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Education - Internats d'excellence : la convention Etat-Anru fixe les règles du jeu

Dans le cadre des investissements d'avenir, près de 500 millions d'euros vont être affectés à la création ou labellisation de places en internat. A condition, naturellement, que les collectivités s'engagent sur le dossier. L'Anru gérera ce programme mais l'Education nationale ne perd pas la main pour autant.

La convention entre l'Etat et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) relative aux internats d'excellence et à l'égalité des chances est parue au Journal officiel du 22 octobre 2010. Comme toutes les conventions signées dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (grand emprunt), elle organise les relations entre l'Etat et son opérateur, en l'occurrence l'Anru. Elle précise notamment les objectifs du programme, le montant des crédits alloués et les modalités de sélection des projets. Les 452 millions d'euros affectés à ce programme seront engagés par l'Anru au nom de l'Etat entre 2011 et 2014. Ils permettront de financer deux actions : les internats d'excellence et le "développement de la culture scientifique et [l']égalité des chances notamment dans les quartiers de la politique de la ville". Sur ces deux chantiers, les collectivités devraient être en première ligne.

20.000 créations ou labellisations de places sur 2011-2014

La convention Etat-Anru rappelle tout d'abord les objectifs des internats d'excellence : "Permettre à des collégiens, lycéens et étudiants motivés, ne bénéficiant pas d'un environnement propice aux études, de poursuivre leur scolarité dans des conditions plus favorables." Afin de combler le manque de places en internat pour les filles, "un nombre significatif de places" devra leur être réservé. Les places en internat subventionnées seront réparties sur le territoire de sorte à "offrir l'ensemble du champ des formations possibles aux élèves de toute la France et à une distance raisonnable du domicile de leurs parents". Lors d'un déplacement à Marly-le-Roi (Yvelines) le 9 septembre dernier, Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir "que les internats d'excellence soient au coeur de nos villes. L'internat , ce n'est pas un exil. L'internat, cela ne consiste pas à prendre une fille ou un garçon de Trappes et à l'envoyer sur le plateau du Larzac. L'internat, c'est donner aux enfants la chance d'avoir une chambre, d'avoir un équipement informatique, d'avoir un environnement qui favorise l'appétit pour les études".
Les places financées pourront soit être créées ex nihilo, soit consister en l'agrandissement d'internats existants, soit enfin en la "labellisation" de places existantes. Ces places s'ajouteront à la dizaine de sites déjà en activité à la rentrée 2010 (voir nos articles ci-contre).  Au cours d'une conférence de presse mi-septembre, le directeur général de l'Anru, Pierre Sallenave, a indiqué qu'environ les deux tiers des 20.000 places prévues seront de réelles créations (voir notre article ci-contre du 16 septembre).
Ces internats répondront à "un projet éducatif qui s'ancre dans la société civile de façon ambitieuse et précise". C'est-à-dire ? Cet "ancrage" devrait se traduire concrètement par un rattachement à un ou plusieurs collèges ou lycées de statut public ou privé, "jouissant d'une bonne réputation pour les filières d'enseignement général ou professionnel", des partenariats avec les établissements d'enseignement supérieur ("cordées de la réussite") et avec le "monde économique local incarné par exemple par un pôle de compétitivité". Enfin, l'internat devra rechercher "si possible, le parrainage d'une grande fondation ou d'entreprises". Mais les collectivités ne sont pas oubliées : en effet, l'Etat contribuera à ces investissements "en complément des investissements consentis par les collectivités compétentes" en vertu de la loi du 13 août 2004. Ce programme est donc, "par vocation", "partenarial entre l'Etat, l'Anru, et les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions et les départements".

Un schéma régional, des conventions locales… mais qui décide?

Pour déterminer quels seront les sites sélectionnés, des conventions-cadres régionales vont être conclues entre l'Etat, l'Anru et les régions prochainement. Elles seront négociées par les préfets de région et les recteurs d'académie "désignés par mandataires de l'Anru" avec pour objectif de dessiner un maillage adéquat sur l'ensemble du territoire. "Autant que possible", les conseils généraux seront associés. C'est donc a priori à ce moment-là que se dessinera la carte de France des futurs internats d'excellence.
Sauf qu'alors, personne ne se sera encore engagé sur le financement. Ces engagements viendront dans un second temps lors de l'élaboration pour chaque site d'une convention "fixant notamment le programme du projet, la maîtrise d'ouvrage, le calendrier de réalisation, les modalités de subvention et le plan de financement ainsi que les modalités d'accompagnement éducatif et les actions périscolaires". Ces conventions préciseront donc les engagements de chacun. "Afin de conforter le portage politique local des projets et leur appropriation par la société civile, il est notamment souhaité que les municipalités d'accueil soient cosignataires."
Les collectivités concernées auront pour interlocuteurs "le préfet de région et les recteurs d'académie mandataires de l'Anru". Si les préfets sont déjà depuis début 2010 les représentants de l'Anru dans le département, le document ne précise pas la nature de cette habilitation pour les recteurs d'académie.
Pour entrer dans le programme des internats d'excellence, les projets devront respecter en outre un règlement général et financier spécifique. Celui-ci sera "établi sur les bases d'un cahier des charges élaboré par le ministère de l'Education nationale", validé par le commissariat général aux Investissements, puis adopté par le conseil d'administration de l'Anru.
Enfin, un comité de pilotage comprenant des représentants des départements et des régions et un comité d'instruction sont installés. Ils participeront tous deux à l'élaboration des schémas régionaux. L'instruction concrète des dossiers sera assurée au niveau local "par le préfet et le recteur d'académie". Mais pour les dossiers les plus complexes et "sur lesquels un accord local s'avère difficile" le comité d'instruction sera "mobilisé".
Ces différentes instances devront procéder à une "instruction transparente" des dossiers, après expertise soit par les services de l'Anru, soit par des intervenants externes. Les candidats devront notamment établir la preuve de "la pérennité du financement des coûts de fonctionnement du projet" et de "l'existence d'une organisation en capacité de porter et gérer le projet". L'Anru s'assurera de la "solidité financière" des bénéficiaires sélectionnés. Autant de formules dont seule la mise en oeuvre précisera le sens.

Culture scientifique et technique et égalité des chances

La deuxième action fait l'objet d'un traitement beaucoup plus bref - si ce n'est très elliptique pour des enveloppes comprises entre 50 à 100 millions d'euros - dans la convention Etat-Anru du 20 octobre. L'objectif de cette action est cette fois de lutter contre "la désaffection des jeunes pour les études scientifiques, désaffection particulièrement sensible chez les femmes". Or, "il est important de doter tous les citoyens d'une culture scientifique et technique et d'une attitude positive envers la science". L'enveloppe - toujours gérée par l'Anru alors que certains pourraient estimer qu'on était plus là sur le champ de compétence de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) - subventionnera "des projets renforçant l'attractivité des filières scientifiques dans l'enseignement secondaire et supérieur, pour les jeunes de toute condition sociale notamment auprès des filles". Si le préambule de la convention évoque un ciblage sur les quartiers de la politique de la ville, cette précision n'apparaît pas dans le corps du texte. Sur cette seconde action, l'Anru a toute latitude pour organiser la sélection des projets.
Au total, 252 millions d'euros seront effectivement consacrés aux opérations de création, extension et revitalisation d'internats et 50 millions d'euros au "développement de la culture scientifique et technique". Le reste (150 millions d'euros) sera affecté à l'une ou l'autre des actions "selon la qualité des projets, les cofinancements obtenus et le volume des demandes exprimées". Mi-septembre, Pierre Sallenave prévoyait 350 millions d'euros pour les internats, permettant de financer une centaine de projets. Il resterait donc une centaine de millions d'euros pour la science... mais le directeur général de l'Anru n'avait pas alors évoqué cette enveloppe. Enfin, toujours sur le volet budgétaire, il faut retenir que, comme pour tous les programmes du grand emprunt, le déclenchement de chaque tranche annuelle de dépenses "devra faire l'objet d'un accord explicite de l'Etat".

 

Hélène Lemesle
 

Référence : convention du 20 octobre 2010 entre l'Etat et l'Anru relative au programme d'investissements d'avenir (action : internats d'excellence et égalité des chances), publiée au Journal officiel du 22 octobre 2010.