Un nouveau "trio" pour les collectivités locales
Le gouvernement d'Elisabeth Borne nommé vendredi en fin de journée compte 17 ministres, 6 ministres délégués et 4 secrétaires d'Etat. Le ministre délégué chargé des collectivités territoriales, Christophe Béchu, aura deux ministres de tutelle : Amélie de Montchalin, en tant que ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Gérald Darmanin, qui conserve le ministère de l'Intérieur et récupère la direction générale des collectivités locales (DGCL). Amélie de Montchalin sera bien en charge du logement et des transports.
Un mois après la réélection d'Emmanuel Macron, et à trois semaines des législatives, la France s'est enfin dotée vendredi 20 mai d'un nouveau gouvernement oscillant entre renouvellement et recyclage. Parmi les surprises égrenées en fin d'après-midi sur le perron de l'Elysée par le secrétaire général Alexis Kohler figurent l'arrivée au ministère de l'Education de Pap Ndiaye, historien qui dirigeait jusqu'à présent le musée de l'Histoire de l'immigration, l'entrée à la Culture de Rima Abdul Malak, jusque-là conseillère d'Emmanuel Macron, ou encore l'attribution du portefeuille de ministre des Affaires étrangères à la diplomate Catherine Colonna.
A l'image de la nomination lundi à Matignon d'Elisabeth Borne, le premier gouvernement du deuxième quinquennat Macron, qui comprend 14 hommes et 13 femmes, est aussi marqué par la reconduction de plusieurs figures de l'acte I. Certains conservent leurs portefeuilles : c'est le cas des poids-lourds Bruno Le Maire (Economie, finances et souveraineté industrielle et numérique), qui obtient le statut de numéro 2 du gouvernement, Gérald Darmanin (Intérieur) et Eric Dupond-Moretti (Justice). Clément Beaune reste pour sa part le Monsieur Europe et Franck Riester garde le Commerce extérieur.
Chaises musicales
L'essentiel du mouvement s'apparente comme souvent à un jeu de chaises musicales. C'est ainsi qu'Amélie de Montchalin (ex-Fonction publique) devient ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et qu'Agnès Pannier-Runacher (ex-Industrie) obtient le portefeuille de ministre de la Transition énergétique. Les deux femmes formeront avec Elisabeth Borne, directement chargée de la planification écologique et énergétique, le triumvirat "écolo" du gouvernement.
Sébastien Lecornu (ex-Outre-mer) décroche pour sa part les Armées en remplacement de Florence Parly. Marc Fesneau (ex-Relations avec le Parlement) ira à l'Agriculture, son prédécesseur Julien Denormandie ayant indiqué vouloir désormais se consacrer à sa famille. Brigitte Bourguigon (ex-Autonomie) prend du galon en allant à la Santé, tandis que le ministère du Travail échoit à Olivier Dussopt (ex-Budget), avec la réforme des retraites en toile de fond. Figure de la gestion de la crise Covid, Olivier Véran prend en charge les Relations avec le Parlement, tandis que Gabriel Attal va à Bercy aux Comptes publics. Olivia Grégoire lui succède au porte-parolat.
Parmi les entrants politiques, Damien Abad, ancien patron des députés LR et ancien président du département de l'Ain, qui a claqué cette semaine la porte de son parti, obtient un ministère des Solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, mais était potentiellement sur la selette depuis ce weekend. Proche d'Edouard Philippe, le maire d'Angers Christophe Béchu est nommé ministre délégué en charge des collectivités territoriales.
Quelques marcheurs historiques sont récompensés, au premier rang desquels le patron du parti Stanislas Guerini, promu ministre de la Transformation et de la fonction publiques, la présidente de la Commission des Lois de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, nommée aux Outre-mers, ou encore Amélie Oudéa-Castera, ancienne DG de la Fédération de tennis, qui accède aux Sports, un ministère qui retrouve son autonomie.
La présidente de l'Université Paris-Saclay Sylvie Retailleau prend la tête de l'Enseignement supérieur et la Recherche, et la magistrate Isabelle Rome sera chargée de l'égalité femmes-hommes.
Ce nouveau gouvernement, qui doit se réunir en Conseil des ministres ce lundi à 10h, mènera la bataille des législatives des 12 et 19 juin, qui pourrait donner lieu à une autre vague de nominations. Mais les ministres devront aussi se faire discrets, la période de réserve débutant précisément lundi. En sachant que selon une information Le Figaro confirmée par l'AFP, les 15 membres du gouvernement eux-mêmes candidats aux législatives devront démissionner en cas de défaite. L'Elysée maintiendrait ainsi une règle établie par Nicolas Sarkozy en 2007 et reprise par Emmanuel Macron en 2017, règle qui concernera notamment Elisabeth Borne, candidate dans la 6e circonscription du Calvados.
Deux ministres pour la TEE
Avec Amélie de Montchalin et Agnès Pannier-Runacher respectivement en charge de la transition écologique et énergétique, ce sont deux proches du président qui entoureront Elisabeth Borne, elle-même explicitement chargée, donc, de la planification écologique et énergétique. "La transition écologique, ça doit se décliner, se mettre en oeuvre dans toutes les politiques publiques", a insisté la Première ministre sur TF1 vendredi soir. Une architecture proposée par Emmanuel Macron entre les deux tours de la présidentielle, reprenant le concept de "planification écologique" mis en avant par Jean-Luc Mélenchon. Missions annoncées : "faire de la France la première grande nation à sortir du pétrole, du gaz et du charbon" et mener la "planification écologique territoriale". Et pour compléter cette architecture, Matignon a annoncé la création d'un "secrétariat général à la Planification écologique" auprès de la Première ministre, confié à Antoine Pellion, ancien conseiller écologie, transports, énergie, logement et agriculture de Jean Castex.
Agnès Pannier-Runacher a affiché lors de sa passation de pouvoirs son objectif "d'indépendance énergétique et industrielle" pour la France et son "ambition sans commune mesure" pour le développement des énergies renouvelables et pour la filière nucléaire. L'une des mesures qu'elle devra préparer, selon Elisabeth Borne, sera de créer une offre de location longue durée de voitures électriques à moins de 100 euros par mois. La première chose que les industriels lui demandent : accélérer la délivrance des permis d'installation de projets d'énergies renouvelables, et réduire les délais.
La nouveauté côté Amélie de Montchalin : avoir réuni transition écologique et "cohésion des territoires"… donc collectivités locales. De nombreux acteurs se sont étonnés que le logement et les transports ne bénéficient d'aucun ministre ni même secrétaire d'Etat dédié (tel est également le cas pour le tourisme), et l'on pouvait vendredi se demander quel ministère hériterait ce ces deux gros secteurs. Les choses sont désormais claires : ce sera chez Amélie de Montchalin. Lors de sa passation de pouvoirs avec Joël Giraud vendredi soir à l'Hôtel de Castries, celle-ci a tracé son périmètre : "un nouveau grand ministère qui réunit l'aménagement et la cohésion des territoires, l'urbanisme, les transports, le logement, la protection de la nature et de la biodiversité". Et elle a assuré à Nadia Hai, l'ancienne ministre déléguée chargée de la Ville, qu'elle n'oubliera pas "la rénovation urbaine". La ministre a donc enchaîné les passations de pouvoirs vendredi, l'autre ayant lieu au ministère de l'Ecologie, en présence de ses prédécesseurs Barbara Pompili, Jean-Baptiste Djebbari et Emmanuelle Wargon. Ces deux derniers ne se sont pas exprimés à cette occasion.
Christophe Béchu "en garde partagée"
Autre nouveauté : une double tutelle pour les collectivités. Si Amélie de Montchalin sera secondée par Christophe Béchu en tant que ministre délégué chargé des collectivités, celui-ci est en même temps rattaché au ministère de l'Intérieur. C'est donc un retour à ce qui existait avant l'arrivée de Jacqueline Gourault à la Cohésion des territoires en 2018. "Nous sommes heureux de retrouver les collectivités territoriales au ministère de l'Intérieur", a d'ailleurs déclaré Gérald Darmanin, prenant la parole avant Amélie de Montchalin et Christophe Béchu et indiquant que cela impliquerait notamment le retour de la Direction générale des collectivités (DGCL) dans son giron. Et le ministre de l'Intérieur de parler d'un "trio d'enfer" : "Pour le Grand Paris, le Grand Marseille, pour le conseiller territorial [qui reste donc bien d'actualité, Ndlr], pour la Corse (…), nous allons faire de grandes choses ensemble".
Se disant soucieuse de faire en sorte "que la transition écologique et la cohésion des territoires ne soient jamais opposées l'une a l'autre", Amélie de Montchalin a pour sa part appelé à "faire de l'écologie un projet national et territorial", qu'il s'agisse d'"habiter, produire, se déplacer". Et s'est dit convaincue que "les élus locaux sont les premiers acteurs de l'écologie". Son principal outil sera une "planification territoriale" s'appuyant notamment sur "la contractualisation".
Christophe Béchu, le nouveau venu qui, a-t-il rappelé, a présidé pendant dix ans le département du Maine-et-Loire et depuis huit ans la communauté urbaine d'Angers, se voit "en garde partagée entre deux ministres" aux langages différents. Il compte en tout cas faire profiter de sa longue expérience d'élu local et a listé quelques exemples d'enjeux : "les enjeux institutionnels", les "territoires spécifiques" tels que Marseille, le conseiller territorial, les questions budgétaires avec une inflation qui inquiète aussi les collectivités, la péréquation, la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires qui aura "une incidence" sur les employeurs locaux… sans oublier "ce que la loi Climat et Résilience a posé comme contraintes avec le zéro artificialisation nette ou la limitation des biens qui peuvent être loués y compris sur des territoires qui manquent de logements". Estimant qu'il "y a trop de batailles entre les associations d'élus", il les a invitées à moins se soucier du "qui fait quoi" que des objectifs à atteindre collectivement. Christophe Béchu présidait l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (Afift) depuis 2018 et l'Observatoire national de l'action sociale (Odas) depuis 2015.
Si le mot "ruralité" a disparu de l'intitulé du portefeuille successivement occupé par Jacqueline Gourault et Joël Giraud, les territoires ruraux ont été très présents dans les prises de parole des uns et des autres, ne serait-ce que pour évoquer les chantiers hérités du précédent quinquennat, dont l'Agenda rural ou le plan Avenir Montagne. Egalement mis en avant par Joël Giraud : Action coeur de ville, Petites villes de demain, France Services, Territoires d'industrie, les loi Engagement & proximité et 3DS, France très haut débit, les Fabriques de territoires... sans oublier les Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Amélie de Montchalin avait relevé que seul un portillon "qui ne ferme pas" séparait son ancien ministère, celui de la fonction publique, de son nouveau quartier général. Et a au passage invité son successeur à "rependre le combat en faveur des secrétaires de mairie". A quelques pas de là, Stanislas Guerini a de son côté affirmé sa volonté de placer "l'accessibilité" des services publics et les enjeux climatiques "au coeur" de son action : "Il n'y a pas d'un côté la fonction publique et de l'autre l'urgence climatique, ces deux questions sont intimement liées". Le nouveau ministre dit vouloir développer une relation plus "partenariale" entre l'Etat, ses opérateurs et les collectivités territoriales. "Les Français n'ont rien à faire des questions de périmètre", a-t-il déclaré. Il compte recevoir "dès que possible tous les représentants de la fonction publique, organisations syndicales comme employeurs publics".
Economie, finances et souveraineté industrielle et numérique : Bruno Le Maire Transition écologique et cohésion des territoires : Amélie de Montchalin Transition énergétique : Agnès Pannier-Runacher Transformation et fonction publique : Stanislas Guerini Solidarités, autonomie et personnes handicapées : Damien Abad Travail, plein emploi et insertion : Olivier Dussopt Education nationale et jeunesse : Pap Ndiaye Enseignement supérieur et recherche : Sylvie Retailleau Agriculture et souveraineté alimentaire : Marc Fesneau Culture : Rima Abdul-Malak Sports et Jeux olympiques et paralympiques : Amélie Oudéa-Castéra Garde des sceaux, Justice : Eric Dupond-Moretti Europe et Affaires étrangères : Catherine Colonna Outre-mer : Yaël Braun-Pivet Armées : Sébastien Lecornu Ministres délégués auprès de la Première ministre : Relations avec le Parlement et de la vie démocratique : Olivier Véran Egalité entre les femmes et les hommes, diversité et égalité des chances : Isabelle Rome Secrétaires d'Etat auprès de la Première ministre : Porte-parole : Olivia Grégoire Enfance : Charlotte Caubel Mer : Justine Bénin |