Social - Gouvernement et Parlement unissent leurs efforts pour lutter contre la fraude
Le Conseil des ministres du 22 juin 2011 a procédé à un "point thématique" sur l'action du gouvernement pour lutter contre la fraude aux prélèvements obligatoires et aux prestations sociales. A cette occasion, le long communiqué consacré à cette discussion précise qu'en 2010, 3,4 milliards d'euros de fraudes fiscales, sociales et douanières ont été détectés, dont 457 millions d'euros au titre des organismes de sécurité sociale. Ce dernier chiffre, qui représente une hausse de 19% par rapport à 2009, avait déjà été dévoilé par Xavier Bertrand - le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé -, lors de son audition par la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), le 1er juin dernier (voir notre article ci-contre du 6 juin 2011).
Le ministre du Budget a présenté le bilan du dispositif de coordination de la lutte contre la fraude, et notamment de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), créée en avril 2008. Autres outils innovants : les comités opérationnels départementaux antifraude (Codaf), coprésidés par les préfets et les procureurs de la République, qui ont mené plus de 1.200 actions en 2010. François Baroin a également rappelé diverses mesures mises en place des dernières années, comme les croisements de données ou de fichiers. Il a indiqué que "de nouveaux dispositifs sont envisagés comme, par exemple, une expérimentation pour que toutes les conséquences de la perte du droit au séjour soient systématiquement tirées en matière de versement des prestations sociales". Le ministre a également présenté un point sur la lutte contre la fraude fiscale et la fraude aux cotisations sociales.
De son côté, Xavier Bertrand a présenté un bilan d'étape sur la lutte contre la fraude dans les branches maladie, vieillesse et famille de la sécurité sociale. Il a notamment annoncé qu'en matière de lutte contre les fraudes transnationales aux prestations sociales, un dispositif va être mis en œuvre, à titre expérimental, pour permettre aux consulats de vérifier auprès des caisses françaises d'assurance maladie la réalité des droits ouverts à un régime maladie français lors d'une demande de visa. De même - après la polémique sur les "centenaires algériens" -, la France va expérimenter un nouveau dispositif de contrôle en matière d'assurance vieillesse, reposant sur la vérification par les services consulaires des certificats de vie présentés par les assurés pour lesquels il existe une présomption de fraude.
Sur le plan national, le ministre a annoncé la poursuite de l'expérimentation du contrôle des arrêts de travail des fonctionnaires par les caisses primaires d'assurance maladie. Ce contrôle va même s'étendre, "dès l'automne prochain", aux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Enfin, il a rappelé le dispositif - lui aussi expérimental dans quatorze départements - lancé le 4 avril afin de renforcer la coopération entre les CAF et de nombreuses autres administrations ou organismes partenaires (banques, fournisseurs d'énergie...). L'objectif est d'améliorer la lutte contre les fraudes aux ressources et à l'aide personnalisé au logement, ainsi que le contrôle de la condition de résidence sur le territoire et celui de la condition d'isolement (pour les bénéficiaires du RSA bénéficiant de la majoration correspondante).
La carte Vitale délivrée par les mairies ?
Le Parlement n'entend pas être en reste en matière de lutte contre la fraude. La veille du conseil des ministres, la Mecss a en effet adopté les conclusions de ses travaux 2010-2011 entièrement consacrés à la lutte contre la fraude sociale. Le rapport ne sera toutefois rendu public que le 29 juin. L'information choc est l'estimation du montant de la fraude aux prestations et aux cotisations sociales, que la mission chiffre à 20 milliards d'euros (dont environ les trois quarts sur les cotisations), soit le montant du déficit du régime général. Tout en se félicitant des progrès annoncés par le gouvernement, le rapporteur - Dominique Tian, député (UMP) des Bouches-du-Rhône - estime que l'on est encore loin du compte.
La mission propose donc une cinquantaine de mesures pour aller plus loin. La plus spectaculaire est sans doute la création d'une carte Vitale biométrique, à durée limitée, qui serait délivrée par les mairies, à l'image des cartes d'identité et des passeports. Le signalement des cartes Vitale perdues ou volées devrait également faire l'objet d'un dispositif plus réactif. Dans le même esprit, le rapport propose de finaliser rapidement le "serpent de mer" du répertoire national commun de protection sociale (RNCPS) - dont Xavier Bertrand a annoncé qu'il sera opérationnel à la fin de l'année -, de sécuriser les prescriptions via des ordonnances électroniques ou encore de revoir la procédure d'attribution des numéros de sécurité sociale (le fameux NIR).
A l'encontre du discours sur la dématérialisation, la mission propose au contraire de rétablir le face-à-face pour la constitution de dossiers initiaux de demandes de prestations sociales, "pour lesquels les téléprocédures facilitent la fraude". D'autre mesures - qui rejoignent celles annoncées par le gouvernement - prônent une clarification de la notion d'isolement, un renforcement du croisement des informations et des bases de données, une aggravation des sanctions contre les fraudeurs, ainsi qu'un renforcement des moyens de contrôle de la condition de résidence : diffusion systématique de la liste des services fiscaux recensant les personnes qui ont déclaré ne plus habiter en France, possibilité pour les contrôleurs d'accéder au fichier de changement d'adresse et de réexpédition du courrier de La Poste... Enfin, la Mecss veut "dynamiser" les contrôles des caisses de sécurité sociale, en leur fixant des objectifs chiffrés et en vérifiant leur efficacité par le biais de "vrais-faux" dossiers tests.