Social - La Cour des comptes juge "insincère" le budget de la mission Asile
Dans le cadre de son tout récent rapport annuel sur la gestion budgétaire de l'Etat (voir notre article ci-contre du 30 mai 2012), la Cour des comptes a également publié une soixantaine de rapports "Résultats et gestion budgétaire" (RRGB), portant sur chacune des missions du budget général et sur les comptes spéciaux pour l'exercice 2011. C'est d'ailleurs la première fois que ces rapports sont publiés dans leur intégralité.
La Cour n'est pas tendre avec la gestion des crédits de la mission "Immigration, asile et intégration". Les critiques portent tout particulièrement sur le programme 303 "Immigration et asile". Si le montant des crédits de la mission est relativement modeste (725 millions d'euros de dépenses nettes en 2011), leur gestion suscite en revanche de nombreuses observations de la Cour des comptes. Celle-ci constate en premier lieu que "comme lors des trois années précédentes, l'exécution 2011 de la mission montre une consommation de crédits très largement supérieure (+29%) à la dotation initiale inscrite en LFI [loi de finances initiale, NDLR]". Ce fort décalage a une double origine : l'augmentation du nombre des demandes d'asile et la difficulté à réduire leurs délais d'instruction.
S'il est difficile pour l'Etat d'évaluer précisément ce que sera la demande d'asile durant l'année à venir, la Cour des comptes pointe néanmoins "une budgétisation insincère". Elle constate en effet que, "pour la quatrième année consécutive, les dépenses liées à l'asile ont été largement sous-évaluées au moment de l'élaboration de la LFI". La Cour dénonce notamment des hypothèses retenues pour le budget 2011 qui n'étaient "pas plausibles", sur une réduction rapide des délais d'examen des demandes devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Conclusion sévère : "La Cour considère comme insincère le budget pour 2011". Petit bémol à cette sévérité : la Cour reconnaît la "rigidité" des dépenses du programme 303 liées à l'asile, puisqu'il s'agit - pour 72% de l'enveloppe - de dépenses de guichet ou de dépenses indexées.
Augmenter les recrutements exceptionnels
Par ailleurs, le rapport juge que le pilotage par la performance des crédits de la mission est "perfectible". Si les indicateurs utilisés couvrent une proportion "acceptable" de ces crédits, "ils traduisent davantage l'activité des services que la performance des actions menées". Enfin, la participation à l'effort de maîtrise des dépenses publiques laisse aussi à désirer. Seuls deux opérateurs - l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) - ont procédé à des gels de crédits, alors qu'aucune mesure de mise en réserve n'a été prise à l'Ofpra (ce qui aurait été, au demeurant, quelque peu contradiction avec la pression de la demande d'asile). Pour mémoire, on rappellera que les règles de non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite ne s'appliquent pas aux personnels de la mission.
Comme il est logique, la Cour des comptes recommande notamment de "mette fin à la sous-évaluation récurrente des crédits nécessaires aux dépenses d'asile" et de recourir à des indicateurs "reflétant davantage la performance que l'activité". Mais, face à une situation très tendue, elle recommande également d'"augmenter encore les efforts de recrutement exceptionnels en faveur de l'Ofpra et de la CNDA, afin de résorber le stock des demandes en attente, et de permettre ainsi la diminution du coût de la présence des demandeurs d'asile en attente d'une décision définitive".