Grand âge : Aurore Bergé s'engage à "faire aboutir" une loi de programmation
A la veille de la reprise des débats sur le sujet au Parlement, la ministre des Solidarités dévoilait ce 17 novembre sa stratégie interministérielle sur le bien vieillir, dont elle appelle à "suivre" la mise en œuvre dans le cadre d'un comité interministériel. Si beaucoup de chantiers évoqués sont déjà connus, Aurore Bergé annonce la création prochaine d'une "délégation interministérielle aux métiers du social, du médico-social et du soin" et déclare vouloir acter la fin de la tarification à l'heure des services d'aide à domicile.
En avril dernier, le gouvernement annonçait, par la voix de son ministre des Solidarités de l'époque, Jean-Christophe Combe, une réforme du grand âge, après avoir reçu les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au "Bien vieillir" (voir notre article). Et l'Assemblée nationale entamait, quelques jours plus tard, l'examen de la proposition de loi (PPL) sur ce sujet, validant notamment le principe d'une loi de programmation pluriannuelle sur les politiques dédiées au grand âge (voir notre article).
Sept mois plus tard, et alors que la PPL fait son retour à l'Assemblée ce lundi 20 novembre, la ministre des Solidarités Aurore Bergé a déclaré avoir "entendu la demande des parlementaires et des acteurs du grand âge". "Vous avez raison : une loi de programmation du grand âge est nécessaire", a-t-elle affirmé ce 17 novembre lors de la présentation de la stratégie interministérielle du gouvernement sur le bien vieillir. La ministre s'est engagée à "faire aboutir" cette loi de programmation afin de définir "les nouveaux besoins liés au vieillissement de notre population à l’horizon 2030", la manière de "financer" ces besoins et la "trajectoire" souhaitable.
La ministre indique aussi qu'elle sollicitera auprès de la Première ministre la tenue régulière d'un comité interministériel dédié au suivi de la stratégie bien vieillir. En outre, Aurore Bergé entend réunir "prochainement l'ensemble des associations de collectivités" pour "faire avancer" et "enrichir" cette feuille de route.
L'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) a réagi, par communiqué, pour saluer la promesse de la ministre de "passer à la vitesse supérieure" sur le grand âge. L'association d'élus regrette toutefois "l'absence d'un vrai plan de financement" et demande au gouvernement de fixer "un calendrier législatif clair".
Attractivité des métiers : une délégation interministérielle
La stratégie gouvernementale comporte quatre axes : "prendre en compte de nouveaux besoins et reconnaître la place des seniors", "donner le choix de vieillir où l’on souhaite", "accompagner les solidarités entre générations" et "garantir les droits et la participation des citoyens âgés".
Sur l'épineux sujet de la pénurie de professionnels, Aurore Bergé annonce la création prochaine d'une "délégation interministérielle aux métiers du social, du médico-social et du soin" pour "coordonner [les] réponses [du gouvernement] sur l’attractivité et les conditions de travail" dans ces différents champs (sanitaire, social et médico-social). La mission de cette future délégation : être un "interlocuteur clairement identifié" sur ces questions et "traiter de façon transversale" les sujets de qualité de vie au travail et de revalorisation des professionnels.
La ministre déclare également vouloir "simplifier" et "améliorer le contenu" des formations initiales et continues, avec notamment "le travail engagé dans la création d’un nouveau métier d’accompagnant autonomie".
Sur le recrutement en Ehpad, la ministre des Solidarités indique lancer ce jour un protocole d'accord entre l'Etat et les trois fédérations employeurs d'Ehpad, la Fehap (privé non lucratif), la FHF (public) et le Synerpa (privé lucratif) "pour parvenir ensemble au recrutement des 50.000 professionnels en Ehpad à horizon 2030" – promesse du président de la République.
Financement des Ehpad : "respecter le libre choix des départements"
Concernant la viabilité des Ehpad et des services d'aide à domicile, Aurore Bergé insiste sur les "réponses structurelles" à apporter, au-delà des aides d'urgence. La possibilité laissée aux départements volontaires, à partir de 2024, de fusionner les sections "soins" et "dépendance" des Ehpad est la "première étape" de la transformation du modèle économique des Ehpad. La ministre déclare vouloir "[respecter] le libre choix des départements", alors que des sénateurs pointaient récemment le risque de l'émergence d'un système "à deux vitesses" (voir notre article).
"Nous devons sortir enfin et de manière définitive dans les prochains mois de la logique de la tarification à l’heure qui mine les aides à domicile", affirme Aurore Bergé. L'objectif serait de "simplifier" le financement des services et de "valoriser les temps dits invisibles". L'ancienne députée des Yvelines dit vouloir "ancrer dans la loi" cet objectif et "lancer immédiatement après" des travaux sur la tarification avec les départements. Elle l'avait d'ailleurs laissé entendre en s'exprimant une semaine plus tôt lors des Assises nationale de Départements de France : "On sait que la tarification à l'heure a été délétère. Pourquoi ne pas expérimenter des dotations forfaitaires avec les départements volontaires"; avait-elle suggéré.
"Près d'une vingtaine de ministères" impliqués
La stratégie présentée a vocation à démontrer l'approche interministérielle – "près d'une vingtaine de ministères" seraient impliqués – et "sociétale" du gouvernement sur le vieillissement, au-delà d’une "logique strictement sanitaire ou médico-sociale". Présents ce jour au ministère des Solidarités ou s'exprimant par messages vidéo, plusieurs ministres et secrétaires d'Etat ont mis en avant la prise en compte des personnes âgées dans leur politique : Sylvie Retailleau en matière de recherche et d'innovation (plan France 2030), Clément Beaune sur les transports et notamment la mise en accessibilité des gares, Prisca Thevenot sur le service civique solidarité seniors (qui a un site dédié), Amélie Oudéa-Castéra sur les maisons sport-santé et le sport sur ordonnance, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo sur la santé et la prévention, Sabrina Agresti-Roubache sur la prise en compte des personnes âgées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – et, par exemple, un "grand plan ascenseurs" dans le logement social –, Christophe Béchu sur l'adaptation des logements. Doté de 1,5 milliard d'euros jusqu'à la fin du quinquennat, le dispositif Ma Prime Adapt' sera lancé début 2024, avec un ciblage des plus de 70 ans qui seront invités à réaliser un diagnostic de leur logement.
Le gouvernement met par ailleurs en avant l'adaptation des services publics, avec le futur guichet unique du Service public départemental de l'autonomie (SPDA) et les démarches d'"aller vers" avec les maisons et bus France services.
Aurore Bergé cite par ailleurs la nouvelle stratégie visant à soutenir les aidants (voir notre article), le plan de contrôle des Ehpad, les évolutions à venir, dans le cadre de la PPL, sur la prévention et le traitement des situations de maltraitance (voir notre article) et assure vouloir soutenir les associations et centres sociaux actives auprès des personnes âgées, qui luttent en particulier contre l'isolement social. Aurore Bergé et Agnès Firmin Le Bodo se sont d'ailleurs vu remettre, en début de semaine, le rapport de Laurent Frémont sur le droit de visite en Ehpad (voir notre article et notre encadré ci-dessous).
La ministre des Solidarités appelle enfin à "mieux structurer l’écosystème du bien vieillir" et à "accélérer la modernisation du secteur du grand âge", évoquant le lancement prochain d'une mission à ce sujet.
Remis officiellement le 14 novembre 2023, le rapport de Laurent Frémont, intitulé "Liens entravés, adieux interdits – Droit de recevoir ses proches, droit de visiter les siens", appelle à "tirer les leçons" de la crise sanitaire, notamment en matière de "surenchère protocolaire". Et à inscrire dans la loi le droit de visite des proches résidant en Ehpad. L'auteur plaide aussi pour le rétablissement d'une "alliance" entre proches et institutions, pour la mise en place d’une journée annuelle d’information sur les droits et recours, pour la facilitation des recours extérieurs et le développement des connaissances en matière d’éthique et de soins palliatifs. |