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La Cour des comptes dénonce une gestion coûteuse et défaillante des impôts locaux

Les services des impôts gèrent très imparfaitement l'assiette et le recouvrement des taxes directes locales, estime la Cour des comptes dans un rapport rendu public le 1er février. Pourtant, l'Etat consacre 3 milliards d'euros à cette mission, dont l'enjeu est essentiel pour les collectivités dans un contexte de tensions sur leurs ressources. Les magistrats avancent 13 propositions pour rendre la gestion des impôts locaux plus performante à moindre coût.

Dans un rapport présenté le 1er février à la commission des finances de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes accorde une mauvaise note à la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour l'ensemble de ses missions de gestion des impôts directs locaux, alors que cet enjeu est devenu essentiel pour les collectivités territoriales, dans un contexte de difficultés budgétaires et de grande sensibilité des contribuables aux augmentations fiscales.
Les résultats de la DGFIP en matière de gestion des quelque 80 milliards d'euros d'impôts directs locaux, provenant pour l'essentiel de la taxe d'habitation, des taxes foncières, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la cotisation foncière des entreprises "sont moins bons que dans ses autres secteurs d'activité", affirment les magistrats. Le constat est d'autant plus décevant que la DGFIP consacre à la gestion de la fiscalité directe locale "proportionnellement davantage de moyens qu'à d'autres missions dont les enjeux financiers sont supérieurs". Fin 2014, plus de 15.300 agents, soit 14% des effectifs de la direction étaient affectés aux impôts directs locaux, une activité qui représente 17% des coûts de la direction.

"Pas une priorité de la DGFIP"

Pour autant, l'institution de la rue Cambon juge que les outils informatiques de la DGFIP - dans ce domaine de la fiscalité tout du moins - ne sont "pas suffisamment performants". En outre, le suivi de la qualité et de la performance des services dans la réalisation de leur mission de gestion des impôts directs locaux sont "lacunaires". En effet, il n'existe pas d'objectifs chiffrés en matière de gestion des diverses taxes locales.
Par ailleurs, de très gros progrès restent à accomplir en matière d'actualisation des bases fiscales, selon la Cour. Les services de publicité foncière chargés d'enregistrer les changements de propriétaires ou les propriétaires supplémentaires accusent des retards conséquents, ce qui nuit à l'exhaustivité des bases. Autre problème : les services fiscaux n'ont ni "le temps" ni "les moyens" matériels d'effectuer des contrôles. Les quelques contrôles existants obtiennent donc "des résultats modestes". Globalement, la DGFIP "ne fait pas une priorité de la gestion de la fiscalité directe locale" estime la Cour.

"Beaucoup de constructions ne sont pas prises en compte"

A la décharge de Bercy, la Cour souligne que "le système de la fiscalité locale est particulièrement complexe et mouvant". 80% de son assiette repose sur des bases foncières renseignées par le biais des déclarations des propriétaires des logements, des locaux commerciaux et des dépendances. Or ceux-ci sont plus ou moins enclins à respecter leurs obligations. Et les amendes sont faibles et rares. Conséquence : "beaucoup de constructions et surtout de transformations ne sont prises en compte que tardivement, voire pas du tout". Autre problème, l'identification des occupants d'un logement, parfois difficile, rend complexes la collecte et le recouvrement des impôts, en particulier la taxe d'habitation. Les choses sont d'autant plus compliquées que les contestations des contribuables sont nombreuses et qu'une part importante de ceux-ci sont modestes.
Des collectivités de toutes tailles tentent de pallier les carences de l'administration fiscale en réalisant un suivi des mutations affectant le foncier de leur territoire. "Elles recrutent des experts de la fiscalité, créent des 'observatoires fiscaux', se dotent d'outils perfectionnés de gestion de l'information (bases de données relationnelles), d'équipements spécifiques (le recours aux drones tend à se développer), voire font appel à des prestataires extérieurs", indique la Cour. Il arrive même que des collectivités mettent des agents à disposition des directions départementales des finances publiques (DDFIP). Lorsque les collectivités repèrent des travaux d'aménagement ou de construction de dépendances, elles les signalent aux directions. Mais, selon la Cour, "les collectivités déplorent de n'avoir pas de retour systématique sur la prise en compte de leurs transmissions".

Un coût net de 3 milliards d'euros pour l'Etat

Les collectivités auraient bien sûr intérêt à une amélioration de la gestion des impôts directs locaux qui optimiserait le rendement de ces derniers. L'Etat tout autant. L'accomplissement de sa mission lui coûte directement 3,8 milliards d'euros. Des frais de gestion sont, il est vrai, prélevés sur les contribuables locaux et sont censés couvrir les dépenses de la DGFIP pour la gestion de la fiscalité directe locale. Mais, un quart seulement de ces frais (876 millions d'euros) revient en définitive à l'Etat. En juillet 2013, le gouvernement a décidé de transférer aux départements et aux régions une partie substantielle des frais dont bénéficiait encore l'Etat. Ces transferts représentaient 1,48 milliard d'euros en 2015.
Pour les magistrats, la DGFIP a un grand rôle à jouer dans l'amélioration de la gestion des taxes directes locales : elle peut "rationaliser ses méthodes et ses processus", engager "la refonte de son organisation et de ses méthodes de travail" et "moderniser ses systèmes d'information". La Cour recommande par ailleurs de "généraliser la conclusion de conventions entre les DDFIP et les collectivités territoriales présentant une taille suffisante", dans l'objectif d'assurer un meilleur suivi des bases fiscales. Il est aussi proposé de faciliter les déclarations des contribuables au moyen de formulaires dématérialisés.