Handicap : le gouvernement met la dernière main à plusieurs chantiers
Jean Castex a présidé ce 3 février le sixième et dernier comité interministériel du handicap (CIH) du quinquennat. Le gouvernement fait valoir toute une série d'avancées en matière notamment d'aides et prestations, de places en établissement, d'accessibilité ou d'école inclusive. Ce CIH a donné lieu à l'annonce de briques supplémentaires à venir prochainement, entre autres en termes de reconnaissance et de prise en charge du handicap psychique. Plusieurs décrets sont attendus.
Le Premier ministre a réuni ce 3 février une douzaine de membres du gouvernement pour un comité interministériel du handicap (CIH). Le sixième et dernier du quinquennat. Et le troisième présidé par Jean Castex, qui a ainsi "tenu la promesse d'un CIH tous les six mois", souligne son entourage. Un CIH "ouvert aux associations", avec la présence du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), ainsi qu'aux hauts-fonctionnaires des ministères afin de "marquer la continuité de l'action de l'Etat au-delà des échéances électorales".
Un CIH de bilan, forcément. Le dossier de presse diffusé à l'issue de la réunion liste à ce titre de nombreux chiffres, que ce soit sur les mesures destinées aux enfants ou jeunes handicapés, les aides et prestations, les places en établissement ou l'accessibilité… "Une centaine de mesures sont suivies depuis 2017", résume-t-on au cabinet de Sophie Cluzel, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, citant en exemple le champ de la compensation : attribution de droits à vie lorsque le handicap ne peut évoluer favorablement (150 000 personnes seraient concernées), possible bénéfice de la prestation de compensation du handicap (PCH) après 75 ans, PCH "parentalité", prise en compte de la préparation du repas dans le plan d'aide… (voir notre article de janvier 2021).
Matignon mentionne en outre les progrès de "l'école inclusive" (hausse de 20% du nombre d'enfants scolarisés), l'attention portée au repérage précoce de certains handicaps ou troubles tels que l'autisme, ainsi que les avancées apportées par la loi de financement de la sécurité sociale concernant notamment la structuration des services d'aide à domicile ou les proches aidants (voir notre article récapitulatif sur la LFSS). Il est aussi rappelé que le projet de loi 3DS, qui devrait être définitivement adopté d'ici une semaine, comprend des mesures de simplification pour les établissements et services sociaux et médicosociaux (ESMS) ou encore une simplification de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour les jeunes.
Handicap psychique : modification du référentiel
Tout ceci intervient, souligne-t-on, dans un "contexte difficile", celui de "tensions" en matière de ressources humaines, notamment pour les établissements, du fait d'un manque d'attractivité. Au-delà des revalorisations salariales liées à la "transposition" du Ségur de la santé aux professionnels des ESMS, deux contributions prochaines sont attendues sur ce front de l'emploi : le rapport de la mission Piveteau, qui doit être remis au gouvernement fin février (voir notre article du 10 novembre 2021) et la conférence des métiers et de l'accompagnement social et médicosocial prévue le 18 février (voir notre article du 4 janvier 2022).
Pas de grandes annonces ce 3 février, mais plusieurs briques supplémentaires. Parmi elles, on retiendra notamment, sur le volet compensation du handicap, une avancée prochaine en matière de reconnaissance du handicap psychique ou cognitif ou de troubles du neurodéveloppement. Suite aux travaux de la mission Leguay, une "étude-action" a été lancée en septembre dernier avec les MDPH de trois départements (Gironde, Ardennes et Vosges). L'objectif : offrir aux personnes concernées un meilleur accès à la PCH pour leur permettre de bénéficier d'une aide humaine pour certaines activités relevant de la vie sociale, sachant que les pratiques des MDPH seraient très hétérogènes (voir notre article d'octobre 2021). Ce qui implique de modifier le référentiel d'accès à la PCH, en créant un nouveau domaine de l’aide humaine, le "soutien à l’autonomie" destiné aux personnes connaissant des "restrictions à la participation à la vie en société". Cette modification a été actée par le CIH et un décret viendra l'entériner "avant la fin du quinquennat". Le projet de décret sera prochainement soumis au CNCPH. Il s'agira ensuite de former les professionnels des MDPH à cet enjeu, d'harmoniser les pratiques, d'adapter les modèles de documents et de développer une nouvelle offre d'accompagnants.
D'autres décrets sont par ailleurs attendus concernant, cette fois les Esat. En sachant que plusieurs engagements du "plan Esat" ont été inscrits dans la loi de finances et dans la LFSS afin de " favoriser et sécuriser les parcours professionnels des travailleurs en Esat" et de renforcer leurs droits (en termes de congés par exemple). Un décret va notamment porter sur le "droit au retour" en Esat après une expérience de travail en milieu ordinaire si celle-ci s'est finalement avérée mal adaptée. Et ce, sans nouvelle instruction de la MDPH. Ce décret sera complété par une instruction aux ARS avec, en annexe, une "charte d'engagements" entre l'État et les représentants des directeurs d'établissements.
Mieux accéder à l'école, à l'université, au téléphone ou au livre...
L'entourage de Sophie Cluzel indique par ailleurs qu'un futur décret relatif à l'école inclusive est actuellement "travaillé par thématiques", avec en outre des ateliers en région afin de "partir de l'existant, de ce qui se fait sur le terrain". Sa publication devrait intervenir en juin prochain. Pour l'heure, le gouvernement met l'accent sur le "renforcement de la coopération entre l’Éducation nationale et le secteur médico-social", avec "la généralisation sur tout le territoire des pôles inclusifs d’accompagnement localisés" (PIAL) et la mobilisation des "équipes mobiles d’appui à la scolarisation" (EMAS), et assure que 4.000 AESH supplémentaires seront recrutés à la rentrée 2022.
École… et université inclusive, Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, ayant annoncé à l'occasion de ce CIH un doublement de l'enveloppe consacrée à l'"accessibilité pédagogique" de l'université – autrement dit à l'accompagnement des étudiants handicapés (tutorat, etc.).
En matière d'"accessibilité universelle", le gouvernement met notamment en avant la question de l'accessibilité téléphonique. Sur la base d'un rapport de Jérémie Boroy et Anthony Colombani, l'enjeu est de "parvenir à une solution universelle d’accessibilité téléphonique en lien avec les pouvoirs publics, les opérateurs téléphoniques et les grandes entreprises". Un chantier piloté par Cédric O et Amélie de Montchalin.
On saura que l'"accessibilité du livre" est également d'actualité avec le lancement, sous la houlette de Roselyne Bachelot, d'une mission portée par l’Institut national des jeunes aveugles (Inja) et la BNF sur le futur déploiement d’un "portail de l’édition adaptée" et la mise en place d’un plan de production de livres.
Interrogé en amont du CIH sur la réforme de l'évaluation des ESMS qui devait figurer dans la LFSS mais a fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel, l'entourage des ministres assure que l'objectif est bien de tout faire pour que la réforme aboutisse. Le calendrier parlementaire est plus que contraint. En relevant que la question a évidemment pris une nouvelle dimension avec l'affaire Orpea, la réforme concernant à la fois le secteur du handicap et celui des personnes âgées. Le sujet est donc plus que d'actualité du côté de la ministre déléguée à l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, qui doit enchaîner les consultations, pour de possibles propositions "d'ici la fin du mois".