Intercommunalité - Il y a 20 ans, la loi ATR lançait une "révolution tranquille"
"En 1992, on souriait et on me disait que j'allais me casser la figure. On pensait aussi que les changements de majorité allaient revenir sur les communautés de communes", témoigne Michel Guégan. En juillet 1992, cet élu local du Morbihan créait la première communauté de communes de France : Val d'Oust et de Lanvaux, dont il est toujours le président. Vingt ans après cette initiative pionnière, on compte 2.583 communautés regroupant plus de 95% des communes françaises. Et la loi de réforme des collectivités du 16 décembre 2010 a prévu que les derniers "villages gaulois" adhéreront à une intercommunalité à fiscalité propre au plus tard en 2014.
La loi de 1992 a été "un formidable accélérateur de l'intercommunalité", laquelle a désormais "acquis un caractère irréversible", estime Daniel Hoeffel, ministre chargé de l'Aménagement du territoire et des Collectivités locales entre 1993 et 1995. En vingt ans, l'intercommunalité s'est incontestablement imposée dans les esprits comme dans les faits. "Les communautés sont devenues visibles pour la population. Je le vois dans ma communauté de communes du Jarnisy, où les habitants commencent à faire la différence entre la commune et la communauté", témoigne Evelyne Didier, sénatrice de Meurthe-et-Moselle. Elle poursuit : "Au départ, la communauté était perçue comme le moyen pour la commune-centre d'exercer son leadership et cela était mal vécu par les élus. Aujourd'hui, on a dépassé ce stade, car la communauté de communes du Jarnisy a organisé des services qui bénéficient à tous les habitants."
Yves Détraigne, sénateur et président de la communauté de communes de la Plaine de Bourgogne (Marne), est un peu plus pessimiste : "Des communes considèrent encore la communauté comme une caisse commune dans laquelle on va se servir pour réaliser son projet. On a encore du chemin à faire pour que les élus travaillent véritablement sur des projets dont tout le territoire a besoin, et pas seulement leur commune."
Respecter les initiatives locales
"Le débat sur le nombre des communes et l'opposition entre les communes et les communautés n'est plus d'actualité", se réjouit de son côté Daniel Delaveau, président de Rennes métropole et de l'Assemblée des communautés de France (ADCF). "Il est maintenant évident que la consolidation de l'intercommunalité est une clé essentielle pour l'avenir de nos territoires." Il en déduit qu'"il faut franchir de nouvelles étapes". L'une d'elles devra renforcer la légitimité démocratique des élus siégeant au sein des conseils communautaires, en allant plus loin que le simple "fléchage" qui s'appliquera pour la première fois en 2014. Selon Daniel Delaveau, une autre avancée devra porter sur l'harmonisation de la fiscalité locale, avec la mise en place d'une taxe d'habitation et d'une taxe foncière uniques sur l'ensemble du territoire communautaire. "Il y a à ce jour, en matière d'impôts locaux des ménages, des inégalités profondes à l'intérieur des communautés, qui ne sont pas justifiées car les habitants bénéficient des mêmes services", a expliqué le président de l'ADCF.
Charles Guené, sénateur et président de la communauté de communes d'Auberive-Vingeanne et Montsaugeonnais (Haute-Marne), a regretté pour sa part que la loi de réforme des collectivités ne soit "pas allée assez loin" sur la constitution des métropoles. Il a appelé à avancer sur ce sujet. Autre voeu exprimé, cette fois par Evelyne Didier : que les femmes, aujourd'hui très minoritaires au sein des conseils de communautés, soient mieux représentées.
Si la loi ATR a connu un formidable succès confirmé par la loi Chevènement de 1999, c'est parce qu'elle laissait aux élus locaux la liberté de mettre en oeuvre les réformes, a rappelé le ministre des Collectivités locales, Philippe Richert. Un enseignement qu'il faudra méditer pour réussir les étapes suivantes ? Affirmatif, répond Michel Guégan, pour qui il revient aux élus locaux de "prendre en main le destin" des territoires, l'Etat n'étant là que pour les "accompagner".