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Fonction publique - Jacqueline Gourault : "Il faudra assouplir les règles des contrats d'emploi pour vacance temporaire"

Les commissions du Sénat en charge des lois et du contrôle de l'application des lois ont adopté le 23 juillet un rapport d'information sur la mise en oeuvre de la loi du 12 mars 2012 de lutte contre la précarité dans la fonction publique. Jacqueline Gourault en est le rapporteur, avec Philippe Kaltenbach. Pour Localtis, la sénatrice évoque les premiers effets de la loi et les ajustements qui lui semblent nécessaires.

Localtis : La loi de 2012 va-t-elle "mettre un terme durable" à la précarité des agents non-titulaires, comme l'affirmait le ministre de la Fonction publique au moment de son examen au Parlement ?

Jacqueline Gourault : Il y aura toujours des contractuels dans la fonction publique, car ils sont absolument nécessaires à l'exercice de missions temporaires, ou de métiers nouveaux. Leur présence peut aussi être indispensable à certaines périodes de l'année. Il faut préciser d'ailleurs que des agents sous contrat souhaitent conserver ce statut, notamment parce qu'ils bénéficient ainsi de conditions de rémunération plus avantageuses que les fonctionnaires. En outre, la situation des contractuels n'est pas toujours synonyme de précarité. A l'inverse, il existe des agents titulaires confrontés à des difficultés, du fait en particulier d'une rémunération faible. Pour autant, nous devons empêcher la précarité des agents contractuels. Pour cela, il faut certes trouver des solutions pour les contractuels déjà embauchés, mais il faut aussi travailler sur les conditions des embauches futures. A cet égard, il convient de limiter les recrutements de contractuels au strict nécessaire. Sinon, on aura besoin à l'avenir de nouveaux plans de titularisation.

Le gouvernement annonçait avant le vote de la loi que 100.000 agents en CDD passeraient en CDI. Certains ont vu dans cet objectif le risque de création d'un "statut bis", concurrentiel au statut général. Qu'en est-il ?
Les statistiques que nous avons obtenues font état de 19.000 "CDisés" dans la fonction publique territoriale et de 8.600 dans l'hospitalière. La Direction générale de l'administration et de la fonction publique doit encore nous transmettre le chiffre concernant les agents de l'Etat. Malgré ce premier bilan, nous n'avons pas encore assez de recul pour avoir une opinion précise sur la question. Je remarque en tout cas que les responsables syndicaux auditionnés ne sont absolument pas revenus dessus. Selon moi, le CDI est une étape avant la titularisation. Les "CDisés" ne sont pas en effet empêchés de passer les concours.

Vous faites deux propositions : revoir l'organisation des futures commissions consultatives paritaires compétentes pour les agents non-titulaires et porter à trois ans la durée maximale des contrats pour vacance temporaire, qui est de deux années aujourd'hui. Pourquoi cette deuxième recommandation ?
C'est une manière d'introduire de la souplesse et de tenir compte de la réalité, sans pour autant fragiliser la situation des personnels concernés. Car une durée maximum de deux ans pour ces contrats, cela s'avère trop court. Quand l'agent remplacé prolonge son congé au-delà de cette durée (pour cause de maladie ou de maternité par exemple), comme cela arrive parfois, la collectivité peut se trouver obligée d'élaborer pour une période de quelques mois un nouveau contrat avec un agent différent de celui qui assurait le remplacement. Cette proposition, qui traduit une demande formulée par les associations d'élus locaux, est en tout cas loin d'être une mesure révolutionnaire. Lors de la discussion du texte, le Sénat avait adopté sans difficulté un amendement du groupe RDSE portant même à quatre ans la durée maximale de ces contrats. Mais l'Assemblée l'avait ensuite supprimé pour revenir à une durée maximale de deux ans. Les députés avaient suivi l'avis du ministre de la Fonction publique, François Sauvadet, qui tenait à ce que la loi traduise fidèlement l'accord du 31 mars 2011 sur l'accès à l’emploi titulaire et l'amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels, signé avec les organisations syndicales de la fonction publique.

Si votre proposition était mise en œuvre, la loi ne serait plus conforme à cet accord.
Tout le monde peut évoluer, y compris les syndicats. Du moins, je l'espère. En tout cas, la proposition n'a pas soulevé d'oppositions particulières auprès des responsables syndicaux des trois fonctions publiques auxquels nous l'avons exposée. Mais certains syndicats sont plus ouverts que d'autres.

Propos recueillis par Thomas Beurey (Projets publics)

32.400 agents contractuels des collectivités seront titularisés d'ici mars 2016

43.000 agents territoriaux sont éligibles au plan de titularisation ouvert jusqu'au 13 mars 2016, indique le rapport qui sera mis en ligne dans quelques jours sur le site du Sénat. Parmi eux, 32.400 agents "devraient être titularisés d'ici la fin du plan" : 10.000 environ en catégorie A, 9.000 en catégorie B et 12.500 en catégorie C. "Les employeurs font preuve d'une "implication diverse". Quand la volonté politique et les moyens financiers sont au rendez-vous, les résultats sont déjà significatifs. En retard, d'autres collectivités n'ont pas encore organisé les examens pour les personnels concernés. Les collectivités ont la possibilité de confier aux centres de gestion l'organisation de ces examens. 88% des 9.197 agents candidats aux sélections professionnelles déjà organisées par les centres de gestion ont été déclarés aptes à l'issue des entretiens. Selon les collectivités territoriales, les jurys sont selon les cas de "simples chambres d'enregistrement", ou se montrent "plus sélectifs". T. B.

 

Pour la CGT, un nombre important de collectivités n'applique pas la loi

Dans un communiqué, la fédération CGT des services publics a dénoncé le 25 juillet "l'inacceptable vision partiale" véhiculée par le rapport sénatorial.
Le syndicat dénonce "la non-application de la loi dans une fraction importante de collectivités". Pour cette raison, des procédures sont "en cours auprès des contrôles de légalité et des tribunaux administratifs", assure la centrale syndicale. En outre, certains employeurs locaux auraient certes élaboré un plan de titularisation ; mais, à l'instar d'une commune de l'Isère, ils auraient instauré "des quotas de titularisation allant jusqu'à zéro".
Dans la fonction publique territoriale, 225.000 agents non-titulaires de la fonction publique territoriale seraient éligibles au plan de titularisation et non 43.000 agents comme l'avance le rapport. 182.000 agents éligibles ont donc "disparu". La CGT avance une explication : "un grand nombre de fins de contrats ont été signifiées avant que les sélections professionnelles ne s’organisent, en raison de l’année de décalage qui a eu lieu entre la signature du protocole et la sortie de la loi du 12 mars 2012". "Cette situation est inacceptable", conclut la CGT.
Les préconisations du rapport Gourault-Kaltenbach "ne permettront pas d’améliorer la mise en œuvre du dispositif de titularisation dans ses trois volets sur les deux ans qui restent", regrette le syndicat selon qui le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations pourrait apporter du mieux. Mais l'examen du texte au Parlement a été reporté à une date inconnue.
                                                                                                                          T. B.