Infrastructures : le Lyon-Turin et le canal Seine-Nord Europe sélectionnés au titre du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe

La Commission européenne a publié le 17 juillet les résultats de l'appel à projets 2023 du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), l'instrument financier de l'UE pour les investissements dans les infrastructures. Les 134 projets sélectionnés recevront 7 milliards d'euros. 80% des subventions iront à des chantiers ferroviaires, notamment le long du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), comme le Lyon-Turin, projet le mieux doté, qui va recevoir au total 765 millions d'euros. Les travaux sur les infrastructures fluviales sont aussi concernés. A ce titre, le canal Seine-Nord Europe va obtenir une nouvelle aide financière de 300 millions d'euros.

A la veille de l'entrée en vigueur du nouveau règlement sur le réseau transeuropéen de transport ou RTE-T (lire notre article du 5 juillet 2024), la Commission européenne a publié ce 17 juillet la liste des 134 lauréats de l'appel à projets 2023 du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), l'instrument de l'UE pour les investissements stratégiques dans les infrastructures. Les projets retenus se partageront 7 milliards d'euros de subventions. "Il s'agit de l'appel le plus important dans le cadre de l'actuel programme MIE Transports", a indiqué la Commission dans un communiqué. 408 demandes ont été reçues au total pour cet appel à propositions clôturé le 18 janvier 2024.

83% des fonds orientés vers le soutien des objectifs climatiques de l'Union

Environ 83% des fonds vont soutenir des projets qui permettent d'atteindre les objectifs climatiques de l'UE, en améliorant et en modernisant le réseau européen de chemins de fer, de voies navigables intérieures et d'itinéraires maritimes le long du RTE-T, a-t-elle précisé. Les projets ferroviaires recevront à eux seuls 80% des 7 milliards d'euros. 

Le financement sera consacré à de grands projets visant à améliorer les liaisons ferroviaires transfrontalières le long du réseau central RTE-T — dans les pays baltes (Rail Baltica), entre la France et l'Italie (Lyon-Turin) et entre le Danemark et l'Allemagne (tunnel de Fehmarnbelt). Environ 20 ports maritimes situés en Irlande, en Espagne, en Finlande, aux Pays-Bas, en Allemagne, à Malte, en Lituanie, à Chypre, en Croatie, en Grèce et en Pologne – mais aucun en France - recevront une aide pour la modernisation des infrastructures. Les travaux sur les infrastructures fluviales ont pour objet d'améliorer les liaisons transfrontalières entre la France et la Belgique dans le bassin Seine-Escaut et entre la Roumanie et la Bulgarie sur le Danube. Les ports intérieurs en Autriche, en Allemagne et aux Pays-Bas bénéficieront également d'un financement, afin qu'ils puissent continuer à promouvoir le réseau européen de rivières et de canaux de transport durable, poursuit la Commission.

Dans le secteur routier, les projets concernent le lancement de systèmes et de services de transport intelligents (STI) coopératifs et la création de nouvelles aires de stationnement pour renforcer la sécurité des individus comme des professionnels.

Plusieurs projets visent en outre à accroître les capacités le long des corridors de solidarité UE-Ukraine, mis en place pour faciliter les importations et les exportations entre ce pays et les 27. Il s'agit notamment d'améliorer les infrastructures de transport routier aux points de passage frontaliers entre l'Ukraine, la Moldavie et la Roumanie, d'accroître la capacité du point de passage frontalier ferroviaire Hongrie-Ukraine, de créer un tronçon routier en Pologne vers l'Ukraine et de lancer des études et des travaux sur l’intégration du système ferroviaire ukrainien dans l'UE.

Le Lyon-Turin, principal bénéficiaire des subventions européennes

En France, les principaux projets retenus sont la liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin et le Canal Seine-Nord Europe. La première, toujours très controversée, recevra au total 765 millions d'euros supplémentaires de la part de l'UE. Encore loin d'une mise en service, trente ans après son lancement, elle est soutenue par les autorités et les acteurs économiques au nom du développement du fret ferroviaire mais contestée par les militants écologistes qui pointent du doigt son impact sur l'environnement et les ressources en eau, tout comme son coût "pharaonique". En constante augmentation depuis son lancement, celui-ci a été évalué à plus de 26 milliards d'euros en 2012 par la Cour des comptes française - aucun chiffrage global n'ayant été communiqué depuis.

Le projet va recevoir 700 millions d'euros de subventions européennes pour le tunnel en cours de creusement sous le Mont-Cenis et son raccordement aux voies à Saint-Jean-de Maurienne (France) et Suse (Italie), encore à construire. Ce tunnel ferroviaire, dont le coût a été réévalué de 5,2 à 9,6 milliards d'euros, soit 85% de hausse depuis le lancement du projet, selon un rapport de la Cour des comptes européenne, représentera au total 164 km de galeries (au double tronçon de 57,5 km s'ajoutent les voies de services et de communication). A ce jour, 37 km ont déjà été creusés, dont 13,5 km pour le tunnel de base, selon la compagnie publique franco-italienne Telt qui prévoit une mise en service en 2032. La Commission va aussi accorder 64,57 millions d'euros pour le cofinancement des études de tracé des voies que la France doit encore lancer pour relier Lyon au tunnel. Selon différentes estimations officielles, la construction des 150 km de voies côté français, dont la date de livraison reste à déterminer, représente un investissement de 10 à 15 milliards d'euros.

D'autres liaisons ferroviaires dans l'Hexagone ont aussi été retenues dans le cadre de l'appel à projets du MIE – études pour la création d'une nouvelle section entre Dax et l'Espagne de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse dans le cadre du Grand projet du Sud-Ouest (19,5 millions d'euros), nouvelle ligne entre Montpellier et Perpignan (22,55 millions d'euros), travaux sur la ligne Roissy-Picardie (10,37 millions d'euros), etc.

Le Canal Seine-Nord Europe toujours à flot

Dans le domaine fluvial, le Canal Seine-Nord Europe, grand projet d'infrastructure qui doit permettre de mieux relier les voies navigables françaises au réseau fluvial d'Europe du Nord, obtient une nouvelle enveloppe de 300 millions d'euros dans le cadre du MIE. Cette aide s'ajoute aux 582 millions d'euros déjà versés par l'UE pour ce chantier gigantesque en projet depuis des décennies, relancé et interrompu à plusieurs reprises faute de financements suffisants ou de volonté politique. L'ouvrage doit relier Compiègne, dans l'Oise, à Aubencheul-au-Bac, dans le Nord, au moyen d'un canal de 107 kilomètres de long et 54 mètres de large permettant de rallier le réseau fluvial du Benelux. L'objectif est de permettre la circulation de péniches "à grand gabarit" (jusqu'à 185 mètres de long, d'après la Société du Canal), désengorgeant ainsi les principales voies navigables françaises, saturées, et de réduire la circulation de camions de marchandises sur l'autoroute du Nord. Il doit également stimuler l'activité économique de la région, en désenclavant les territoires traversés et en créant de l'emploi. En novembre 2023, une première étape a été franchie avec l'inauguration d'un tronçon de 11 kilomètres de voie navigable. Le canal devrait être achevé en 2030.

Moins médiatique que le mégaprojet de ligne transalpine Lyon-Turin, le canal Seine-Nord Europe n'est toutefois pas exempt de polémiques, dont la première porte sur son coût. Sa construction, évaluée finalement à 5,1 milliards d'euros, est financée exclusivement en fonds publics, en premier lieu par l'Union européenne (2,1 milliards d'euros), suivie par l'Etat et les collectivités (1,1 milliard d'euro chacun) et un emprunt de 800 millions d'euros. En 2020, un rapport de la Cour des comptes européenne consacré aux mégaprojets déplorait "une augmentation de 199%" du coût de ce chantier, soit une hausse de 3,3 milliards. Le même rapport jugeait irréalistes les projections de trafic attendues sur le réseau, les estimant très au-dessus de ses capacités.

Si la Commission d'enquête environnementale a rendu en 2024 un avis favorable, elle souligne toutefois plusieurs points d'achoppement, notamment l'impact du tracé sur la biodiversité, ou la pollution engendrée par les travaux. L'alimentation en eau du canal, qui doit se faire via une retenue d'eau colossale, d'une contenance de 14 millions de m2, suscite également l'inquiétude et l'opposition de plusieurs collectifs écologiques. Celle-ci ne devrait toutefois pas engendrer de ponctions sur les nappes phréatiques, d'après la Société du Canal.

400 millions d’euros de prêt de la BEI en faveur des transports ferroviaires de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie

La Banque européenne d'investissement (BEI), institution de financement à long terme de l'UE, a annoncé ce 25 juin la signature d’un contrat de prêt de 400 millions d’euros dans le domaine ferroviaire avec la Société Publique Locale SPIIT (Société Publique Interrégionale des Investissements en faveur des Transports) détenue en totalité par les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie pour l’acquisition de nouveau matériel roulant et la modernisation du matériel existant. La création de la SPIIT vise à doter les deux régions d’un outil technique et organisationnel de gestion de leur matériel roulant (maintenance, acquisition, etc.) destiné aux services de transport régional de passagers. Le coût total de ces investissements est estimé à environ 1,2 milliard d’euros. Il sera financé par une combinaison de fonds propres et de prêts senior apportés par la BEI, la Caisse des Dépôts et un groupe de banques commerciales.

Les investissements financés par la BEI portent sur l'acquisition de 39 rames (24 automotrices électriques, 12 automotrices bi-modes diesel/électriques et 3 automotrices bi-modes hydrogène/électriques) ainsi que la révision à mi-vie de 97 automotrices électriques et bi-modes diesel/électriques actuellement utilisées par SNCF Voyageurs dans les deux régions. 

Ce financement est mis en œuvre par le biais de deux contrats de concession de 42 ans signés entre les deux régions et la SPIIT qu’elles ont conjointement créés en 2023 afin de reprendre la gestion de l’ensemble de leur matériel roulant. Ce matériel sera mis à disposition des opérateurs sélectionnés par les régions afin de mettre en œuvre leurs services de transport ferroviaire.

L'opération a pour but d'accroître l'offre et la qualité des services ferroviaires, en réduisant notamment la durée des trajets, en augmentant la fréquence des trains et leur capacité, en favorisant une exploitation plus efficace avec des coûts d'entretien réduits et en améliorant le confort d’usage des passagers. L'enjeu est aussi de favoriser le report modal des voyageurs de la route vers le rail. Dans les deux réseaux régionaux, le nombre de passagers a d'ailleurs connu une croissance constante entre 2019 et 2022 (+17% en Nouvelle-Aquitaine et +30% en Occitanie).

 

 

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