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Investissement - La baisse des dotations plombe le secteur des travaux publics

Le net recul de l'investissement des collectivités obère l'avenir du secteur des travaux publics qui a connu sa pire année depuis trente ans en 2015, avec un repli de son chiffre d'affaires de 8%, occasionnant la perte de 15.000 emplois. Depuis le début de la crise, 42.000 emplois ont été supprimés. Le retard des grands projets conjugué à l'attentisme des collectivités devrait engendrer une nouvelle baisse de 3% du chiffre d'affaires en 2016.

Démarrage des contrats de plan Etat-régions (CPER), plan Juncker, plan de relance autoroutier… Malgré les initiatives des pouvoirs publics pour relancer les investissements, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) anticipe un recul de 3% du chiffre d'affaires du secteur en 2016. Et ce après un repli qui devrait se chiffrer à 8% en 2015, a indiqué la fédération, lors d'une conférence de presse, jeudi 5 novembre. Le secteur pourrait ainsi perdre 15.000 emplois cette année. "C'est la pire année depuis 30 ans, et il y a eu une accélération extrêmement forte des pertes d'emplois en 2015", s'est alarmé Bruno Cavagné, président de la FNTP (Fédération nationale des travaux publics) auprès de l'AFP.
Septembre a ainsi constitué le 17 mois consécutif de baisse d'activité du secteur. Depuis le début de la crise, la rétractation est de 25%, occasionnant la perte de 42.000 emplois (dont 9.000 emplois intérimaires). 7.000 emplois permanents supplémentaires seraient menacés en 2016.
Sur les douze mois écoulés à fin juillet 2015, 269 défaillances d'entreprises ont été enregistrées, soit 66% de plus qu'à la même période, un an plus tôt. Le secteur comptait 7.600 entreprises fin septembre.

Recul de 6,4% de la demande des collectivités en 2016

La nouvelle baisse d'activité en 2016 est imputable en grande partie à la chute attendue de la commande publique dont le secteur dépend à 70%. La demande des collectivités locales devrait chuter de 6,4% (dans sa dernière note de conjoncture, la Banque postale, évaluait à 6,2% la baisse de leurs investissements pour 2015, après un recul de 8,8% en 2015). La baisse serait de 6% pour le bloc communal, premier client du secteur, 8% pour les départements et 10% pour les régions.
Des collectivités qui pèsent pour 40,5% dans la commande de travaux publics en France, mais dont nombre de projets ont été suspendus par le calendrier électoral (élections municipales, départementales et bientôt régionales), l'attentisme vis-à-vis de la loi Notre et, surtout, la baisse des dotations. L'investissement local est devenu "la variable d'ajustement des budgets depuis deux ans", alors que 2016 sera la troisième année de baisse consécutive des dotations (3,7 milliards d'euros de baisses programmés dans le projet de budget 2016, soit 8,9 milliards d'euros en cumulé depuis 2014). Or selon la FNTP, les mesures de soutien ne sont "pas à l'échelle des enjeux". Elle observe que sur le milliard d'euros annoncé du Fonds de soutien à l'investissement local, seuls 150 millions d'euros sont programmés en 2016.

Grands projets : "les retards s'accumulent"

Autres causes de cet effondrement, à chercher du côté de l'Etat cette fois : ponction sur le budget de l'Aftif (Agence de financement des infrastructures de transport) pour indemniser la société Ecomouv après la suppression de l'écotaxe, fin des grands chantiers TGV, "année blanche" pour les contrats de plan Etat-régions (CPER) et retard du plan de relance autoroutier.
Les CPER, à présent tous signés, ont en effet connu un retard au démarrage de plus d'un an, sans compter le fait que les crédits sont en diminution par rapport à la programmation précédente. Même scénario pour le plan de relance autoroutier de 3,2 milliards d'euros (financé par les concessionnaires en échange d'un allongement de la durée de leurs concessions) dont les premiers effets ne sont attendus qu'au "second semestre 2016". Les "retards s'accumulent", s'inquiète encore la fédération qui cite également le Nouveau Grand Paris, les futures lignes ferroviaires à grande vitesse, le lissage du "grand carénage" des centrales nucléaires (un vaste programme consistant à prolonger la durée de vie des réacteurs). Elle s'interroge sur les financements nationaux des grands projets européens ou encore l'impact du plan Juncker en matière d'infrastructures (sur le sujet, voir aussi encadré ci-dessous)…
Le recul sera toutefois légèrement atténué par le secteur privé (32,5% de la commande), dont la demande devrait augmenter de 1% en 2016.

De "lourdes conséquences" sur l'attractivité

Si la qualité de ses infrastructures a longtemps constitué un atout pour la France, la FNTP constate aujourd'hui un déclassement. Depuis 2008, elle est ainsi passée de la 4e place mondiale à la 10e d'après le classement du Forum économique mondial. C'est en matière de ports et d'aéroports que le recul est le plus rapide (la France passe de la 10e à la 26e place pour les premiers et de la 5e à la 15e place pour les seconds). Classée 1re en 2008 pour la qualité de ses routes, elle est aujourd'hui au 7e rang. Or "la dette grise est en train de s'accroître en France en raison du sous-entretien des réseaux", souligne la FNTP. Ce défaut d'entretien "aura de lourdes conséquences sur l'activité économique et l'attractivité de notre pays", prévient Bruno Cavagné.
La FNTP portera ce message lors du prochain Salon des maires alors que son président sera reçu au même moment, le 19 novembre, à l'Elysée.

Michel Tendil, avec AFP

Pierre Moscovici : "La France a la qualité pour être un champion d'Europe du plan Juncker"
Dans le climat morose de l'investissement public, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires Pierre Moscovici a cherché, le 3 novembre, à apporter une lueur d'espoir. L'Union européenne "est en train de retrouver la croissance économique, la reprise est là, mais le rythme doit être renforcé", a-t-il assuré, dans un message diffusé lors du soixantième anniversaire de la Scet, alors qu'il était retenu en Grèce. Et selon lui, "la France a la capacité pour être le champion d'Europe du plan Juncker".
Le taux d'investissement en Europe est de "15% inférieur à son niveau de 2007", a-t-il souligné. Mais le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), outil de ce plan, "ça marche", d'après l'ancien ministre de l'Economie. "Près de 40 milliards d'euros ont été adoptés en quelques mois" pour le financement de "plusieurs dizaines de projets d'importance", a précisé le commissaire, faisant référence aux projets pré-sélectionnés depuis le printemps, avant la mise en place officielle du comité de sélection. La France "a su mobiliser les acteurs privés", a-t-il ajouté, avant d'appeler les collectivités à s'investir. "Il est très important de participer à son essor", ce qui passe "par la qualité des relais nationaux". "Les collectivités locales, ce sont elles qui ont la connaissance fine du terrain", a-t-il encore déclaré.
M.T.

 

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