Insertion - La Cour des comptes refuse de certifier les comptes de la branche Famille et met en cause les contrôles
Après deux années de certification avec réserves, la Cour des comptes a refusé, le 28 juin, de certifier les comptes 2011 de la branche Famille et de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf). Cette décision intervient dans le cadre de la mission de certification annuelle confiée à la cour par la loi organique du 2 août 2005 sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Bien que concernant les comptes d'un régime de sécurité sociale, la nouvelle ne manquera pas d'intéresser les départements. En effet, le refus de certification s'appuie sur "le montant agrégé des erreurs de portée financière". Comme indiqué, il s'agit bien d'erreurs (essentiellement des versements indus ou des trop-versés) et non de fraude avérée, même si certaines erreurs peuvent reposer sur des documents eux-mêmes erronées. Ce montant est estimé à 1,6 milliard d'euros en 2011, contre 1,2 milliard en 2010 (montant déjà jugé très élevé lors de la certification des comptes 2010). Selon la cour, l'augmentation de ce montant élevé "des erreurs de portée financière met en lumière l'inadaptation du dispositif de contrôle interne de la branche", celui-ci étant lui-même affecté "par des insuffisances de conception et de pilotage par la Cnaf".
Ce résultat est d'autant moins satisfaisant que la Cnaf a développé, en 2010, des "boucles d'amélioration de la qualité" qui permettent, sur la base d'échantillons de droits liquidés et mis en paiement, d'identifier les principaux motifs d'erreur et de mettre en oeuvre les actions de redressement nécessaires. Mais, sur les cinq boucles qualité prévues, seules deux l'ont été effectivement en 2010 dans la totalité des CAF, tandis que la boucle qualité dédiée au RSA l'a été seulement en 2011. Celle-ci a d'ailleurs fait apparaître "des résultats encore plus dégradés" que ceux des deux premières boucles (dont celle sur l'allocation logement). Le "taux d'incidence financière" des erreurs sur le RSA atteint ainsi 18,14%, alors qu'il n'est que de 0,36% pour les allocations familiales et de 12 à 16% pour les différentes prestations liées au logement. Ce taux correspond aux résultats de tests dits de "reliquidation", qui consistent à retraiter un échantillon de dossier ayant déjà fait l'objet d'une décision. De même, la Cnaf s'est engagée en 2009 dans "un chantier de refonte de grande ampleur" de son dispositif de contrôle interne, mais celui-ci semble encore loin de produire tous ses effets.
700 millions d'euros d'indus
La Cnaf a aussitôt réagi à la non-certification de ses comptes. Dans un communiqué du 28 juin, elle reconnaît que le RSA et les allocations logement "engendrent 79% du total des anomalies non corrigées de la branche et 94% de la dégradation enregistrée entre 2010 et 2011 alors qu’elles constituent moins de 30% du total des allocations à la charge de la branche". Sur le RSA, la caisse explique qu'"une part de cette dégradation (25%) résulte de la poursuite de la montée en charge du RSA (effet volume) mais, pour l’essentiel, il s’agit d’un accroissement significatif des anomalies pour le RSA-socle (+23%) et pour le RSA-activité (+62%)". Pour justifier cette dégradation, elle avance que les raisons "doivent être recherchées principalement dans les caractéristiques propres de ces prestations". La Cnaf met notamment en avant l’obligation d’adapter en permanence le montant des allocations aux ressources des bénéficiaires et à leur situation d’emploi. Deux données qui subissent elles-mêmes de fortes variations avec l'aggravation de la crise économique, même si le nombre de "faits générateurs" - autrement dit, le nombre d’éléments à prendre en compte dans le calcul des droits - n'a progressé que de 5,5% en 2011 (soit beaucoup moins que la progression des erreurs). Un chiffre mis en avant par la Cnaf elle-même montre l'ampleur du problème : alors que le RSA représente 8 milliards d'euros de versements annuels contre 35 milliards pour les prestations familiales, il génère plus de 700 millions d'indus, contre 560 millions pour l'ensemble des prestations familiales.
Ces observations de la Cour des comptes - et les réponses de la Cnaf - ne manqueront de conforter certains départements, qui entretiennent des relations parfois tendues avec leur CAF sur la question du contrôle du RSA.