Finances publiques - La Cour des comptes "plante le décor"
La Cour des comptes a loué ce mercredi 30 avril "l'amorce d'une stratégie de consolidation" du budget de l'Etat en 2011 mais a appelé le nouveau gouvernement, qui s'apprête à réviser le budget 2012, à une "vigilance" budgétaire "accrue" sur "quatre domaines importants" : les dépenses de personnel, les niches fiscales, les aides sociales, à l'emploi ou au logement ainsi que le financement des opérateurs de l'Etat.
Cette mise en garde a été prononcée dans le cadre de la présentation simultanée de deux volumineux rapports, l'un sur les résultats et la gestion budgétaire de l'ÉEat, l'autre sur la certification des comptes 2011. Deux rapports à ne pas confondre avec l'audit sur l'état des comptes publics que le nouveau gouvernement a demandé à la Cour. Cet audit, attendu d'ici fin juin, "sera enrichi d'éléments d'analyse approfondis sur la situation de l'exécution budgétaire 2012 et sur l'année 2013" et permettra à la Cour de "délivrer un message clair et impartial sur les enjeux du redressement des comptes publics", a indiqué mercredi le premier président de la Cour, Didier Migaud. Et celui-ci de poursuivre : "C'est le rapport de juin sur les finances publiques, et seulement lui, qui fera une analyse de la situation présente de l'ensemble des administrations publiques – et non du seul Etat –, et dessinera des perspectives pour les exercices suivants. Il sera l'occasion de mettre en évidence l'ampleur des efforts qui seront nécessaires pour tenir la trajectoire de réduction des déficits (...). Ce n'est donc pas aujourd'hui que je rendrai compte de l'audit demandé à la Cour, mais à travers les résultats du dernier exercice clos, nous en plantons le décor."
Le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire porte donc quant à lui uniquement sur l'exercice écoulé. Il s'agit de rapporter l'exécution budgétaire aux prévisions de la loi de finances initiale, à celles des quatre lois de finances rectificatives et aux dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2013. Y sont annexées, pour la première fois, 60 analyses détaillées par missions budgétaires qui font le point sur l'exécution des crédits de chaque secteur ministériel en 2011.
"Croissance spontanée" des dépenses d'intervention
"Préparé, rectifié et effectivement exécuté dans le souci d'une maîtrise accrue des dépenses de l'Etat et d'une consolidation de ses recettes, le budget 2011 se solde par un déficit de 90,7 milliards d'euros", a évalué la Cour, confirmant les chiffres déjà communiqués par le ministère du Budget. Pour autant, souligne-t-elle, "ce déficit est encore supérieur de 50 milliards d'euros au niveau qui permettrait de stabiliser la dette publique".
La masse salariale de l'Etat, écrit-elle, "a encore progressé de 0,48% en 2011 malgré la suppression de 32.000 emplois". Les heures supplémentaires se sont accrues, notamment dans l'Education nationale, tout comme le montant des pensions, qui "exigeront à brève échéance une augmentation significative de la contribution de l'Etat employeur".
Quant aux niches fiscales, leur coût pour les finances publiques (environ 70 milliards d'euros en 2011) a été "tout juste stabilisé" alors que "leur diminution est indispensable pour réduire le déficit public".
Même chose pour les dépenses d'intervention, "stabilisées" mais dont la "réduction effective se heurte à (une) croissance spontanée" et à "l'absence de réformes touchant aux conditions d'attribution". Ces dépenses d'intervention recouvrent en fait une grande variété de subventions, dotations et autres transferts aux ménages, aux entreprises comme aux collectivités territoriales.
S'agissant du champ des opérateurs de l'Etat, leur concours "à peine amorcé" à la maîtrise des dépenses publiques est "fragilisé par des déficiences du contrôle de gestion", jugent les magistrats financiers.
Une partie de ce rapport est par ailleurs consacrée aux "relations du budget de l'Etat avec les autres entités publiques" – dont les collectivités. Sur neuf pages, le rapport détaille ainsi les transferts financiers aux collectivités. Mais souligne que "la comparaison avec l'exercice 2010 n'est pas pertinente compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle".
Avec son second rapport, la Cour certifie les comptes de l'Etat pour 2011. Ceci, en dépit de sept "réserves substantielles" et d'un "nombre important d'incertitudes et de limitations (qui) demeurent". Ces réserves portent par exemple sur la comptabilité informatique, le "contrôle interne" des ministères, les "produits régaliens" (TVA, impôts sur le revenu ou les sociétés), les participations de l'Etat et l'évaluation de son patrimoine immobilier. Didier Migaud a même averti que les magistrats pourraient refuser de certifier les comptes 2012 de l'Etat si leur qualité ne s'améliorait pas.