Financement de l’habitat sénior : comment repenser l’offre territoriale ?
Face à l'accroissement de la part vieillissante de la population française, l’adaptation des logements devient une priorité pour les territoires. Cet article explore les solutions d’habitat destinées aux séniors, du logement ordinaire aux établissements médico-sociaux, en passant par l’habitat inclusif. Il met en lumière les défis, les acteurs impliqués, et les dispositifs de financement mobilisés pour répondre aux besoins croissants de cette tranche de la population.
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© Thomas Gogny - Caisse des Dépôts - 2023
Les besoins et enjeux de l’habitat pour les séniors
Face au vieillissement de la population française, l’adaptation de l’offre de logement apparaît comme prioritaire. En effet, selon les chiffres de la DREES, la part des personnes de plus de 65 ans est passée de 17 % en 2012 à 21 % en 2024. Et les projections démographiques sont encore plus saisissantes : d’ici 2034, cette tranche d’âge représentera 25 % de la population, pour atteindre 28 % en 2054.
Dans ce contexte, l’enjeu, pour les territoires aussi bien urbains que ruraux, est de réduire la fracture qui se creuse et de garantir la qualité de vie des séniors dans leurs communes. D’où la nécessité de faire évoluer l’offre, notamment pour répondre aux besoins médico-sociaux des personnes âgées.
S’adapter à la perte d’autonomie des personnes âgées
Le parcours résidentiel des séniors doit par ailleurs s’adapter à l’évolution de leurs besoins, notamment en termes de perte d’autonomie. Pour évaluer leur degré de dépendance, un système de classification, GIR (Groupe Iso-Ressources), a été défini :
- GIR 1-2 : dépendance forte nécessitant une prise en charge en EHPAD ;
- GIR 3-4 : autonomie partielle permettant le maintien à domicile avec adaptations ;
- GIR 5-6 : autonomie satisfaisante permettant un habitat traditionnel avec aménagements légers.
En fonction de ce degré de dépendance, plusieurs types d’habitats et services peuvent répondre aux besoins des séniors.
- Le logement ordinaire : il s’agit d’un logement social attribué en priorité aux personnes en perte d’autonomie.
- L’habitat inclusif : des logements ordinaires ou logements-foyers intégrant une vie sociale et partagée.
- Le viager social : une solution favorisant le maintien à domicile, destinée aux propriétaires occupants à revenus modestes.
- Les services médico-sociaux : il s'agit du SAD (Service Autonomie à Domicile) comprenant une aide à domicile et/ou des soins, des plateformes de services ou accueils de jour, ou encore des CLIC (Centres Locaux d’Information et de Coordination gérontologique).
- Les établissements médico-sociaux : ils incluent les EHPAD, avec ou sans Pôles d’Activités et de Soins Adaptés (PASA), les petites unités de vie (PUV) de moins de 25 places, les résidences Autonomie (RA, anciennement appelées logements foyers), les MARPA (Maisons d’Accueil et Résidences pour l’Autonomie) et les USLD (Unités de Soins de Longue Durée, exception faite de la relève du sanitaire financée uniquement via PHARE).
Vivre ensemble autrement pour les séniors : focus sur l’habitat inclusif
À mi-chemin entre le logement individuel et l’établissement spécialisé, l’habitat inclusif représente une solution innovante, répondant aux besoins croissants des personnes âgées et en situation de handicap. Son développement connaît un essor remarquable, avec 95 départements engagés dans une telle démarche à fin 2022, soit près de 2 000 projets pour optimiser les conditions d’habitat de quelque 18 000 personnes.
Cette solution combine logements privatifs et espaces communs, favorisant la culture et la préservation de l’autonomie et de la vie sociale des habitants. Aussi, ces derniers sont impliqués dans un projet de vie partagée, tout en restant indépendants dans le choix de leurs services d’accompagnement. Ce dispositif est rendu plus accessible grâce à l’Aide à la Vie Partagée (AVP), un soutien individuel accordé aux occupants d’habitats inclusifs afin de financer leur « projet de vie sociale et partagée ». Le montant de cette aide peut atteindre 8 000 euros par habitant.
Les projets immobiliers relevant du logement social sont susceptibles d’être financés par un prêt de type PLS (Prêt Locatif social), PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) ou PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) pour les individus âgés et/ou en situation de handicap aux revenus les plus modestes.
Construction et réhabilitation d’établissement médico-social : un prérequis pour les territoires
Pour répondre aux nouveaux besoins liés au vieillissement et à la précarité de certains fragments de la population, les territoires doivent adapter leur offre d’hébergement social ou médico-social. Cette adaptation comporte un double enjeu :
- proposer des solutions diversifiées correspondant aux différents niveaux d’autonomie (GIR 1 à 6) ;
- faire face à des attentes croissantes en termes de qualité de vie.
À ce titre, les « résidences autonomie », majoritairement gérées par des structures publiques ou à but non lucratif, constituent une réponse adaptée pour les seniors autonomes ou en perte d’autonomie (GIR 3-6). Elles offrent des logements privatifs avec des espaces communs à loyer modéré, et sont situées à proximité des commerces et services essentiels.
Pour les personnes en forte perte d’autonomie (GIR 1-2), les EHPAD proposent un accompagnement global incluant soins médico-sociaux et aide quotidienne face à la dépendance. S’ils accueillent en moyenne entre 50 et 120 résidents, la tendance est au développement de petites unités de vie (moins de 25 places) afin de favoriser un accompagnement plus personnalisé.
Enfin, entre les logements autonomes et les établissements médico-sociaux, l’habitat inclusif s’inscrit comme une solution innovante pour répondre aux enjeux de fracture territoriale. C’est d’autant plus pertinent dans les zones rurales, où les seniors pâtissent davantage de leur situation d’isolement.
Un écosystème au service de l’habitat médico-social et des territoires
L’adaptation de l’habitat médico-social aux enjeux du vieillissement de la population repose sur un réseau d’acteurs complémentaires :
- la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA), qui pilote la branche Autonomie de la Sécurité sociale ;
- les Agences Régionales de Santé (ARS), qui collaborent avec la CNSA et les Conseils Départementaux (CD) pour déployer les politiques publiques en région ;
- CD, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) et des Maisons Départementales de l'Autonomie (MDA), qui jouent un rôle d’accompagnement, d’information et de coordination ;
- la Banque des Territoires, qui soutient le financement et la mise en place des projets.
Les collectivités comme moteur de projets innovants
À travers des appels à projets et à manifestation d’intérêt, les collectivités territoriales apportent leur pierre à l’édifice de l’adaptation des habitats. Cette dynamique collective permet d’imaginer et de concrétiser des solutions adaptées aux différents besoins et spécificités de chaque public, mais aussi, et surtout, de chaque territoire.
Les dispositifs de financement pour l’habitat séniors
En France, différents organismes et dispositifs proposent plusieurs solutions de financement pour soutenir l’habitat des séniors. Parmi celles-ci :
- MaPrimeAdapt’, la principale aide de l’État pour l’adaptation des logements à la perte d’autonomie et de mobilité ;
- l’aide « Habiter Facile » de l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) destinée à l’amélioration de l’habitat des propriétaires de plus de 60 ans ;
- les Aides Personnalisées au Logement et Allocations de Logement Social (APL et ALS) pour les séniors en résidence ;
- les aides à la pierre (prêts PLS, PLUS, PLAI), pour les projets relevant du logement social ;
- l’Aide à la Vie Partagée (AVP) pour favoriser l’habitat inclusif ;
- les financements de la Banque des Territoires.
Des actions et investissements pour soutenir le maintien à domicile
Le soutien au maintien à domicile s’organise autour de deux axes complémentaires : l’accompagnement médico-social et les solutions de financement innovantes.
Parmi les solutions mises en place, les Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) constituent un pilier essentiel de ce dispositif. Entièrement pris en charge par l’Assurance maladie, ils interviennent sur prescription médicale pour soigner les séniors de plus de 60 ans.
En parallèle, des solutions financières innovantes émergent, à l’instar du viager solidaire porté par des structures telles que la SCIC Les 3 Colonnes. Cette foncière solidaire est soutenue par la Banque des Territoires et plusieurs autres investisseurs institutionnels. Elle permet aux personnes âgées et en situation précaire de rester chez elles, tout en bénéficiant de ressources complémentaires.
La SCIC Les 3 Colonnes, un exemple à suivre
Parmi les personnes âgées propriétaires de leur domicile, certaines souhaitent y rester le plus longtemps possible… mais n’ont pas forcément des revenus suffisamment élevés pour cela. La vente en viager peut représenter pour elles une source de revenu complémentaire. Le principe : l’acheteur verse à la personne âgée propriétaire un capital initial (bouquet), puis une rente jusqu’à son décès – lui assurant ainsi des conditions de vie confortables.
Dans certains cas, les achats sont réalisés par des opérateurs sociaux qui utilisent l’ensemble des bénéfices générés pour améliorer la qualité de vie des propriétaires séniors via divers services. On parle de viager solidaire. Et c’est pour soutenir le développement de ces initiatives que début 2024, la Banque des Territoires a lancé le Prêt Viager Social. La SCIC Les 3 Colonnes a été la première à en bénéficier.
Les quatre premières opérations, localisées à Villeurbanne, Sainte-Foy-lès-Lyon et Rueil-Malmaison, démontrent la viabilité du modèle. Pour un coût moyen de 156 000 euros par opération, les propriétaires (des personnes âgées) reçoivent un bouquet initial de 83 000 euros, et une rente annuelle de 4 400 euros.
Ce dispositif innovant, qui combine financement bancaire – à hauteur de 100 000 euros en moyenne – et accompagnement social, suscite déjà l’intérêt d’autres opérateurs sociaux et collectivités territoriales à l’échelle nationale.
Questions fréquentes
Quelles sont les aides financières disponibles pour les établissements de santé, médico-social et séniors ?
La Banque des Territoires finance principalement la construction, la réhabilitation et le développement des établissements et des services.
Les Agences Régionales de Santé (ARS), les Conseils Départementaux (CD), les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et autres acteurs des territoires mettent également des ressources humaines et financières à disposition (Aide à la Vie Partagée, Prêt Locatif Aidé d’Intégration, etc.).
Quels sont les rôles et les compétences du conseil départemental dans le financement des établissements de santé, médico-social et séniors ?
Le conseil départemental gère notamment l’octroi des aides telles que l’ASH, l’APA et l’Aide à la Vie Partagée pour les habitats inclusifs. En parallèle, il travaille avec l’ARS pour le financement et la gestion des autorisations d’ouverture des établissements. Enfin, il est impliqué dans le développement de l’offre sur son territoire à travers le lancement d’appels à projets et la coordination des différents acteurs locaux.
Il est également susceptible d’intervenir en tant que délégataire des aides à la pierre, notamment pour octroyer des agréments PLS, PLUS et PLAI, et/ou en tant que garant des prêts octroyés par la Banque des Territoires pour financer ses projets immobiliers sur son territoire.
Quels sont les dispositifs de financement immobilier spécifiques aux personnes âgées ?
La Banque des Territoires propose trois dispositifs majeurs pour l’habitat des seniors.
#1 Une gamme de prêts
Ces derniers sont destinés à financer les opérations immobilières mobilisables dans le cadre des projets d’habitat social pour personnes âgées.
- Les prêts PLS, PLUS, PLAI et PHARE financent par exemple la construction d’EHPAD, de résidences autonomie ou d’habitat inclusif sur 40 ans.
- Les prêts PAM, Eco-prêt et PHARE financent les opérations de réhabilitation.
Notez qu’il existe aussi le Prêt Viager Social, lancé en 2024. Il soutient l’acquisition en viager des logements de propriétaires âgés à revenus modestes.
#2 Des solutions d’investissement
Celles-ci sont destinées à l’investissement dans des structures qui offrent d’autres formes d’habitat et/ou de services ou de santé à destination des personnes âgées : des SCI, d’autres sociétés proposant de l’habitat ou des services comme les résidences services Séniors, etc.
#3 D’autres services complémentaires
Ils sont variés – étudiez-les plus en détail. Il s’agit par exemple :
- de crédits d’ingénierie ;
- de services bancaires ou de consignation ;
- de la mobilisation de filiales comme CDC Habitat pour assurer la Maîtrise d’ouvrage, etc.
Pour en savoir plus, contactez vos interlocuteurs régionaux à la Banque des Territoires !
Quels sont les critères de financement spécifiques pour les établissements proposant des unités sanitaires et/ou médico-sociales dédiées aux personnes âgées ?
La création d’unités sanitaires et médico-sociales pour personnes âgées nécessite l’autorisation de l’ARS et, selon les cas, du conseil départemental. Le projet doit répondre à des normes de sécurité et des standards précis, démontrer sa pertinence face aux besoins du territoire, et présenter un modèle économique viable prenant en compte les différents niveaux de dépendance (GIR) ainsi que la qualité des soins proposés.
La Banque des Territoires finance des unités de soins de longue durée (USLD) via des prêts de type PHARE, ainsi que des services de soins hospitaliers (par exemple gériatriques) ou des Maisons de santé via son prêt Cohésion sociale.