Social - La commission des lois du Sénat détricote le projet de loi Asile
Avant la discussion en séance publique, qui doit se dérouler du 19 au 26 juin, la commission des lois du Sénat a examiné le projet de loi "pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie", adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 22 avril (voir notre article ci-dessous du 23 avril). Et a "substantiellement réécrit le projet de loi [...], en adoptant 115 amendements, dont 73 de son rapporteur, François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône)", résume le communiqué publié par le Sénat à l'issue de la réunion.
Assouplissements et durcissements
La majorité des amendements adoptés va dans le sens d'un durcissement du texte, même si certains introduisent quelques assouplissements, en particulier en matière de garanties juridiques. Pour Philippe Bas, le président de la commission (LR - Manche), "le texte du gouvernement, voté par l'Assemblée nationale, se résume trop souvent à une panoplie de mesures techniques, sans vision d'ensemble de la politique migratoire". "Il passe volontairement sous silence des difficultés majeures de notre pays, comme l'obtention des laissez-passer consulaires pour éloigner les personnes en situation irrégulière, la gestion des mineurs isolés, la maîtrise de l'immigration familiale...", poursuit Philippe Bas, pour qui "la commission des lois du Sénat a donc élaboré un contre-projet plus cohérent, plus ferme et plus réaliste".
Les amendements - qui ont, pour la plupart, peu de chance de se retrouver dans le texte final - prévoient notamment l'organisation d'un débat annuel sur la gestion des flux migratoires, le renforcement des outils d'intégration, le durcissement des conditions du regroupement familial, le remplacement de l'aide médicale d'Etat par une "aide médicale d'urgence", une "meilleure organisation de la rétention administrative"...
Pas de rétention pour les mineurs
Sur ce dernier point, la commission des lois a interdit le placement en rétention des mineurs isolés - qui est, en principe, déjà exclu - et a "encadré rigoureusement" celui des mineurs accompagnant leur famille. Pour François-Noël Buffet, auteur de l'amendement "le texte adopté par l'Assemblée nationale autorisait à enfermer un enfant pendant trois mois, dans des locaux totalement inadaptés", ce qui ne "correspondait pas à [sa] conception de la République française".
De même, la commission a supprimé l'article qui ramenait de 30 à 15 jours le délai de recours devant le Cour nationale du droit d'asile (CNDA), la mesure étant jugée "attentatoire aux droits des demandeurs d'asile et inefficace pour lutter contre l'immigration irrégulière".
En revanche, le texte adopté par la commission prévoit que la décision de rejet définitive de la demande d'asile vaudrait désormais automatiquement obligation de quitter le territoire français (OQTF), afin "de rendre plus effectif l'éloignement des déboutés".
Pour une prise en compte des places pour demandeurs d'asile dans les quotas SRU
De même, la commission a renforcé les peines complémentaires d'interdiction du territoire. Le texte adopté prévoit en effet que les étrangers en situation irrégulière qui commettent un crime ou un délit passible de cinq ans d'emprisonnement seraient contraints de quitter la France à l'issue de leur peine. Une telle mesure ne constitue pas, à proprement parler, un retour de la "double peine", qui a en réalité toujours existé depuis 1945 et concerne environ 300 cas chaque année. La nouveauté proposée réside dans son application systématique pour toute condamnation supérieure à cinq ans d'un étranger en situation irrégulière.
On retiendra également deux autres dispositions nouvelles adoptées par la commission : la réduction du nombre de visas accordés aux pays "les moins coopératifs pour délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière" et le rétablissement de la visite médicale des étudiants étrangers, "afin de répondre à un grave enjeu de santé publique".
Enfin, la commission des lois du Sénat "a souhaité soutenir et accompagner les collectivités territoriales" à travers deux mesures. La première porte sur la prise en compte des places d'hébergement des demandeurs d'asile dans le décompte des logements sociaux de la loi SRU. La seconde concerne la question des mineurs non accompagnés (MNA), avec la création d'un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures à l'issue de leur évaluation par un département.
Références : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 22 avril 2018, examiné au Sénat du 19 au 26 juin 2018).