Internationalisation des entreprises : vers un Grenelle de l'export ?
Après une décennie de déficits commerciaux, plusieurs acteurs de l'export appellent à un Grenelle de l'export, afin de mettre à plat les dispositifs existants et d'évaluer ce qui fonctionne. C'est ce qu'ils ont fait valoir lors d'un colloque du Cner, organisé le 30 mai 2017. L'occasion aussi de passer en revue les expérimentations nouvelles mises en place dans ce domaine en région, souvent avec le concours de Business France ou de Bpifrance... Revue de détail.
"A l'heure du dixième anniversaire du déficit du commerce extérieur, le temps est peut-être venu pour un Grenelle ou une remise à plat d'un certain nombre de dispositifs dédiés à l'export des entreprises françaises." C'est la proposition de Dominique Brunin, délégué général de CCI International/CCI France International, à l'occasion du colloque organisé le 30 mai 2017 par le Cner, fédération des agences de développement et des comités d'expansion, sur l'internationalisation. Ces dernières années ont déjà vu de nombreuses évolutions, comme la fusion en 2014 de l'Agence française des investissements internationaux (Afii) avec Ubifrance donnant naissance à Business France. Des efforts ont été consentis pour rationaliser l'écosystème et coordonner les acteurs en présence : les régions, avec leur SRDEII, les chambres de commerce et d'industrie, Business France, Bpifrance… Mais il reste des problèmes à régler, et notamment une question de fond : "Notre écosystème actuel répond-il aux besoins d'aujourd'hui ? Notre réponse est-elle adaptée ?", a ainsi questionné Pedro Novo, directeur des financements export de Bpifrance Export, prônant lui aussi un Grenelle ou tout du moins une grande pause nationale pour adapter les outils et les moyens. Pour le responsable de Bpifrance, le moment est opportun, avec un regain de dynamisme provoqué par la récente élection d'Emmanuel Macron. "L'image renvoyée à l'étranger est meilleure, mais 70% des entreprises françaises préfèrent ne pas s'endetter, il faut changer leur ambition", a ainsi signalé Pedro Novo.
Des envoyés spéciaux en Asie, Afrique de l'Ouest et Amérique du Nord
Des initiatives et expérimentations nouvelles sont d'ailleurs en cours de développement en région. En Pays de la Loire, le conseil régional vient de nommer, en partenariat avec Business France, trois envoyés spéciaux. Installés à Hong Kong, Abidjan et Chicago, ils sont chargés d'accompagner les entreprises qui souhaitent exporter en Asie, Afrique de l'Ouest et Amérique du Nord. Ces collaborateurs de Business France seront hébergés au sein des ambassades. Ils seront opérationnels dès le mois de juin 2017. Leurs missions consistent à identifier les opportunités de développement et de partenariat pour les entreprises dans les zones ciblées, d'assurer des missions de lobbying et d'organiser des voyages pour les acteurs économiques. Objectif : développer une force de frappe à l'international et développer le potentiel de filières par pays, comme la robotique et la viticulture en Asie, la biotech aux Etats-Unis ou encore le composite au Japon et aux Etats-Unis. Avec l'espoir d'améliorer les résultats de la région : si elle a exporté près de 17,5 milliards d'euros de marchandises en 2015, la région Pays de la Loire ne se place qu'au onzième rang des régions exportatrices françaises (ancienne carte régionale). Signée en février 2017, il s'agit de la première convention de ce type conclue entre une région et Business France. Une expérimentation innovante qui permet à la région d'accéder à l'expertise et aux ressources de Business France (veilles et études, réseau diplomatique, experts sectoriels, bases de données…).
Accompagner les entreprises sur les marchés publics internationaux
Autre région, autre innovation : le service Alsace commande publique de l'agence d'attractivité de l'Alsace (AAA). Créé en 2014, il appuie les entreprises dans le cadre des marchés publics nationaux, européens et internationaux. "La commande publique au niveau international représente un cinquième de l'économie mondiale, a précisé Ophélie Garnier, responsable du service. En France, cela représente 200 milliards d'euros, on travaille avec les PME et les ETI, donc pas seulement avec les grands groupes, et cela fonctionne !" En 2016, 100 entreprises ont été accompagnées, qui ont généré 18 millions d'euros de chiffre d'affaires, et même 50 millions d'euros l'année d'avant, du fait d'un gros contrat remporté par l'une d'entre elles. Le fonctionnement est simple : l'agence repère les appels d'offres publics en cours en Europe et dans les pays francophones et définit une zone dans laquelle l'entreprise peut travailler. Elle recherche les opportunités et travaille avec l'entreprise pour la préparer au marché. L'entreprise s'engage pour un an dans la démarche. "Certaines sont fidèles et restent plusieurs années ; d'autres sont autonomes après un an d'accompagnement", a détaillé Ophélie Garnier.
Un "Clairefontaine" pour les entreprises ?
Enfin, trois accélérateurs régionaux de Bpifrance dédiés aux entreprises de croissance sont en cours d'expérimentation en Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes, sur le modèle de ce qui existe déjà au plan national depuis 2015 et de ce qui a été développé en 2016 en Provence-Alpes-Côte d'Azur. L'accompagnement s'étale sur vingt-quatre mois avec un diagnostic, des formations, des rencontres avec des experts et l'accès aux forces du réseau de la Banque publique d'investissement. Au niveau national, l'accélérateur a porté ses fruits : sur soixante entreprises accompagnées, vingt sont devenues des ETI et 85% ont augmenté leur chiffre d'affaires à l'international. "A terme, toutes les régions devraient être embarquées dans la démarche, comme un 'Clairefontaine' individuel", a souligné Pedro Novo, en allusion au centre d'entraînement de l'équipe de France de football.