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Emploi - La Cour des comptes veut remettre de l'ordre dans les revenus de remplacement des seniors

La Cour des comptes a présenté le 11 janvier 2012 devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ses conclusions sur les revenus de remplacement versés aux seniors sans emploi. Parmi ses recommandations : une mise en cohérence des dispositifs, une action plus forte des pouvoirs publics et une meilleure mobilisation des prestations emploi pour les seniors.

Deux millions de seniors sans emploi perçoivent des revenus de remplacement pour un montant de 20 milliards d'euros. Dans un rapport présenté devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 11 janvier 2012, la Cour des comptes fait le point sur ces revenus versés aux seniors, sur leur évolution et leur fonctionnement, suite à une demande d'enquête de la commission. Globalement, la Cour des comptes estime que ces revenus de remplacement sont insuffisamment coordonnés et sont financés par de nombreux contributeurs qui ont une gestion comprenant des critères d'attribution et des objectifs non homogènes. Une gestion qui "ne permet pas d'éviter les phénomènes des transferts imprévus ni de maîtriser la dépense et d'offrir un dispositif qui soit compréhensible pour les intéressés, et ni même parfois d'éviter des effets d'exclusion", a expliqué Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, auditionnée par la commission des affaires sociales. "Le rapport insiste tout particulièrement sur la complexité des règles et des circuits d'attribution pour les dispositifs d'indemnisation de l'invalidité et du handicap", a-t-elle précisé.
Il existe quatre catégories de revenus de remplacement. Tout d'abord, les allocations chômage accordées en cas de perte d'emploi et les régimes de préretraite. A cela s'ajoute les revenus accordés en raison de l'incapacité pour des raisons de santé, soit l'allocation pour adulte handicapé (AAH), les pensions et l'allocation supplémentaire d'invalidité, soit une pension ou une rente dans les cas des accidents du travail ou de maladies professionnelles. Enfin, les revenus de subsistance qui sont accordés quand les ressources financières du foyer de la personne sont très faibles (principalement le revenu de solidarité active-RSA).

Une mise en cohérence mais pas de reconstruction globale des dispositifs

Au total, ces revenus concernent 2 millions de personnes. "Un nombre de bénéficiaires à rapprocher du nombre des 50-64 ans qui est en augmentation : de 8,8 millions en 1990 à un peu moins de 12 millions en 2010", a souligné Anne Froment-Meurice. Ces revenus sont financés par l'Etat, l'Unédic, la sécurité sociale, les entreprises et les conseils généraux qui financent le RSA-socle. Pour améliorer leur fonctionnement, les Sages de la rue Cambon avancent plusieurs recommandations. Premier point : réaliser un travail technique pour mieux estimer le coût de ces revenus et le nombre des bénéficiaires sans double compte. "En l'état des informations dont nous disposons, nous ne sommes pas sûrs de l'absence de ces doubles comptes", a précisé Anne Froment-Meurice.
La cour recommande aussi de conduire des travaux sur les niveaux globaux de revenus perçus par les seniors sans emploi et sur l'effet de ces niveaux, d'une part sur la pauvreté, d'autre part sur l'attractivité du travail. Concernant la coordination des revenus de remplacement, si la cour estime qu'il est difficile d'envisager une reconstruction globale de ces dispositifs, elle préconise de veiller à leur mise en cohérence. La poursuite des réflexions en cours sur l'allocation supplémentaire d'invalidité et sur la déconnexion entre taux d'incapacité et aptitude au travail fait partie de ce travail, tout comme le rapprochement du droit de l'invalidité des dispositifs qui existent en faveur des personnes handicapées.

Amplifier l'action des pouvoirs publics

La Cour des comptes a également mis en avant les leviers d'action envisageables pour maintenir davantage les seniors dans l'emploi et donc limiter le recours aux revenus de remplacement. Une action plus forte des pouvoirs publics est ainsi préconisée "pour mieux anticiper le vieillissement au travail, en améliorant les conditions du travail et l'accès à la formation, pour maintenir les seniors dans l'emploi et favoriser le retour sur le marché du travail de ceux qui en ont été éloignés et qui en ont la capacité", a détaillé Anne Froment-Meurice, précisant qu'un nouveau cadre de négociation, au-delà de la négociation collective, devait être mis en place "obligeant à des contenus d'accords ou de plans d'actions qui soient plus directement favorables à l'emploi des seniors". Fin 2012, la seconde vague d'accords sur l'emploi des seniors doit faire l'objet d'une nouvelle négociation. La Cour des comptes souhaite qu'elle se fasse avec ce nouveau cadre.
Anne Froment-Meurice a également insisté sur la nécessité d'aider les petites entreprises qui ne sont pas concernées par la négociation collective à progresser en matière d'emploi des seniors. Enfin, elle préconise que les outils classiques de la politique de l'emploi, les contrats aidés et autres prestations de Pôle emploi soient davantage mobilisés pour les seniors. "Les évolutions démographiques ne permettront pas une diminution spontanée du recours par les seniors aux revenus de remplacement, a averti la magistrate. Le nombre des 50-64 ans qui est aujourd'hui de 12 millions de personnes, devrait atteindre plus de 12,5 millions de personnes en 2050."


Emilie Zapalski


L'AAH augmente toujours et encore avec de fortes disparités territoriales
A l'occasion de l'audition d'Anne Froment-Meurice, les députés de la commission des affaires sociales ont dénoncé les dérapages de l'allocation pour adulte handicapé (AAH), qui devait initialement être l'objet unique du rapport de la Cour des comptes. Les dépenses concernant l'AAH, qui fait partie des revenus perçus par les seniors sans emploi, sont ainsi passées de 4,24 milliards d'euros en 2000 à 6,147 milliards en 2009, et le nombre de bénéficiaires de 700.000 à 862.000 pendant la même période. En 2011, la dépense devrait atteindre 7,2 milliards.
Dans le projet de loi de finances 2012, 7,7 milliards sont prévus. Les députés ont alerté la Cour des comptes sur cette augmentation continue de l'AAH et sur la nécessité d'en comprendre les raisons. Ils ont aussi souligné les disparités territoriales en matière de taux d'attribution de cette allocation et de nombre de bénéficiaires. "On a un taux d'attribution qui peut varier de 0,9 à 3,2 pour 1.000 habitants, soit presque quatre fois plus. Le nombre de bénéficiaires par département peut varier de 3 à 16 pour 1.000 selon les départements", a ainsi souligné Jean-Marie Binetruy, député UMP du Doubs.
En réponse aux questions, Françoise Bouygard, conseiller-maître à la Cour des comptes, a avancé deux explications. La première est l'évolution démographique classique, qui amène à une augmentation du nombre des personnes âgées, qui sont plus souvent touchées par le handicap. Autre raison : la dégradation de l'état de santé des actifs en France liée aux conditions de travail. "A partir de 42-43 ans, l'accès à l'AAH devient de plus en plus fréquent." Sur les inégalités territoriales, deux hypothèses de variation sont avancées : le niveau de pauvreté des ménages dans les départements concernés et la proportion des personnes de 45 ans et plus dans la population totale. "Une part de ces inégalités territoriales résiste toutefois à cette analyse statistique, et est liée à la porosité des dispositifs", a précisé Françoise Bouygard. 
E. Z.