Protection de l'enfance - Asile : la France modifie ses pratiques sur la rétention des couples avec enfants
Dans un arrêt du 19 janvier 2012 (Popov c/France), la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamnait la France pour avoir placé durant quinze jours au centre de rétention administrative (CRA) de Rouen-Oissel - dans une aile certes réservée aux familles - un couple du Kazakhstan fuyant les persécutions contre les ressortissants russophones et orthodoxes, accompagné de ses deux enfants de cinq mois et trois ans.
Dans son arrêt, la CEDH avait alors relevé que "la France compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs accompagnés". Cet arrêt n'est pas officiellement définitif, dans la mesure où la France et le requérant disposent d'un délai de trois mois pour demander le renvoi de l'affaire devant la grande chambre de la cour, mais une telle hypothèse semble a priori très peu probable. Cet arrêt, suivi quelques jours plus tard par l'arrêt du 2 février 2012 I.M c/France remettant en cause l'abus de la procédure prioritaire (voir notre article ci-contre du 7 février), semble en effet avoir conduit le gouvernement et les préfets à revoir les pratiques en la matière.
Ainsi, dans un communiqué du 15 mars 2012, le Défenseur des droits se félicite du dénouement rapide d'une affaire présentant des caractéristiques très semblables à celles de l'affaire Popov. Le défenseur avait en effet été saisi le 5 mars de la situation d'un couple et de ses cinq enfants retenus au CRA de Metz dans l'attente de leur expulsion après le rejet de leur demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). Dès le lendemain, Marie Derain - la défenseure des enfants auprès du Défenseur des droits - s'est rendue sur place afin de procéder à une vérification. A la suite d'une intervention auprès du ministère de l’Intérieur, la famille a quitté le CRA et a été prise en charge par le 115 pour un hébergement d’urgence. Dans son communiqué, Dominique Baudis "salue cette décision de l’Etat français, qui se met ainsi en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme". Il entend ainsi encourager l'Etat et les préfets - qu'il saisit régulièrement de telles situations portées à sa connaissance par les associations - dans ce qui semble bien constituer un changement d'attitude sur la question de la rétention des enfants dans l'attente de leur expulsion. Il reste maintenant à connaître les solutions qui pourront être mises en oeuvre pour la prise en charge des familles concernées, le recours aux seules structures du 115 n'offrant pas forcément les garanties nécessaires.
Le jour même de son communiqué sur cette affaire, Dominique Baudis rencontrait à Strasbourg Sir Nicolas Dusan Bratza, président de la CEDH, afin d'aborder avec lui la question de l’exécution des arrêts de la cour par l’Etat français. Il a bien sûr mis en avant le dénouement favorable de l'affaire de Metz (qui ne fait au demeurant pas l'objet d'une instance devant la CDEH). Dans le communiqué publié après la rencontre, Dominique Baudis indique par ailleurs que le président de la CEDH a "accueilli très favorablement [sa] proposition [...] prévoyant que le Défenseur des droits, dans le cadre des affaires dont il peut avoir à connaître, accompagne des requérants français qui saisissent la juridiction européenne".