d'heures en moins. En décembre, ils étaient encore 62% à faire état d'une baisse de leur activité. Le recul est moins prononcé, mais néanmoins bien réel, chez les assistantes maternelles (-8,4% d'heures réalisées sur l'ensemble de l'année par rapport à 2019) et plus encore chez les salariées à domicile (-16,5% d'heures déclarées).
Conséquence : les dépenses d'accueil consacrées aux enfants de 0 à 6 ans ont diminué de 2,4%, pour s'établir à 32,2 milliards d'euros : 14,7 milliards pour l'accueil des enfants de 0 à 3 ans (financé essentiellement par la branche Famille de la sécurité sociale) et 17,5 milliards pour celui des enfants de 3 à 6 ans (financé principalement par l'Éducation nationale et les collectivités territoriales).
Cette baisse relativement modeste au regard de la chute de l'activité s'explique par la mise en œuvre d'une série d'aides exceptionnelles, dont les Eaje ont bénéficié à hauteur de 732 millions d'euros. Pour sa part, l'activité des assistantes maternelles a été soutenue par la mise en place de mesures d'activité partielle, non prises en compte dans l'état des lieux des dépenses car relevant de l'assurance chômage.
Des créations nettes de places en fort recul et l'objectif de la COG désormais inatteignable
Le rapport de l'Onape ne donne que très peu d'informations sur les créations de places en modes d'accueil collectif. Il indique toutefois qu'entre 2018 et 2019, sur le champ des établissements d'accueil financés par la PSU (prestation de service unique), le solde de places net augmente de près de 3.000 (dont 140 places nettes dans les quartiers prioritaires), ce qui correspond à près de 17.200 fermetures de places, compensées par la création de 20.200 places.
Ces chiffres concernent l'année 2019, mais il est clair que le Covid-19, combiné avec une année d'élections municipales et intercommunales étalées sur près de trois mois en raison du confinement, a lourdement pesé sur les créations nettes en 2020. C'est ce qui a conduit la Cnaf à lancer, en février 2021, son plan "Rebond" de soutien exceptionnel à l'investissement (voir notre article du 4 février 2021). Malgré ce plan qui a connu un succès très mitigé – et la récente annonce de sa prolongation de sa prolongation en 2022 (voir notre article du 14 décembre 2021) –, il est désormais clair que l'objectif de création nette de 30.000 places en Eaje sur la durée de la COG 2018-2022 ne sera pas atteint, comme l'a reconnu Vincent Mazauric, alors directeur de la Cnaf, lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat, le 25 octobre dernier.