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Urbanisme - Ile-de-France : vers plus de transparence sur le marché des terrains

La première note de conjoncture semestrielle sur les marchés fonciers franciliens, présentée le 26 juin, laisse pressentir un ralentissement de l'activité et une relative stabilisation des prix des terrains à bâtir.

L'observatoire régional du foncier en Ile-de-France (ORF) a présenté le 26 juin sa première note de conjoncture semestrielle sur les terrains disponibles et leur mobilisation dans la région. Un exercice compliqué tant les données en la matière sont disparates et souvent difficiles à interpréter. L'ORF s'est donc attelé à la tâche en mobilisant et en rapprochant les chiffres fournis par ses partenaires - Etat, région, notaires, Safer, promoteurs, lotisseurs, établissements publics fonciers - "dans le but d'une analyse partagée". " Il y a beaucoup de sources dans la note, qui travaillent sur des segments de marchés différents : l'objectif est que nous parlions tous la même langue", a expliqué Marie-Antoinette Basciani-Funestre, chargée de l'animation, des études et de l'observation à l'ORF, soulignant "les difficultés rencontrées pour accéder aux données". Il s'agit avec ce document d'"entreprendre un travail plus systématique d'observation de la situation foncière en Ile-de-France", a déclaré Dominique Figeat, président de l'ORF, en insistant sur le fait que "les marchés fonciers sont très sectorisés, et très variables d'un point de vue géographique".
Sur huit pages, le document présente l'ensemble des mutations foncières et immobilières (nombre de biens concernés en petite et en grande couronne), les transactions de terrains constructibles (nombre et prix moyen), les transactions sur le marché foncier rural (nombre, surface, valeur), les prix moyens des terrains agricoles libres et loués non bâtis, les ventes de terrains pour maisons individuelles (nombre, prix, surface moyenne de ventes et prix au m2, nombre et surfaces mises en chantiers pour la construction de maisons individuelles, évolution des surfaces moyennes de parcelle). La note fournit également des données sur les marchés immobiliers, qu'il s'agisse des logements neufs (nombre et prix moyen, surface et prix du m2, mises en vente et réservations nettes) et anciens (prix) mais aussi les mises en chantier de bureaux neufs et restructurés. On y trouve aussi des informations sur les cessions réalisées par les quatre établissements publics fonciers franciliens, sur l'action de l'Etat sur le foncier public, sur les zones d'aménagement concerté (ZAC), les zones d'aménagement différé, l'action de la Safer et celle de la région pour la protection des espaces naturels.

Fléchissement de toutes les mutations foncières et immobilières en 2011

Globalement, l'ORF constate que " les premiers mois de 2012 laissent pressentir un ralentissement des marchés fonciers franciliens (…), probablement en raison de la fin annoncée des incitations fiscales publiques ", et ce alors que les marchés de terrains, toutes natures confondues, avaient amorcé, en 2010 et 2011, une légère reprise de leur activité. Mais "les conséquences sur les prix diffèrent selon les segments de marchés", prévient-il. Ainsi la hausse des prix sur les marchés ruraux "se poursuit lentement" tandis que les prix des terrains à bâtir "semblent plutôt se stabiliser". L'ensemble des mutations foncières et immobilières a fléchi en 2011. Sur les terrains déclarés constructibles, plus de 7.000 transactions ont été réalisées en 2011 pour un prix de vente moyen de 218.500 euros et une surface moyenne de 1.800 m2. Plus de 80 % des transactions se situent en grande couronne, où "l'offre est naturellement la plus abondante et la plus attractive en termes de prix", souligne l'ORF. 9.700 hectares ont été vendus en 2011 sur le marché de l'espace rural francilien, peu actif en nombre de ventes par rapport à celui d'autres régions. Le marché des terrains à bâtir pour maisons individuelles est, lui,  remonté de 30 % en 2010. Une reprise "due à la production en diffus", estime l'ORF, qui cite le chiffre de 3.578 mises en chantier pour 2011. En Ile-de-France, le prix moyen est environ 2,8 fois supérieur à la moyenne nationale qui se situe autour de 58 euros/m2 en 2010, et la superficie moyenne 1,4 fois plus petite.

Baisse continue des opérations en ZAC

Côté logements neufs, 2012 a démarré en baisse avec des réservations en recul de 17% au premier trimestre par rapport à la même période de 2011. Les mises en vente aux particuliers ont baissé de 16% par rapport au premier trimestre 2011 pour s'établir à 5.600 unités. Dans l'ancien, les volumes de vente ont été dopés ponctuellement en janvier par les réformes de la fiscalité mais ont chuté dès février. Selon l'ORF, la tendance à l'érosion des prix est confirmée "dans un mouvement encore très graduel mais assez général". Au premier trimestre 2012, le prix moyen des appartements anciens s'établit ainsi à 5.510 euros/m2. Concernant les bureaux neufs, la note de l'ORF montre que les mises en chantier globales ont connu une nette hausse en 2011, passant de 400.000 à près d'un million de m2, principalement du fait d'opérations importantes sur le secteur de La Défense. L'offre disponible s'est accrue de fait significativement tandis que la demande placée est restée stable depuis trois ans (821.000 m2 en 2011). Enfin, du côté des opérateurs, 2.000 logements et 120.000 m2 d'activités ont été engagés sur les cessions des EPF pour la seule année 2011. Sur la période 2008-2011, le programme de mobilisation de foncier public de l'Etat a permis la mise en chantier de 25.104 logements, avec une densité moyenne de 100 logements/ha. Les opérations d'aménagement en ZAC sont en baisse continue (18 créations en 2011 contre 23 en 2010 et 24 en 2009). Elles représentent 16% de la construction totale de logements. Les zones d'aménagement différé restent pour leur part "un outil peu mobilisé", constate l'ORF. Du côté de la Safer, qui a signé une convention de surveillance et d'intervention foncière avec 478 communes et 8 EPCI franciliens, 847 hectares sont acquis en moyenne chaque année depuis 2008 et 830 hectares rétrocédés. 75 périmètres régionaux d'intervention foncière s'étendant sur 37.494 hectares étaient dénombrés en 2011 et l'Agence des espaces verts de la région a procédé à l'acquisition de 292 hectares.

La piste des baux emphytéotiques

Emmanuelle Cosse, vice-présidente de la région Ile-de-France en charge du logement, a salué la réalisation de cette première note de conjoncture. "Tout ce qui peut nous aider à améliorer la question du logement en Ile-de-France est nécessaire. Les collectivités locales sont face à une injonction, construire plus pour répondre à une demande forte mais, en même temps, construire à des endroits qui ne créent pas de nuisances dans l'avenir, telles que l'étalement urbain, des problèmes d'accès aux services publics, l'isolement...". Elle a souligné l'importance du pilotage politique par l'intermédiaire du schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), qui doit permettre notamment un rééquilibrage des territoires et fixer des objectifs relatifs à la densification ou à la limitation de l'étalement urbain, ou grâce à une potentielle autorité organisatrice du logement régionale. "Se pose aussi la question de la décentralisation : qu'est-ce qui relèvera du pouvoir des intercommunalités ? Savoir qui [maîtrise] les documents d'urbanisme, les permis de construire, etc. aura un impact sur la gestion du foncier dans les années à venir", a-t-elle relevé. Mais il faut aussi selon elle sortir de "la pensée magique selon laquelle trouver du foncier suffit et que l'on peut construire n'importe où".

Un avis partagé par Daniel Canepa, préfet de région Ile-de-France. "Certains terrains, identifiés (…) comme pouvant être disponibles au profit de la production de logements ne sont pas, en l'état, transformables, pour de multiples raisons, notamment juridiques", a-t-il pointé. Ainsi la question de l'évaluation du coût du terrain peut être un frein à la libération de foncier. "Pour fixer le prix, France Domaine demande à la collectivité à qui on va céder le terrain quel programme va être réalisé, a expliqué le préfet. Or le prix peut être déterminant dans le choix du programme". Il préconise donc que "l'État ou ses établissements publics mettent à disposition leurs terrains en bail emphytéotique, plutôt que gratuitement", tel que l'avait proposé François Hollande lors de la campagne présidentielle. "Cela permet de ne pas appauvrir une collectivité plutôt qu'une autre, et surtout, cela offre la possibilité [à l'État] d'avoir un droit de regard sur les opérations, ce qui est important pour éviter les déséquilibres". L'objectif, "au travers de cet avantage immédiat, est de réinventer ou d'accentuer la fluidité des parcours en matière de logement", qu'il soit social, intermédiaire, privé, locatif ou non, a souligné le préfet. Pour Daniel Canepa, "le bail emphytéotique permet de garder la main" et pourrait d'ailleur s'appliquer aussi bien aux terrains de l'Etat qu'à ceux des collectivités et des EPF.
Cette question des baux emphytéotiques sur terrains publics est jugée "primordiale" par Emmanuelle Cosse car il va falloir "produire des logements avec des loyers plus bas que ceux du marché, mais pas uniquement des logements sociaux. Les loyers de sortie de ces derniers devront d'ailleurs être vraiment intéressants car on est aujourd'hui le plus souvent au plafond et on aide ainsi à la construction de logements chers". Selon elle, le cœur du problème est bien le manque de logements pour les personnes à faibles revenus et pour celles à revenus intermédiaires.
"Aujourd'hui, le marché ne fonctionne pas car il n'y a pas assez de terrains disponibles, il faut en libérer, mais sous contrôle, sinon il n'y aura pas l'effet escompté", a insisté Daniel Canepa. Selon lui, il faudrait aussi voir comment "récupérer les gâchis de terrains comme les parkings autour des zones commerciales, les espaces délaissés pour cause d'urbanisme mal conçu, pour faire de nouvelles activités, voire des logements". "Je ne suis pas certaine que parce que qu'il y aurait plus de foncier sur la table, les prix baisseraient car la spéculation en Ile-de-France n'a pas cessé", a toutefois tempéré la vice-présidente de la région.

Anne Lenormand

La Région veut encourager les "maires bâtisseurs"

Le conseil régional d'Ile-de-France a adopté le 28 juin une réforme de sa politique contractuelle en direction des communes et des EPCI. "Avec cette réforme, nous mettons en place le pacte régional avec les maires bâtisseurs", a indiqué Marie-Pierre de la Gontrie, première vice-présidente chargée des finances et de la contractualisation. Ce dispositif permet à la région d'accompagner les collectivités franciliennes dans leurs projets d'aménagement et d'équipement, en plus des politiques sectorielles déjà existantes, en instaurant un système de bonification de la subvention pour les collectivités qui réalisent les objectifs fixés par la loi SRU en matière de logement sociaux et qui s'inscrivent dans le Sdrif. Au total, les projets portés par les communes et les intercommunalités pourront désormais être financés jusqu'à 50% par la région. Depuis 2010, la majorité régionale s'est engagée à soutenir les collectivités construisant des logements sociaux dans la réalisation des équipements nécessaires à l'accueil de nouveaux habitants (écoles, salles polyvalentes, aménagements de voiries...). Le nouveau système vise également à renforcer l'aide de la région aux communes les plus pauvres, et à valoriser les projets qui respectent les critères environnementaux, souligne le conseil régional dans un communiqué. A.L.