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Clusters - Jean Daubigny : "La France a un problème culturel avec les fonds européens"

Inlassablement, les responsables de clusters sont en quête de solutions pour financer l'innovation industrielle. Présent le 3 novembre lors d'une conférence à Nantes consacrée à ce sujet, le préfet des Pays-de-la-Loire revient sur les différences entre les modèles français et allemand.

Localtis : en Allemagne, le financement des pôles de compétitivité s'appuie fortement sur les banques régionales propres à chaque Länder. Pensez-vous que la France devrait s'en inspirer ?

Jean Daubigny : Rien n'est à exclure. Nous avons déjà des banques qui ont une vocation régionale accentuée, mais tout dépend ensuite de leur engagement en ce sens. En juillet dernier, je me suis adressé à elles pour traiter un dossier. Elles m'ont renvoyé à leur échelon central.
Par ailleurs, nous n'utilisons pas assez la Banque européenne d'investissement. J'ai ma part de responsabilité car les gestionnaires de la BEI demandent aux préfets de mieux faire connaître leurs services. Je retiens enfin que les entreprises veulent une synthèse des solutions adaptées, car elles n'ont pas le temps de passer en revue tout ce qui est disponible sur le marché.

Pourquoi la France ne profite-t-elle pas plus des initiatives de financement des PME mises en place par l'UE ? Aujourd'hui, seules le Languedoc-Roussillon et l'Auvergne ont mis en place l'outil Jeremie

Dans les Pays-de-la-Loire, l'initiative Jeremie est sur la table depuis plusieurs années. J'ai proposé aujourd'hui au conseil régional de reprendre une offre que j'avais présentée il y a trois ans, mais qui n'avait pas abouti.

La France dénonce souvent la lourdeur des contrôles des dépenses européennes, alors que l'Allemagne semble s'y plier sans froncer les sourcils… Là encore, est-elle mieux préparée ?

Je ne voudrais pas tomber dans les caricatures mais nous faisons face à un problème culturel. Comme disait Churchill : en Angleterre, tout ce qui n'est pas interdit est permis, en Allemagne, tout ce qui n'est pas permis est interdit, en France tout ce qui est permis ou interdit se fait.
On renâcle devant les contrôles en France. Il y a une réflexion à avoir là-dessus. En Allemagne, il y a une forme d'auto-contrôle, avec 2% à 4% des crédits mis à disposition utilisés pour effectuer un reporting précis et trimestriel.

Certains responsables de clusters regrettent la sous-consommation des fonds régionaux européens, alors que leurs besoins de financement sont importants. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Les problèmes d'engagement que nous avons en Pays-de-la-Loire tiennent au fait que les porteurs de projets ne bouclent pas leurs plans de financement dans les temps qu'ils avaient annoncés. Ils déposent de plus des projets en ne s'assurant pas des contreparties nationales. Les différentes parties prenantes doivent mûrir davantage leurs demandes.
Par ailleurs, les fonds européens ne peuvent pas être versés sans justification. L'un des principaux cauchemars de mes services, c'est d'obtenir dans les quatre derniers mois de l'année toutes les factures nécessaires. Nous devons réclamer sans cesse des pièces pour avoir des dossiers complets.

Beaucoup de régions estiment qu'il serait plus simple et plus logique de leur confier directement la gestion des fonds européens…

C'est un débat démocratique, actuellement ouvert. La région expérimentale dans ce domaine est l'Alsace, mais elle n'a pas les meilleurs résultats en termes de consommation de fonds européens (la région occupe le 10e rang sur 22, ndlr). Je ne dis pas qu'il y a une mauvaise gestion de la région, je me demande d'ailleurs si d'autres acteurs ne sont pas en cause. Mais le choix de l'autorité gérant les fonds européens doit être tranché de manière pragmatique, pas idéologique.