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Gouvernement Borne : qui fait quoi ?

Les 17 décrets d'attributions des ministres du gouvernement Borne ont été publiés ce 2 juin au journal officiel. Manquent ceux des ministres délégués et secrétaires d'Etat. Le périmètre on ne peut plus large du ministère confié à Amélie de Montchalin est confirmé : environnement, transports, logement, urbanisme... et, donc, cohésion des territoires et collectivités locales. Pour le reste, les périmètres des ministères ont plus ou moins évolué avec, au passage, des intitulés traduisant certaines des priorités de l'exécutif. Passage en revue des fiches de poste des principaux interlocuteurs des collectivités.

  • Transition écologique et énergétique : des attributions XXL

Dans la nouvelle architecture gouvernementale, où la planification écologique est appelée à occuper une place centrale (lire notre article) Amélie de Montchalin, à la Transition écologique et à la Cohésion des territoires, et Agnès Pannier-Runacher, à la Transition énergétique, se partagent les attributions de Barbara Pompili, ancienne ministre de la Transition écologique, mais aussi de Jean-Baptiste Djebbari, ancien ministre chargé des transports et Bérangère Abba, qui était secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité. Sans oublier celles d'Emmanuelle Wargon, précédemment ministre chargée du logement auprès de Barbara Pompili.

Selon le décret paru ce 2 juin, Amélie de Montchalin "prépare et met en œuvre la politique du gouvernement dans les domaines du développement durable, de la cohésion des territoires, de la lutte contre les inégalités territoriales, notamment dans les quartiers populaires des zones urbaines et les territoires ruraux, de l'environnement, notamment de la protection de la nature et de la biodiversité, de la prévention des risques naturels et technologiques, de la sécurité industrielle, des transports et de leurs infrastructures, de l'équipement et du logement, de l'urbanisme, de la ville, de l'aménagement et de la lutte contre l'étalement urbain".

Pour le seul champ de la transition écologique, et en l'absence de ministres délégués ou de secrétaires d'Etat, son périmètre est déjà très vaste.

Au titre du développement durable, elle "contribue au développement de la participation du public aux projets et aux décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, à l'amélioration de la qualité de la vie et au développement de l'éducation, de la formation et de l'information des citoyens en matière d'environnement" et "élabore, anime et coordonne la politique de l'eau et de la protection de la biodiversité" mais "participe" simplement à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique conduite par le Premier ministre en matière de gestion durable des ressources maritimes, de protection de l'environnement et des milieux marins, de gestion intégrée des zones côtières et de domaine public maritime, notamment.

En matière d'environnement, la nouvelle ministre est sans surprise chargée de la protection de la nature, des paysages et des sites ainsi que de la montagne et du littoral, de la qualité de l'air, de la police et la gestion de la chasse et de la pêche en eau douce, de la police des installations classées et de l'exploitation des carrières ("en lien avec les ministres intéressés"), de la politique de réduction et de traitement des déchets (comprenant la lutte contre le gaspillage alimentaire et la transition vers une économie circulaire), de la protection, de la gestion et la police des eaux. Elle participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique conduite par le Premier ministre en matière d'aires marines protégées dans l'ensemble des espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction française, "en lien avec les ministres intéressés", de même qu'à la politique de réduction des nuisances sonores, à la détermination de la politique d'aménagement du littoral, de l'espace rural et de la forêt, à celle de la politique de la santé ("en tant que cette dernière est liée à l'environnement") et assure la coordination des actions de prévention des risques majeurs d'origine technologique ou naturelle.

"En lien avec les ministres intéressés", la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires prépare et met en œuvre la politique du gouvernement en matière d'adaptation au changement climatique dans les matières qui relèvent de ses attributions et elle est associée par la ministre de la Transition énergétique à l'élaboration de la politique de l'énergie, "afin, notamment, d'assurer la lutte contre le changement climatique et de promouvoir la transition énergétique, en particulier grâce à la rénovation et la performance énergétique des bâtiments", précise le texte.

Dans le domaine des transports et de leurs infrastructures, elle exerce, notamment, les attributions relatives aux transports ferroviaires, guidés et routiers, aux voies navigables, aux mobilités routières, à la gestion du réseau routier national et élabore la politique d'intermodalité en veillant, en particulier, au développement des plates-formes multimodales ferroviaires et fluviales, précise le texte. Elle participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique conduite par le Premier ministre en matière de ports et de transports maritimes, notamment, et veille, dans le même cadre, à la cohérence des politiques et des actions menées en matière d'équipement logistique et de desserte des ports maritimes. L'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de sécurité et de sûreté des infrastructures routières lui incombe également, en lien avec la ministre de la Transition énergétique. Elle coordonne aussi les politiques de transport de marchandises et de logistique et assure le suivi des plans d'action interministériels qui y sont définis. En outre, elle "élabore et met en œuvre la politique d'accessibilité des transports dans le but de promouvoir le droit à la mobilité, en lien avec le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées".

Au titre de l'équipement, elle a en charge, en lien avec le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, les questions économiques de ce secteur, ainsi que de celles du bâtiment et des travaux publics et de l'ingénierie. Elle élabore et met en œuvre la politique d'équipement routier et autoroutier.

En l'absence de ministère dédié au logement, Amélie de Montchalin "prépare et met en œuvre" la politique du gouvernement dans le domaine du logement et de la construction ainsi que dans celui de la lutte contre la précarité et l'exclusion. Elle est chargée des politiques menées en faveur de la qualité du logement et de l'habitat, notamment en ce qui concerne, avec l'appui de la ministre de la Transition énergétique, les règles relatives à l'efficacité énergétique et à la performance environnementale de l'habitat neuf ou rénové, et, en lien avec le ministre des Solidarités et de la Santé, les règles relatives à la lutte contre l'habitat indigne et à l'adaptation du logement au vieillissement. Il lui appartient aussi de définir la politique de renouvellement urbain. Elle exerce, "en particulier", les attributions suivantes : élaboration des règles relatives au logement social, à l'accès au logement, aux relations locatives, aux aides au logement, à la réhabilitation de l'habitat et suivi de leur mise en œuvre ; politiques menées en faveur de la qualité du logement et de l'habitat ; politique de réhabilitation et d'amélioration de l'habitat ; élaboration et mise en œuvre de la politique en faveur du logement et de l'hébergement des populations en situation d'exclusion ; participation à l'élaboration de la législation fiscale et financière en matière de logement et de construction. En lien avec le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, elle est aussi chargée de la mobilisation du foncier public au profit de la construction de logements et elle est associée à l'amélioration de la qualité des bâtiments publics.

Elle "élabore les règles relatives à l'urbanisme opérationnel et à la planification urbaine ainsi qu'à l'occupation du sol et veille à leur application", "participe à l'élaboration de la législation de l'expropriation et en suit l'application" et "suit l'application de la législation fiscale et financière en matière d'urbanisme et d'aménagement".

Au titre de la politique de la ville – qui disposait d'une ministre déléguée dans le gouvernement Castex – Amélie de Montchalin "prépare et met en œuvre la politique relative aux quartiers défavorisés", "conduit la politique de réhabilitation et d'amélioration de l'habitat dans ces quartiers", "participe à la définition du programme d'insertion des publics fragiles dans ces quartiers, notamment à travers la formation professionnelle et l'activité économique". Elle est associée à la définition des politiques éducatives conduites dans les quartiers défavorisés "afin d'agir sur la mixité sociale en combinant l'amélioration du cadre de vie avec la qualité de l'offre scolaire". Elle est également associée à la politique du gouvernement en matière d'intégration et de lutte contre les discriminations dans le domaine de la ville et peut présider, par délégation du Premier ministre, le comité interministériel des villes.

La ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires partage l'autorité conjointement avec le ministre de la transition énergétique, sur le secrétariat général, conjointement avec le ministre de la transition énergétique et le Premier ministre, sur le commissariat général au développement durable et conjointement avec le ministre de la transition énergétique, sur la direction générale de l'énergie et du climat pour l'exercice des compétences relatives à l'adaptation au changement climatique, à la qualité de l'air et la réglementation technique des véhicules. Sans avoir d'autorité directe sur elles, la ministre peut aussi faire appel à une vingtaine de structures administratives.

De son côté, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, définit et met en oeuvre "la politique de l'énergie, afin, notamment, d'assurer la sécurité d'approvisionnement et l'accès à l'énergie, de lutter contre le changement climatique et de promouvoir la transition énergétique", selon le décret relatif à ses attributions paru ce 1er juin. Dans le détail, elle "prépare et met en oeuvre la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre" et "promeut une gestion durable des ressources rares en matière minière".

Agnès Pannier-Runacher est aussi "compétente" en matière de développement des énergies durables et de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, de développement de la production et des usages de l'hydrogène mais aussi de "décarbonation et d'électrification du secteur des transports routiers, en particulier, de conversion du parc automobile et de développement des infrastructures de recharge des véhicules électriques", de  "promotion de l'efficacité énergétique, notamment, conjointement avec le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, de rénovation et de performances énergétiques des bâtiments", de  lutte contre la précarité énergétique, de carburants et de tarifs de l'énergie. Elle est également chargée de définir et mettre en œuvre la politique de gestion des déchets et des matières radioactifs, ainsi que les actions de politique industrielle, de recherche et d'innovation concernant le secteur de l'énergie.

  • Les collectivités, entre la rue de Varenne et la place Beauvau

Ce tentaculaire ministère d'Amélie de Montchalin sera bien aussi celui des collectivités locales. Mais "en garde partagée" avec le ministère de l'Intérieur, comme l'avait formulé le ministre délégué en charge des collectivités, Christophe Béchu – qui, lui, n'a pas encore son décret d'attributions, pas plus que les autres ministres délégués et les secrétaires d'Etat – le 20 mai lors de la passation de pouvoirs à l'Hôtel de Castries (voir notre article du 22 mai "Un nouveau trio pour les collectivités").

Comme l'indique l'intitulé de son portefeuille, c'est d'abord par le prisme de la "cohésion des territoires" qu'Amélie de Montchalin devra s'intéresser aux collectivités. En cela, on reste dans la même lignée que le ministère qui avait été dessiné pour Jacqueline Gourault. Le décret évoque à ce titre entre autres "les initiatives en faveur de la cohésion économique et sociale des territoires, de leur attractivité et du développement économique et commercial", les "politiques d'innovation ainsi que de soutien à l'investissement", la "transition numérique des territoires" (même si le gros du numérique est à Bercy)… tout ceci devant, donc, contribuer à "la lutte contre les inégalités territoriales". En notant que les enjeux propres aux territoires ruraux sont en partie partagés avec le ministère de l'Agriculture (voir plus loin).

Sur les relations avec les collectivités et la décentralisation, la fiche de poste est classique. Avec, toutefois, un niveau de détail laissant apercevoir quelques sujets d'actualité. Il est question de "renforcement des responsabilités locales", de finances locales et de "solidarité financière", d'"outils contractuels d'aménagement du territoire", d'"implantation des administrations et des services publics", de fonds structurels (conjointement avec le ministre de l'Europe)… mais aussi d'items plus spécifiques tels que le "développement des métropoles" et de la "région capitale" (avec la cotutelle de la Société du Grand Paris).

Quant au décret d'attribution de Gérald Darmanin en tant que ministre de l'Intérieur, il dit peu ou prou la même chose, en plus condensé. Les deux ministres devront donc bien agir "conjointement". Y compris en matière de finances locales. Le 20 mai, Gérald Darmanin avait évoqué le retour de la direction générale des collectivités locales (DGCL) dans son giron, alors que cette direction était officiellement rattachée à la Cohésion des territoires depuis 2018 (mais restée géographiquement reliée à la place Beauvau). Au final, le décret parle d'une autorité conjointe avec Amélie de Montchalin. On relèvera par ailleurs que l'Intérieur aura un droit de regard sur les sujets touchant à la fonction publique territoriale, cette fois en lien, naturellement, avec Stanislas Guerini.

  • Transformation et Fonction publiques : un périmètre quasi-inchangé

Nouveau ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, hérite de l'ensemble des attributions dont disposait Amélie de Montchalin dans le gouvernement de Jean Castex. Sa mission est de "préparer et mettre en œuvre, en lien avec les ministres intéressés, la politique du gouvernement en matière de modernisation de l'action publique et de fonction publique", dit le décret d'attributions le concernant.

En matière de modernisation de l'action publique, le locataire de la rue de Grenelle doit impulser la "politique de transformation de l'Etat". C'est ainsi qu'il "promeut les actions propres à accélérer la transformation numérique de l'Etat". Dans ce cadre, il "suit le développement et l'amélioration des usages et services numériques ainsi que la politique d'ouverture et de circulation des données". Il assume cette mission en tenant compte des attributions du ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire. Il sert aussi de pilote sur des dossiers comme la qualité des services publics et la modernisation de la gestion budgétaire et comptable publique. A noter encore : il assume un rôle de coordination des "mesures de simplification des procédures et d'allègement des contraintes administratives" et des "initiatives favorisant l'accès des usagers aux services publics".

En tant que ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini exerce "les attributions définies par le code général de la fonction publique pour ce qui relève des dispositions communes à l'ensemble de la fonction publique et de celles spécifiques à la fonction publique de l'Etat." En outre, il "conduit la politique de rénovation de la gestion des ressources humaines dans les administrations publiques".

Autre responsabilité importante qui échoit au ministre : "la politique des rémunérations, des pensions et des retraites dans la fonction publique". Il a autorité pour "conduire" cette politique, à laquelle il doit toutefois "associer" le ministre de l'Economie. On sait qu'avec l'engagement pris par l'exécutif de relever "d'ici l'été" le point d'indice de la fonction publique, ce dossier est l'un des tout premiers de Stanislas Guerini.

Parmi les missions du ministre qui sont mises en exergue dans le décret sur ses attributions figurent aussi "l'égalité des carrières professionnelles et des rémunérations", "la mixité des métiers" et "la mixité sociale dans la fonction publique". Il n'y a là rien de nouveau, puisque ces priorités faisaient partie du portefeuille de l'ex-ministre, Amélie de Montchalin.

Seules de menues nouveautés se logent dans les attributions de son successeur, Stanislas Guerini. Comme la possibilité de "faire appel" à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), pour ce qui concerne les espaces "France services" et les conseillers numériques "France services".

  • Souveraineté industrielle, numérique et agricole

Apparue en grande force au moment de la crise du Covid, la "souveraineté" fait son entrée dans les portefeuilles ministériels. A Bercy, tout d’abord, puisque Bruno Le Maire devient ministre de l’Economie, des Finances et… de la Souveraineté industrielle et numérique. Exit donc le ministère de la "Relance" même si le ministre reste "responsable de sa bonne exécution". Et rue de Varenne, le nouveau ministre de l’Agriculture Marc Fesneau voit raccrochée à son portefeuille la "Souveraineté alimentaire". Quand la Fédération nationale des Safer tirait le signal d’alarme il y a quelques années sur ce sujet, personne n’y prêtait vraiment attention. Le contexte a bien changé. D’abord avec la crise sanitaire qui, au moment de la fermeture des frontières, a mis en lumière les vulnérabilités des filières agroalimentaires, et aujourd’hui avec la guerre en Ukraine et les pénuries qui se sont fait jour, notamment pour l’huile de tournesol.

Pour ce qui est de Bercy, il y aura fort à faire pour effacer le spectre de la vente de la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric qui a accompagné tout le précédent quinquennat (qui a-t-il de plus "souverain" que les turbines Arabelle équipant les réacteurs nucléaires ?) et de ces fleurons cédés souvent à bas prix ces dernières années. Ainsi d’Alcatel vendu à Nokia alors qu’on cherche aujourd’hui à recréer un champion des télécommunications. Bruno Le Maire est compétent pour "la politique de croissance et de compétitivité de l'économie française, d'investissements directs étrangers, d'attractivité du territoire, de relocalisations et d'investissements d'avenir". Il s’appuiera sur le secrétaire général pour l’investissement Bruno Bonnell nommé en janvier pour mettre en œuvre le plan France 2030 dont le but est précisément de permettre à la France de reconquérir des "parts de souveraineté" d’ici à 2030. Notamment dans le domaine numérique. Comme l’a rappelé Bruno Bonnell, mercredi, devant le Cner, "l’essentiel des données scientifiques" passe aujourd’hui par des opérateurs américains. Chargé en outre de définir "les mesures propres à promouvoir la croissance et la compétitivité de l'économie française et à encourager et orienter l'investissement", Bruno Le Maire a d’ores et déjà annoncé, mardi dans Le Figaro, une nouvelle baisse de 7 milliards d’euros des impôts de production dans le prochain projet de loi de finances, cet automne, via la suppression de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises). Un engagement pris par Emmanuel Macron pendant sa campagne.

Dans ce mercato ministériel, on relèvera que le tourisme n’apparaît plus dans le champ du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères mais uniquement dans celui du ministre de l’Economie. Et si la ruralité avait réussi à obtenir un secrétariat d’Etat de plein exercice, elle relève pour le moment de la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Amélie de Montchalin, au profil moins rural que Joël Giraud. Ainsi, elle "définit et met en œuvre, en lien avec les ministres concernés, la politique en faveur du développement et de la mise en valeur des territoires et des espaces ruraux et de montagne". Un travail conduit avec Agnès Pannier-Runacher et Marc Fesneau pour ce qui relève de leurs compétences respectives. Ce dernier est ainsi chargé "du développement et de la mise en valeur agricoles et forestiers des territoires et des espaces ruraux, notamment dans le cadre de la préparation et de la mise en œuvre de la feuille de route en faveur de la ruralité".

  • Lutte contre le séparatisme

Peu de changements à retenir dans les attributions du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin reconduit dans ses fonctions. En notant toutefois que la "lutte contre le séparatisme" fait son apparition en tant que telle. Ce qui englobe les questions de laïcité suivies jusqu’ici par l’ex-ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa. L’ancien maire de Tourcoing préside, par délégation du Premier ministre, le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) et a autorité sur le secrétariat général du CIPDR. Autre apparition dans son portefeuille : "l’intégration des étrangers en France".

  • Les ministères sociaux

Depuis le début du quinquennat Hollande, santé et solidarités ne faisaient qu'un au sein d'un même ministère, avec un nombre variable de ministres délégués ou secrétariats d'Etat. Dans le gouvernement Borne, place à deux ministres clairement identifiés.

Le Premier : le ministère des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, qui a été confié à Damien Abad. Pas de surprise dans les attributions. On a affaire à un ministère des "affaires sociales" comme on peut l'imaginer. Les têtes de chapitres : lutte contre la pauvreté ("minima sociaux, insertion sociale et innovation sociale"…), handicap, famille, petite enfance, personnes âgées et perte d'autonomie, professions sociales, une partie des branches de la sécurité sociale (famille et autonomie). On notera toutefois que le gouvernement compte par ailleurs une secrétaire d'Etat chargée de l'enfance, Charlotte Caubel, directement rattachée à Matignon, dont on ne sait pour l'heure pas grand chose quant à son périmètre d'intervention.

Le second : la ministre de la Santé et de la Prévention, en la personne de Brigitte Bourguignon (ex-ministre déléguée en charge de l'Autonomie). Là aussi, du très classique, mis à part l'accent mis sur la dimension prévention : "santé publique et organisation du système de santé", "promotion de la santé", "organisation des soins et accès aux soins pour tous", " politique de lutte contre les inégalités de santé"… Avec en toute logique autorité sur la direction générale de la santé et la direction générale de l'offre de soins.

  • Plein emploi

Un vent d’optimisme souffle sur la rue de Grenelle : l’intitulé du ministère du Travail se voit désormais attribuer le "Plein emploi", en plus de l’Insertion. Olivier Dussopt, qui succède à Elisabeth Borne à ce poste, devra s’atteler à l’une des promesses de campagne du chef de l’Etat réélu. Un véritable défi : conforter la baisse du chômage alors que la situation économique s’assombrit. Autre détail qui a son importance, il est chargé de "l'insertion professionnelle et économique". En filigrane, on peut notamment y voir la volonté du chef de l’Etat de demander aux allocataires du Revenu de solidarité active (RSA) de réaliser entre 15 et 20 heures d'activité par semaine. L’ancien président de l’Association des petites villes de France (APVF) devient d’ailleurs explicitement "compétent" en matière de RSA. Mais le chantier le plus délicat du ministre est la réforme des retraites, l’une des mesures phares du programme du candidat Macron. Le discret ministre délégué aux Comptes publics de Jean Castex se voit ainsi propulsé sur le devant de la scène.

  • Éducation, avec la jeunesse et la vie associative en prime

Les attributions du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse demeurent quasiment inchangées par rapport à ce qu'elles étaient il y a cinq ans. La principale mission de Pap Ndiaye reste la mise en œuvre de la politique du gouvernement en faveur de l'accès de chacun aux savoirs et du développement de l'enseignement préélémentaire, élémentaire et secondaire. En outre, il veille, conjointement avec les autres ministres intéressés, au développement de l'éducation artistique, culturelle (en lien avec le ministère de la Culture) et sportive des enfants et des jeunes adultes tout au long de leurs cycles de formation. La référence au sport avait été introduite à l'occasion du remaniement de juillet 2020 qui avait vu la mise sous tutelle des Sports par l'Éducation nationale. Elle demeure ici pour marquer la continuité d'une politique engagée en faveur du sport à l'école à travers, notamment, l’opération "30 minutes d’activité physique quotidienne". Parmi les missions éducatives, on note encore l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement en faveur du développement et de la diffusion des usages du numérique. Toujours en matière d'enseignement, on suivra avec intérêt la nomination des secrétaires d'État pour savoir si l'éducation prioritaire bénéficiera, comme cela avait été le cas ces deux dernières années, et de manière inédite, d'un portefeuille distinct.

On remarque également que les secteurs de la jeunesse et de la vie associative, longtemps associés au ministère des Sports, demeurent finalement attachés à l'Éducation nationale. En revanche, il n'est fait aucune allusion à l'éducation populaire dans l'énoncé des missions. En matière de jeunesse, le ministère veillera particulièrement au développement de l'Agence du service civique et à la mise en œuvre du service national universel.

La séparation entre Éducation nationale et Sports appelle enfin des questions sur l'organisation de ces deux administrations récemment fusionnées, au niveau central comme déconcentré. Une première réponse est apportée par le décret d'attribution qui dispose que pour l'ensemble de ses attributions, le ministre de l'Éducation nationale a autorité, conjointement avec le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et le ministre des Sports, sur l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche.

  • Les Sports avec 2024 en ligne de mire

La feuille de route d'Amélie Oudéa-Castéra marque un tournant dans la politique sportive du gouvernement. La mission de la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques est en effet très marquée par le sport de haut niveau, au détriment d'autres actions traditionnelles du ministère.

Si elle est chargée d'élaborer et de mettre en œuvre la politique en faveur du développement de la pratique sportive, la ministre s'occupera également du haut niveau et de la haute performance – notions apparues en 2020 pour marquer l'attribution à la France de l'organisation des Jeux de 2024. Elle coordonnera en outre les actions menées dans ce domaine lorsqu'elles relèvent de plusieurs ministères, un renversement notable après le placement sous la tutelle du ministre de l'Éducation nationale de Roxana Maracineanu en 2020.

La feuille de route insiste encore sur le rôle que la ministre devra jouer dans les candidatures et l'accueil des grands événements sportifs. Une mission qui marque la montée en puissance de l'État en tant que promoteur de la destination France dans le domaine du sport et qui, quelques jours après le fiasco de l'organisation de la finale de la Ligue des champions de football, prend un sens politique aigu. Autre signe des temps : la ministre devra s'assurer de la mobilisation de la société autour de Paris 2024 et veiller à la valorisation de ses effets économiques, sociaux, environnementaux et culturels, ainsi que de son héritage.

Si les Jeux sont omniprésents dans la feuille de route, la tutelle sur les établissements publics sportifs nationaux (Insep, Musée national du sport, École nationale de voile et des sports nautiques et École nationale des sports de montagne) mentionnée en 2017 ne l'est plus aujourd'hui. En 2020, la ministre des Sports définissait encore les actions de protection physique et éthique des sportifs (lutte contre le dopage, le harcèlement, les paris truqués…). Ces compétences traditionnellement perçues comme "régaliennes" en matière de sport ont elles aussi disparu. Plus surprenant encore est l'effacement de toute mission visant spécifiquement la promotion du sport comme moyen de prévention en matière de santé alors que le quinquennat précédent avait été marqué par la labellisation de plus de 400 maisons du sport-santé.

  • Culture et architecture

Des attributions traditionnelles, aussi, pour Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, même si la première phrase du décret d'attributions pourra surprendre : la ministre a "pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l'humanité et d'abord de la France". Sont listés : protection du patrimoine culturel, soutien à la création et diffusion des œuvres d'art, développement des pratiques et des enseignements artistiques, éducation artistique et culturelle, industries culturelles et créatives, etc. Avec une petite attention spéciale pour les politiques culturelles locales : la ministre "encourage les initiatives culturelles locales, développe les liens entre les politiques culturelles de l'Etat et celles des collectivités territoriales et participe à ce titre à la définition et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans le domaine de la décentralisation". Et un rappel : c'est bien ce ministère qui est "responsable de la politique de l'architecture". Et qui, à ce titre, est "associé à la préparation des décisions relatives au montant global et à la répartition des aides apportées par l'Etat aux grandes opérations d'architecture et d'urbanisme des collectivités territoriales".