Fusion des filières REP emballages ménagers et papiers : le nouveau cahier des charges est enfin paru

Le cahier des charges de la filière REP emballages ménagers et papiers est paru, ce 10 décembre, après plus de six mois de concertation. La marche à franchir pour atteindre les objectifs nationaux et européens demeure toutefois importante, et nécessitera un travail complémentaire sur le premier trimestre 2024 pour y adjoindre des leviers techniques, organisationnels et financiers suffisants, et trancher l’épineux débat de la consigne.

Larrêté portant cahier des charges de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des emballages ménagers et des papiers graphiques - pour la période 2024-2029 - est paru ce 10 décembre. Lagrément sera désormais délivré pour lensemble des produits couverts par la filière REP fusionnée objet de la loi n°2023-305 du 24 avril 2023. Notons quil a été ajouté que si plusieurs éco-organismes sont agréés, le contrat type avec les collectivités territoriales est unique. La formule d’équilibrage financier entre les éco-organismes étant renvoyée à un organisme coordonnateur (dont l’établissement est prévu courant 2024), un dispositif d’équilibrage "supplétif" est également introduit.

La consigne, encore et toujours le sujet qui fâche

La mise en consultation publique du projet de cahier des charges il y a un mois (lire notre article du 7 novembre 2023) a provoqué lire des associations d’élus qui ont en particulier dans un communiqué commun en date du 14 novembre épinglé la mise en oeuvre via une étude de préfiguration "dune fausse consigne pour recyclage des bouteilles en plastique". Une doléance réitérée le 30 novembre, dans un autre communiqué demandant au gouvernement "de sopposer à cette fausse solution lors de la réunion cruciale du Conseil de lUnion le 18 décembre prochain" afférente au Règlement européen Emballages.

Le sujet  est effectivement abordé au point 5.1.4 du cahier des charges suivant les annonces du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, lors des assises des déchets à Nantes, qui ne laissaient pas vraiment présager un abandon total de la consigne (voir notre article du 28 septembre 2023). Le terme de préfiguration - sans doute sujet à polémique - a été supprimé. La date de rendu de cette étude portant sur "les modalités pratiques et organisationnelles permettant la mise en œuvre éventuelle d'un dispositif de consigne pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson à usage unique" est fixée "au 30 juin 2024". Y seront notamment abordés les caractéristiques d'un maillage territorial des points de déconsignations et les investissements nécessaires à réaliser, ainsi que les modifications des soutiens financiers de façon à garantir la bonne couverture des coûts des collectivités. Et un plan de déploiement régionalisé y sera adossé "permettant une mise en œuvre éventuelle de la consigne dans les territoires dont les niveaux de performance ne sont pas compatibles avec les objectifs de collecte du cahier des charges".

Clause de revoyure

Les membres de la Cifrep (Commission interprofessionnelle des filières REP) ont unanimement demandé par motion "la poursuite des travaux de consolidation du projet de cahier des charges Emballages 2024 – 2029, afin quil fasse lobjet dun avenant avant le 31 mars 2024, qui permettra à la filière REP de respecter collectivement les objectifs de la France et de lUnion européenne". Une révision du cahier des charges (point 10) est bel et bien envisagée en 2024 pour y inclure des "mesures incitatives" à destination des collectivités, et ce afin que les performances "soient compatibles" avec les objectifs fixés. Ces mesures pourront, par exemple, prendre la forme de pénalités financières, est-il ajouté.

Des objectifs cibles permettant d'apprécier la performance de collecte pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson à usage unique des collectivités territoriales pour les années 2024, 2025 et 2026 seront en outre définis "durant le premier semestre 2024". C'est un début...Amorce appelle toutefois à intégrer le "projet politique" porté par la plateforme des collectivités "pour passer à la vitesse supérieure et se donner les chances d'atteindre les objectifs nationaux et européens de prévention et de recyclage".

A ce stade, les mesures daccompagnement des collectivités nintègrent que "partiellement" les leviers de performances identifiées par la plateforme de collectivités et lAdeme. Pas mieux du côté des mesures portant sur le déploiement de la collecte des emballages hors foyer sur lespace public et à la collecte des emballages consommés hors foyer et non collectés par les collectivités, à défaut d’être conditionnées à latteinte de cibles annuelles en termes de taux de couverture de la population (ou dacteurs) et/ou de tonnages permettant datteindre les objectifs fixés. Et les modalités dappel à projets ou de contrat type ne permettent pas non plus "de garantir que lintégralité des sommes seront dépensées et tous les projets remis".

Quelques clarifications post-consultation malgré tout

Lapplication dun principe de proximité pour la prime à lincorporation de matières plastiques recyclées a été modifiée. Celle-ci sera octroyée sous réserve que "les matériaux sont recyclés à moins de 1.500 km de leur lieu de collecte" (2.2.2.4.). Des dispositions relatives au taux dabattement pour la détermination de la quantité de papiers ne générant pas de déchets ménagers et assimilés ont été ajoutées (2.6). Sagissant du soutien aux solutions de réemploi et de réutilisation des emballages ménagers (4.5), y compris le développement d'un réseau d'infrastructure de réemploi (par exemple de collecte, tri, lavage, stockage), il ne sera pas limité au verre. Autre ajout : la compensation des coûts résultant de la prise en charge des emballages mixtes alimentaires destinés au réemploi auprès des professionnels de la restauration est traitée au point 4.6.4. Sont également réintroduites des dispositions spécifiques liées à la famille des papiers, dont le taux d'acquittement pour le calcul des tonnages soutenus dimprimés (5.2.3) et le taux de présence conventionnel des papiers dans les standards papiers-cartons en mélange à trier et papiers-cartons mêlés triés (taux appliqué par défaut de 70%) au point 5.2.4.1.

Pour la couverture des coûts de référence d'un service public optimisé de gestion des déchets d'emballages ménagers et papiers, le principe dactualisation est réservé à lenveloppe cible annuelle de soutien d'un dispositif de collecte et de tri (5.2.1.2).

L’éco-organisme devra proposer "dans un délai de trois mois à compter de son agrément" des mesures d'accompagnement des collectivités et le cas échéant de leurs opérateurs (5.2.1.3). Ces mesures pourront concerner "tout dispositif ou toute action de nature à assurer la hausse des performances de la collecte séparée ou du tri". Le flou subsiste sur lenveloppe dédiée…

Dautres clarifications concernent la caractérisation du contenu de la collecte (5.2.5.3) : seules les ordures ménagères résiduelles sont concernées et la caractérisation doit être achevée en 2024.

En ce qui concerne la réallocation des dépenses de soutien à linvestissement tant que les objectifs de recyclage ne sont pas atteints (5.2.5.4), il est précisé que les éventuels soutiens résiduels non appelés peuvent être réaffectés, à lissue dune période de trois ans, "à des postes de dépenses qui contribuent à l'atteinte des objectifs définis au présent cahier des charges". Sur les standards de déchets d'emballages ménagers et papiers (6.1.1), une disposition transitoire permet lapplication des standards existants tant que les caractéristiques ne sont pas validées selon les modalités prévues par le cahier des charges. Quant aux standards expérimentaux (6.1.1.4), ils sont étendus aux papiers graphiques. L'éco-organisme doit en outre mener une concertation avec les différentes parties prenantes au sein du comité technique du recyclage pour les définir.

Des clarifications ont aussi été ajoutées sur les options de reprise et de recyclage au choix de la collectivité au point 6.2 (périmètre emballages/papiers). Et un volet spécifique à loutre-mer y figure désormais.

Enfin, le périmètre de la reprise des refus de tri de la collecte sélective par l'éco-organisme est également précisé et intègre les papiers (6.6). La dégressivité du soutien financier à la valorisation énergétique des emballages dans les refus de tri issu des centres de tri est supprimée. Le versement de ce soutien est, en fonction des situations, obligatoire ou facultatif. Le montant du soutien est plafonné à 75 euros.

 

Référence : arrêté du 7 décembre 2023 portant cahier des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie des producteurs des emballages ménagers, des imprimés papiers et des papiers à usage graphique, JO du 10 décembre 2023, texte n°36.