Bien-vieillir : une proposition de loi jugée insuffisante mais enrichie par les députés
Conférences nationale et territoriale de l’autonomie, service public départemental de l’autonomie, loi de programmation pluriannuelle, instance de recueil et traitement des alertes de maltraitance… plusieurs dispositions nouvelles ont été adoptées cette semaine à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen de la proposition de loi "Bien-vieillir". Jugé insuffisant, le texte qui devait être traité en trois jours a finalement donné lieu à des amendements en nombre et à des débats qui n’ont pas permis aux députés d’achever l’examen. Ce dernier devrait être "réinscrit rapidement" à l’ordre du jour, promet le ministre des Solidarités.
Démarré le 11 avril 2023 en séance à l’Assemblée nationale, l’examen de la proposition de loi (PPL) "portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France" n’est pas parvenu à son terme cette semaine. Dans la nuit du 13 au 14 avril, le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, s’est engagé à "réinscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée rapidement la suite" de l’examen du texte, alors que commence ce jour une pause parlementaire de deux semaines.
Ce début d’examen aura été marqué par des critiques dénonçant un manque d’ambition de la PPL, dans les rangs des oppositions mais également de la majorité. La députée Monique Iborra (Renaissance, Haute-Garonne) a ainsi expliqué sur Twitter qu’elle avait renoncé à son rôle de co-rapporteure de cette PPL, "considérant que celle-ci n’allait pas assez loin" et "ne voulant pas gêner [ses] collègues". Ce qui est proposé par le gouvernement n’est pas une réforme "mais une adaptation de ce qui existe aujourd’hui et qui n’est pas satisfaisant", a-t-elle encore commenté le 8 avril, suite aux orientations données par Jean-Christophe Combe (voir notre article).
Une loi de programmation pluriannuelle votée dès 2023 puis tous les cinq ans
Les débats suscités par plus de 1.300 amendements déposés auront en tout cas permis d’enrichir le texte initial, notamment sous l’impulsion de Jérôme Guedj (socialiste, Essonne), lui-même auteur d’une PPL conséquente (166 articles) "visant à garantir le droit à vieillir dans la dignité et à préparer la société au vieillissement de sa population". Réclamé notamment par le secteur non-lucratif (voir notre article), le principe d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge a été retenu par les députés, qui ont adopté l’amendement de Jérôme Guedj soutenu par des amendements identiques d’autres groupes dont Renaissance. "Avant le 1er septembre 2023, puis tous les cinq ans", cette loi de programmation "détermine la trajectoire des finances publiques en matière d’autonomie des personnes âgées, pour une période minimale de cinq ans", définit les objectifs de financement en matière de domicile, d’établissement et de recrutement des professionnels, "ainsi que les moyens mis en œuvre par l’État pour atteindre ces objectifs", selon l’article.
Inscription du service public départemental de l’autonomie
Ce dernier fait donc écho à l’article 1 de la PPL qui prévoit qu’"une conférence nationale de l’autonomie", dont la composition sera définie par décret, "assure le pilotage national de la politique de prévention de la perte d’autonomie". La création d’un service public départemental de l’autonomie (SPDA) a été également actée, par l’adoption d’un amendement gouvernemental s’appuyant sur le rapport préparatoire de Dominique Libault publié en mars 2022 (voir notre article).
Piloté par le département ou la collectivité exerçant les compétences des départements, ce SPDA "facilite les démarches des personnes âgées, des personnes handicapées et des proches aidants", en assurant la coordination des services et la continuité des parcours. Il est "assuré conjointement" par plusieurs acteurs : départements et autres collectivités, agences régionales de santé (ARS), rectorats d’académie, service public de l’emploi, établissements et services, communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et maisons France services. Sur la base d’un cahier des charges national, ces acteurs fixent leurs objectifs, leur programmation et se coordonnent dans le cadre d’une conférence territoriale de l’autonomie. La présidence de cette dernière est assurée par le président du conseil départemental – ou de la collectivité exerçant les compétences – et la vice-présidence par le directeur général de l’ARS.
Des mesures "pas forcément" très coûteuses mais utiles, pour le ministre
Issue d’un amendement des députés de la majorité, une nouvelle obligation est votée pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics autonomes : celle de se regrouper dans un nouveau type de groupement appelé groupement territorial social et médico-social (GTSMS). L’enjeu est de lutter contre "une certaine atomisation" de l’offre des Ehpad publics – contrairement à une offre privée plus concentrée –, de les renforcer par davantage de mutualisations et de "contribuer à assurer la pérennité de services publics accessibles et coordonnés dans chaque territoire", selon l’exposé de l’amendement.
Parmi les autres dispositions adoptées cette semaine : l’institution d'une instance territoriale de recueil et de traitement des alertes de maltraitance, la création d'ici 2025 d'une carte professionnelle – "soumise à l’obtention préalable d’une certification professionnelle" – pour les intervenants à domicile, l’installation d’un statut de curateur ou tuteur de remplacement pour éviter qu’une personne protégée ne se retrouve seule en cas de décès de son tuteur ou encore l’instauration "d’un programme de dépistage précoce et de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées d’au moins soixante ans" (le programme Icope).
Saluant la "qualité de l’enrichissement de cette proposition de loi", le ministre des Solidarités a estimé que, même si le texte n’implique "pas forcément des coûts extrêmement importants", il "lève des verrous qui vont permettre de développer des actions importantes au quotidien pour les personnes accompagnées et les professionnels".