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Innovation - Une nouvelle typologie pour les pôles de compétitivité

Des chercheurs de la chaire de recherche transversale CCIP en entrepreneuriat et innovation ont tenté d'élaborer une nouvelle typologie des pôles de compétitivité, plus à même de traduire leur dynamique entrepreneuriale et d'innovation. Leurs résultats, présentés par Maria Bonnafous-Boucher, directrice de la recherche d'Advancia-Negocia, sont bien éloignés des conclusions de l'évaluation réalisée par CM International et Boston Consulting Group en 2008.

Localtis : Quelle a été votre démarche pour établir cette nouvelle typologie ?

Maria Bonnafous-Boucher : Les pôles de compétitivité ont été créés en 2004 par le gouvernement. Quatre ans après seulement, on les évalue. Nous avions une sorte d’interrogation : comment passer d’une politique d’aménagement à autre chose ? Comment ces pôles peuvent-ils y arriver, et comment peut-on conclure si tôt à leur réussite ? Nous avons pour notre part utilisé 18 indicateurs de structure économique, dont le pourcentage de PME dans les pôles, le pourcentage de groupes français, de groupes européens, le taux d’exportation des PME impliquées, le pourcentage de financement des collectivités locales, et notre analyse aboutit à quatre types de pôles différents : les pôles dits "français hautement qualifiés", les pôles dits "européens", les "internationalisés", et les pôles à "dominante PME". L’intérêt de notre typologie est qu’elle fait varier l’analyse faite jusqu’à présent sur les pôles mondiaux, à vocation mondiale et nationaux. Dans notre analyse, certains pôles, comme Médicen et Systém@tic, qui ont la médaille d’or dans l’évaluation de CM International et de BCG, deviennent des pôles hautement qualifiés ou non internationalisés. Cela permet d’avoir un regard plus subtil et moins normatif sur les pôles.

Quel est le rôle des collectivités territoriales dans cette politique ?

On dit souvent qu’on a une conception très colbertiste de l’acteur public. Il est vrai que les pôles ont été conçus et décidés par les pouvoirs publics, contrairement aux clusters et aux districts qui sont créés par les acteurs eux-mêmes (entreprises, universités…). Mais quand on regarde la gouvernance des pôles, on voit que les financeurs publics n’en font pas partie. Autre chose : les pôles permettent de s’affranchir de l’aménagement du territoire. On mute à un autre type de politique publique : avant il y avait une approche nationale qui supposait une équité territoriale, avec le financement de projets individuels et mono-sectoriels. Avec les pôles, c’est un pilotage différent avec une mise en tension des régions les unes par rapport aux autres. Dans ce pilotage, l’Etat gouverne plutôt à distance et les collectivités territoriales sont assez sollicitées à travers le financement de projets, d’infrastructures et l’animation locale. Mais l’ensemble n’est pas homogène. Toutes ces interventions croisées supposent une coordination relativement difficile. C’est un ensemble interorganisationnel extrêmement difficile à piloter, où il n’est pas simple de prendre des décisions et d’arbitrer, que ce soit au niveau national ou au niveau des pôles eux-mêmes.

Quelles sont vos conclusions ?

Nous avons fait trois constats à la suite de notre analyse : la dynamique entrepreneuriale des pôles n’est pas avérée, leur gouvernance fonctionne très mal et il y a une sorte de boîte noire concernant la coordination des pôles et le transfert entre les grandes entreprises, les PME et TPE, et les autres acteurs de la recherche. Nous pensons qu’il faut se dépêcher d’inventer une gouvernance pour les pôles en concordance avec les acteurs, une gouvernance qui ne serait ni privée, ni publique. Enfin, si la finalité de cette politique des pôles est bien l’innovation, il faut permettre aux entreprises de vivre dans les pôles, et de se développer, et non d’être "capturées" par les plus grandes.

Propos recueillis par Emilie Zapalski
 

 

Référence : "La dynamique entrepreneuriale dans les pôles de compétitivité", Prospective et Entreprise (CCIP).