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La transition écologique concernera "tous les ministres", affirme Élisabeth Borne

Trois jours après la nomination du gouvernement, la Première ministre, Élisabeth Borne, et les deux ministres chargées de la transition écologique et énergétique ont rencontré ce 23 mai au Muséum d'histoire naturelle à Paris les représentants de cinq associations pour la défense de l'environnement. Alors que la France est en retard sur ses objectifs climatiques, elles ont vanté une organisation "inédite" pour que la planification écologique puisse "irriguer" toutes les autres politiques. Des associations d'élus locaux se montrent pour leur part circonspectes face à la nouvelle configuration du ministère de la Transition écologique.  

"La transition écologique concernera tous les ministres, on est à un moment où on doit absolument accélérer sur les sujets de climat comme de biodiversité", a déclaré Élisabeth Borne ce 23 mai au Muséum national d'histoire naturelle à Paris, à l'issue d'une rencontre avec les représentants de cinq associations pour la défense de l'environnement - le WWF France, la Ligue de protection des oiseaux (LPO), France nature environnement (FNE), Humanité et Biodiversité et la Fondation pour la nature et l’homme.
Chaque ministère recevra une "feuille de route" d'ici septembre pour décliner la transition dans son portefeuille, a expliqué Matignon, la planification écologique devant "irriguer toutes les autres politiques". La cheffe du gouvernement a précisé les rôles des deux ministres chargées de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires d'une part, et de la Transition énergétique d'autre part, dans la nouvelle architecture gouvernementale. La première, Amélie de Montchalin, portera "l'ensemble de la déclinaison territoriale des politiques de transition écologique", notamment en matière de logement, transports, et biodiversité tandis que pour la seconde, Agnès Pannier-Runacher, "la feuille de route est simple : sortir des énergies fossiles".

Loi de simplification à venir

La rencontre d’une heure et demie avec les ONG a porté notamment sur la stratégie nationale de biodiversité. Publiée en partie à la mi-mars (lire notre article du 16 mars 2022), elle sera "finalisée d’ici à la fin de l’année", a assuré Élisabeth Borne. Autre sujet abordé : la future loi de simplification, sur laquelle le gouvernement travaille actuellement pour "accélérer le déploiement des énergies renouvelables et répondre aux enjeux de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la sortie des énergies fossiles, avec l’urgence liée notamment à la guerre en Ukraine", a présenté la Première ministre. 
"Ce n'est pas un hasard de mettre l'écologie et les territoires dans un même ministère", a redit Amélie de Montchalin, car c'est "l'écologie de proximité qui est ainsi portée, celle du logement, des transports, de l'économie circulaire, de la ville, des zones rurales, de l'urbanisme". "Je serai bien la ministre en charge de la biodiversité que l'on doit protéger", a-t-elle affirmé. La ministre veut faire aussi faire de la transition écologique "un projet national, un projet de cohésion, par le dialogue, par la concertation". Alors qu’une permanence de FNE a été vandalisée dans la nuit de dimanche à lundi en Haute-Savoie, des agriculteurs y ayant déversé du lisier, elle assure vouloir "de la radicalité dans les résultats, par le concret, par la manière dont les Français verront les choses changer. Mais pas de la radicalité dans la rue. Nous ne voulons pas de violence mais du dialogue."
La future stratégie nationale de biodiversité sera donc "bien construite avec les associations de protection de l’environnement, les élus, les chefs d’entreprise, les Français". Et, soutient-elle, le livre blanc des associations de protection de la nature qui avait été remis à Élisabeth Borne au printemps 2020, "nous allons le conclure". Cette stratégie sera également l’occasion de mobiliser la jeunesse - "un élément clé", souligne la ministre, qui veut à ce titre travailler avec le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye et les 1.000 jeunes du service civique dédié à la nature.
Agnès Pannier-Runacher a souligné de son côté que la protection de la biodiversité est synonyme de diminution "drastique" des émissions de gaz à effet de serre et de ralentissement du changement climatique. Il faudra recourir à la sobriété énergétique, à des actions menées "au plus près des territoires" et définir des soutiens aux ménages les plus modestes pour ne "laisser personne au bord de la route". Elle a aussi appelé à "se mettre autour de la table" afin de "trouver des méthodes pour permettre d'accélérer les projets" de déploiement des énergies renouvelables, les installations éoliennes et de parcs solaires se heurtant souvent à des oppositions locales.
Dans ces "transformations radicales" vers l’atteinte de la neutralité carbone et la préservation de la biodiversité, "chacun sera accompagné", a poursuivi Élisabeth Borne. Chaque ministre sera "impliqué dans son champ de compétence" grâce à la nomination d’un secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion. Ce secrétariat envisagé comme une "tour de contrôle", selon les termes de la cheffe du gouvernement, permettra de "s’assurer que des stratégies ambitieuses sont prises en compte par chaque ministre, et que le gouvernement dispose d’un suivi fin des résultats. Et c’est sur quoi on communiquera vis-à-vis des Français, des experts, des ONG", a souligné la Première ministre.

Satisfecit des ONG environnementales

Plusieurs associations, critiques après le premier quinquennat, se sont félicitées d'être reçues aussi rapidement. "C'est un premier acte peut-être symbolique que d'être reçu aussi vite, mais cohérent" avec le discours du président Emmanuel Macron à Marseille dans l'entre-deux-tours qui faisait de la transition écologique une priorité, a estimé Arnaud Schwartz, président de FNE.
Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO, s'est dit lui "touché" par cette invitation rapide, après avoir été "perplexe" de la nomination des deux ministres "dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ne rayonnaient pas par leur engagement environnemental".
Ce "signal" envoyé aux ONG a été bien accueilli par WWF France, qui évoque une "rencontre bienveillante réciproquement", tout en regrettant l'absence du ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. "Mais il y a un engagement de la Première ministre pour qu'on puisse ouvrir un dialogue avec les syndicats et le ministre de l'Agriculture", a rapporté Pierre Cannet, un porte-parole de l'ONG.
Pour ces organisations, l'important est la mise en place d'un dialogue régulier. "Il faut qu'on ait des rencontres périodiques, cela me paraît indispensable dès lors qu'on considère l'écologie comme une priorité", a estimé Allain Bougrain-Dubourg. Et ainsi éviter d'être "systématiquement dans le bras de fer".

  • Des élus circonspects devant le vaste ministère de la transition écologique

Avec comme objectif suprême la neutralité carbone en 2050 et comme devise la "mise en oeuvre", le nouveau ministère regroupant Transition écologique et Cohésion des territoires affiche un cap national déclinable selon les spécificités locales, ce qui laisse certains élus locaux circonspects. "La transition écologique concerne tout le monde" et "si on ne veut laisser aucun français sur le bord du chemin, il faut que l'ensemble des acteurs et en particulier des élus locaux puissent contribuer", a expliqué Amélie de Montchalin le 20 mai en marge de son arrivée au ministère. Son ministère est placé sous le signe du "bien vivre", du "mieux vivre, en bonne santé, partout en France". Il y aura "dans le quotidien des Français des mises en oeuvre extrêmement concrètes et adaptées localement" d'objectifs fixés ces cinq dernières années, abonde son cabinet. Le nouveau super ministère conjugue transition écologique avec cohésion des territoires, un redécoupage "extrêmement important" selon la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire, et qui entend associer plus étroitement les élus locaux aux efforts pour le climat et la biodiversité. À ce titre, la nomination de Christophe Béchu, maire d'Angers, comme ministre délégué chargé des collectivités territoriales, se veut un gage supplémentaire.
Mais l'argument ne fait guère mouche auprès des élus interrogés, qui voient dans ce nouveau ministère au mieux une "impulsion possible" pour mieux sensibiliser la population à l'urgence climatique, au pire une simple "architecture politique". Dans tous les cas, "les collectivités devront être aidées" et l'une des conditions de réussite sera que "l'État ne décide pas tout tout seul et ne s'englue pas dans une hypercentralisation comme on l'a vu pendant la crise sanitaire", prévient André Robert, délégué général de l'Association des petites villes de France (APVF). Selon lui, le gouvernement doit "coller au plus près des réalités du terrain" et "vraiment tirer les conclusions de la dichotomie entre la France qui va bien, celle des métropoles, et la France des oubliés, la France rurale : la fracture est extrêmement forte".
"Tout le monde veut faire de la transition écologique, des maires sont engagés sur ce terrain depuis longtemps et sont exemplaires en la matière. Mais il faut nous expliquer comment faire sans moyens financiers ni outils", commente pour sa part Cédric Szabo, directeur de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), étonné par ailleurs de l'absence de portefeuille dédié à la ruralité, qui "représente pourtant 88% du territoire et 33% de la population". De nouvelles nominations sont attendues après les législatives, rappelle le gouvernement.
Les associations d'élus soulignent que la feuille de route écologique affichée par le gouvernement se heurte sur le terrain à des considérations budgétaires, sur fond de baisse des dotations aux collectivités et de flambée des prix de l'énergie lourde de conséquences pour certaines communes.
La semaine dernière encore, le dossier de l'érosion côtière est venu illustrer ces points de tensions. D'un côté le gouvernement veut appliquer la loi Climat et Résilience de 2021. De l'autre, deux associations d'élus, l'Association des maires de France (AMF) et l'Association nationale des élus du littoral (Anel), ont contesté les outils mis à disposition par l'État et saisi le Conseil d'État afin d'obtenir des garanties juridiques et financières pour les communes devant s'adapter à l'érosion du littoral (lire notre article du 20 mai 2022). "Peu importe donc l'architecture du ministère" des transitions, "le défi financier reste important" et "Bercy aura un rôle fondamental", estime par conséquent André Robert.
L'autre inquiétude des élus porte sur la dimension du ministère. Il contient dans son escarcelle l'urbanisme et l'aménagement du territoire, mais également le transport et le logement, deux leviers majeurs pour influer sur les changements climatiques. Il s'agit de "dossiers lourds", fait valoir Cédric Szabo. Dans ce contexte, alors même que la priorité est le développement écologique, "quelle place va-t-il rester à la cohésion des territoires?", s'interroge-t-il.
    AFP