Ressources humaines - Loi "Sauvadet" : comment les collectivités préparent la titularisation de certains de leurs contractuels

Sous certaines conditions, la loi du 12 mars 2012 ouvre les portes de l'emploi titulaire à des agents en CDI ou à des contractuels employés sur des emplois permanents depuis plusieurs années dans la même collectivité. Comment les employeurs et les centres de gestion préparent-ils ce dossier sur lequel les attentes des agents sont fortes ? La mesure aura-t-elle un impact sur les budgets ? Réponse à travers l'exemple de Lille et du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Nord.

"Les commissions d'évaluation professionnelle chargées d'effectuer les sélections en vue de la titularisation commenceront à se réunir au plus tôt au mois de janvier prochain", assure Jean-Louis Baju, directeur du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Nord. Certaines grandes collectivités de ce département disposeront de leurs propres commissions, indépendamment de celle qui sera mise sur pied par le centre de gestion. Mais toutes les commissions fonctionneront sur la base de modalités communes et d'un calendrier harmonisé, ce qui garantira "l'unité de la fonction publique territoriale", selon Jean-Louis Baju. Au cours des derniers mois, les responsables des différentes collectivités concernées ont oeuvré avec le centre de gestion, pour parvenir à cet objectif.
Les commissions pourraient être en place beaucoup plus tôt si l'un des décrets de la loi du 12 mars 2012 ne se faisait toujours attendre, plus de trois mois après son examen par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) (lire notre article du 20 avril 2012 ci-contre). Ce texte, dont la parution n'est pas attendue avant septembre, doit apporter des précisions aussi bien sur l'organisation des sélections professionnelles que sur les commissions chargées d'effectuer ces sélections, ainsi que sur les grades des cadres d'emplois accessibles par ce moyen.

Programme pluriannuel

Le décret doit aussi donner le coup d'envoi d'une période de trois mois, pendant laquelle il est prévu que les collectivités soumettent à leur comité technique un rapport présentant la situation des agents remplissant les conditions requises pour prétendre au dispositif de titularisation, ainsi qu'un programme pluriannuel d'accès à l'emploi titulaire. Ce programme, qui sera ensuite proposé à la délibération de l'assemblée territoriale, détermine notamment, en fonction des besoins de la collectivité et des objectifs de la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC), les cadres d'emplois ouverts aux recrutements réservés, le nombre d'emplois ouverts à chacun de ces recrutements et leur répartition entre les sessions successives de recrutement.
En vue de la réalisation de ces documents stratégiques, les collectivités ont effectué un recensement de leurs agents qui remplissent les conditions pour être candidats aux sélections professionnelles. Pour ce faire, elles avaient à leur disposition en particulier un outil informatique mis au point par le centre de gestion du Nord (lire notre article du 18 avril 2012 ci-contre).
Lorsqu'elles seront en place, les commissions d'évaluation professionnelle procéderont à une audition des candidats qui remplissent les conditions d'éligibilité. D'une durée totale de vingt minutes, l'audition débutera par un exposé du candidat (cinq minutes). Celui-ci présentera les acquis de son expérience professionnelle à partir du dossier qu'il aura remis au moment de son inscription. D'après le projet de décret examiné par le CSFPT, le dossier devra comporter notamment une lettre de candidature, un curriculum vitae et, le cas échéant, des attestations de stage ou de formation, des titres, des travaux ou des oeuvres.

"Grand oral"

Selon le centre de gestion, ce sont "plusieurs centaines" d'agents territoriaux du Nord qui vont ainsi passer leur "grand oral". Le dispositif d'accès à l'emploi titulaire est plus restrictif que la mesure législative qui va permettre la transformation de certains CDD en CDI. En effet, 6.000 agents territoriaux du département du Nord pourraient bénéficier de cette autre grande mesure de la loi "Sauvadet".
"Le nombre des titularisations qui seront prononcées sur la base de la loi ne sera pas massif", confirme Jean-Christophe Diéval, directeur du service de la gestion statutaire à la mairie de Lille. Alors que les collectivités cherchent à maîtriser l'évolution de leur masse salariale, les élus locaux se devront, en effet, de bien réfléchir avant de créer des postes permanents. "Tout emploi permanent doit figurer dans le tableau des effectifs de la collectivité", rappelle Jean-Christophe Diéval. Cette inscription signifie que la collectivité aura à engager une dépense pérenne. Il n'en est pas de même pour les emplois non permanents, que l'employeur "reconduit après appréciation des besoins immédiats ou ponctuels de la collectivité pour assurer l'ensemble des missions de service public telles que définies dans le projet de service".

Simulations sur les salaires

Compte tenu des conditions à respecter, puis des sélections à passer, il faut s'attendre à ce que le dispositif de titularisation génère des déceptions parmi les agents, dont certains nourrissent de fortes attentes. Un silence de la collectivité pouvant entretenir de faux espoirs, il s'avère indispensable que le pôle ressources humaines communique rapidement auprès des agents, dès parution du décret d'application, conseille le directeur de la gestion statutaire de la ville de Lille. Par ailleurs, une information précise aidera les agents à décider s'ils déposent ou non un dossier de candidature. Car il arrivera que des personnes pourtant éligibles ne soient en fin de compte pas candidates. "Ce sera le cas des agents qui verraient leur rémunération baisser en cas de changement statutaire", explique Jean-Louis Baju. La question est prise très au sérieux par le centre de gestion du Nord qui va réaliser des simulations sur les payes, avant et après titularisation. D'autres personnes "feront peut-être le choix de conserver leur statut actuel, parce que la titularisation peut induire une nouvelle organisation tant professionnelle que familiale - emploi à temps complet et non plus à temps non complet, modification des plannings horaires hebdomadaires notamment", ajoute Jean-Christophe Diéval.
Dans le Nord comme ailleurs, la réussite de la mise en oeuvre du dispositif de titularisation va donc nécessiter de la part des services des ressources humaines un travail sur les situations individuelles et un fort accompagnement des agents. Un chantier à part entière pour les quatre années à venir.

 

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