Logement / Social - Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées : la mixité sociale ne peut être la réponse à tous les maux
"La mixité sociale ne peut être considérée comme une réponse unique à un ensemble de problématiques génératrices d'exclusion sociale", pour le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Ce dernier a publié le 23 février un avis intitulé "Concilier mixité sociale et droit au logement", alors que le Premier ministre appelait le 23 janvier dernier à mener une "politique du peuplement pour lutter contre la ghettoïsation".
La "double peine" des ménages modestes
Dans la perspective du comité interministériel qui se tiendra début mars sur "la lutte contre les inégalités", le Haut Comité défend l'idée que l'impératif de mixité sociale "ne doit pas conduire à une réduction de l'offre de logements sociaux destinée aux personnes défavorisées". "Face au phénomène de 'ghettoïsation' frappant un certain nombre de territoires, la tentation d'en exclure l'accès des personnes aux revenus les plus faibles semble obtenir l'assentiment de nombreux élus", peut-on lire dans cet avis. Comme la Fondation Abbé Pierre l'a récemment fait à l'occasion de la présentation de son rapport sur le mal-logement, le Haut Comité alerte sur le phénomène de "double peine" qui touche les ménages les plus modestes : leur demande de logement social ne peut aboutir ni dans les quartiers sensibles – au nom du principe de mixité sociale – ni dans des communes plus aisées – du fait de "nombreuses stratégies d'évitement et faute d'offre".
De la même façon, pour le Haut Comité, il y a un vrai risque à retenir la reconnaissance du droit au logement opposable (Dalo) comme un critère restrictif de l'attribution de logement social, toujours au nom de la mixité sociale. En effet, les personnes reconnues prioritaires au titre du Dalo ne constituent pas un "groupe homogène, une sorte de 'sous-catégorie' de mal logés cumulant pauvreté, difficultés sociales et problèmes d'insertion". "En 2013, 46% des bénéficiaires du Dalo disposaient de revenus supérieurs au salaire minimum", selon l'avis.
Renforcer le rôle de l'Etat dans les communes carencées en logement social
Pour le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, "le phénomène de ségrégation évoqué par le Premier ministre est la conséquence d'un échec des politiques publiques ayant entraîné la concentration de personnes aux revenus modestes sur les mêmes territoires sans apporter de réponse à l'accès au logement des plus démunis". Considérant en outre que "la mixité sociale ne fonctionne plus que dans un sens", le Haut Comité invite les pouvoirs publics à concentrer leurs efforts sur les communes n'ayant pas atteint les objectifs définis par la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) - soit un tiers des 1.022 communes assujetties à l'article 55 de la loi SRU en 2013 (voir notre article du 23 février 2015).
Le Haut Comité formule ainsi plusieurs propositions visant à considérablement renforcer le rôle des préfets en la matière. Il s'agirait notamment de "nommer un préfet à l'égalité des chances au niveau régional" chargé de veiller, "dans les communes faisant l'objet d'un constat de carence, à la mise en œuvre de solutions immédiates" (intermédiation locative, préemption avec mise à disposition immédiate et "attribution directe par le préfet à des personnes prioritaires", etc.).
Autre proposition : "revoir à la hausse les plafonds d'imputation des coûts sur le budget des communes carencées en cas de réalisation directe par l'État des opérations de logement social".
Sans les détailler, et tout en invitant à redéployer la politique d'attribution des logements sociaux au niveau des agglomérations, le Haut Comité formule plusieurs autres recommandations allant dans le sens d'un renforcement du pouvoir du préfet. Notamment celle de "confier la gestion du contingent municipal de logements sociaux au préfet dans les communes faisant l'objet d'un constat de carence".
Au-delà de savoir qui est compétent pour faire appliquer la loi SRU, la question est aussi de savoir s'il convient de revoir globalement – et comment - la méthode d'attribution des logements sociaux (voir notre autre article de ce jour : "Attribution des logements sociaux : Sylvia Pinel veut changer les règles").