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Etat déconcentré - Impôts / Trésor public : la fusion des services profitera-t-elle aux collectivités ?

Après la fusion des administrations centrales des Impôts et du Trésor public intervenue depuis avril 2008, un décret du 16 juin vient donner le coup d'envoi de la fusion de leurs services déconcentrés, opération qui s'étalera jusqu'à fin 2012. Huit départements ont expérimenté la nouvelle organisation dès le dernier trimestre 2008. Selon les responsables territoriaux oeuvrant dans ces départements, l'amélioration de la qualité des services offerts aux collectivités reste parfois à prouver.

La réforme passerait presque inaperçue. La fusion des services fiscaux et du Trésor public "n'a pas occasionné de perturbations", témoigne la mairie de Châteauroux, dans l'Indre, l'un des huit premiers départements dans lesquels une "direction locale unique" a regroupé dès le dernier trimestre 2008 les agents des deux anciennes directions de l'Etat. Interlocuteur central de la collectivité, le comptable dédié "n'a pas changé" - et c'est bien ce qui compte pour la ville. Didier Fleuret, adjoint au maire chargé des finances, estime que la réforme "va dans le bon sens" en simplifiant l'organisation des services de l'Etat. "Nous n'aurons plus qu'un seul interlocuteur au lieu de deux actuellement. Nos partenaires ne pourront plus se renvoyer la responsabilité d'un dossier", souligne l'élu. Concrètement, les effets positifs de la fusion, mis en avant Bercy, se font selon lui déjà sentir. Les responsables de la nouvelle direction locale unique ont ainsi officiellement déclaré qu'ils voulaient voir la commission communale des impôts directs jouer un rôle plus actif. Ce qui satisfait pleinement la municipalité de Châteauroux, qui souhaite optimiser ses bases de fiscalité.
Saoudi Lopes, directrice générale adjointe chargée des finances à la mairie de Douai, est quant à elle dans l'expectative sur cette réforme également mise en place très tôt dans le Nord. "Le schéma présenté va plutôt dans la bonne direction, assure-t-elle. Mais on attend de voir ce que ça va donner sur le terrain." Ses attentes ? "Disposer d'un interlocuteur plus proche en matière de fiscalité." La responsable des finances n'est pas la première à critiquer la décision, prise il y a quelques années, de transférer la mission de conseil fiscal des services fiscaux vers le Trésor public. Une mesure qui a créé un "intermédiaire supplémentaire", le pôle de fiscalité directe locale situé au sein des trésoreries générales.

 

Transition difficile ?

De son côté, Vincent Domeizel, directeur des finances de la ville de Montpellier, voit dans la fusion l'occasion pour Bercy de réduire encore le nombre de postes dans ses services déconcentrés. Ce qui se traduira immanquablement, selon lui, par "un amoindrissement du service à la collectivité". En matière de comptabilité, le contrôle des comptes publics, déjà fortement réduit, va se trouver limité au minimum. Un bon point en revanche : ce mouvement de réduction des effectifs va déboucher sur la mise en place d'une certification des comptes devenue indispensable, estime le directeur des finances. Une perspective qui ne manque pas d'intérêt dans la mesure où elle renforcera la transparence des comptes des collectivités. Mais au-delà de cela, affirme-t-il, "la question du maintien de la séparation de l'ordonnateur et du comptable - qui n'apporte plus qu'une sécurité très limitée - doit se poser". Saoudi Lopes dresse à peu près les mêmes constats que son collègue et s'interroge elle aussi : "Faut-il instaurer une inspection générale au sein des collectivités ?"
En matière de fiscalité, Vincent Domeizel est beaucoup plus optimiste que sur le volet comptabilité. Grâce à la fusion, les services déconcentrés de Bercy vont "mieux communiquer". Mais "la transition ne va-t-elle pas être difficile ?", s'interroge Saoudi Lopes, qui rappelle que les services de l'Etat ont des cultures très différentes. "On avait une relation de travail au quotidien avec les agents du Trésor public et ceux-ci comprenaient nos contraintes", indique-t-elle. Or du côté des services fiscaux, "ce n'était pas tout à fait la même chose". "Le risque n'est-il pas de perdre la qualité du travail qui prévalait avec le Trésor public ?", se demande finalement la directrice générale adjointe.


Thomas Beurey / Projets publics

 

La nouvelle organisation

Le décret publié le 18 juin au JO crée des directions départementales des finances publiques regroupant les compétences exercées auparavant par les services fiscaux et les trésoreries générales. En plus des missions confiées aux directions départementales, les directions régionales des finances publiques sont chargées notamment du contrôle financier déconcentré des administrations de l'Etat et de l'expertise économique et financière des investissements publics.
La nouvelle organisation met en place des "pôles de recouvrement spécialisé", des directions interrégionales en charge du contrôle fiscal et des "services des impôts des particuliers" (SIP) dont le nombre atteindra 700 en 2012. Ces derniers seront pour les particuliers ce que sont pour les entreprises les services des impôts des entreprises, c'est-à-dire un véritable guichet unique. On pourra en effet y obtenir des renseignements aussi bien sur le paiement de l'impôt que sur le calcul. "Pour tenir compte des besoins des usagers ou des enjeux publics financiers et fonctionnels", le ministre du Budget pourra créer par arrêté des directions spécialisées des finances publiques en matière comptable ou de contrôle fiscal.
Les nouvelles directions départementales ou régionales des finances publiques verront le jour progressivement entre 2009 et fin 2012. Près de la moitié des départements seront dotés d'une direction unique dès le début de l'année 2010.