Fusion des filières REP Emballages ménagers et Papiers : le nouveau cahier des charges en consultation

Actée par le législateur, la fusion des deux filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) Emballages ménagers et Papiers doit à présent se mettre en ordre de marche à travers un nouveau cahier des charges. Mis en consultation publique jusqu’au 24 novembre, ce dernier, malgré des avancées pour rattraper l’inflation et des soutiens complémentaires, ne coche pas toutes les cases. 

Le projet de cahier des charges de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des emballages ménagers et des papiers graphiques - pour la période 2024-2029 - est soumis à consultation publique jusqu’au 24 novembre prochain. L’agrément sera désormais délivré pour l’ensemble des produits couverts par la filière REP fusionnée objet de la loi n°2023-305 du 24 avril 2023. Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), qui a validé le projet d’arrêté début septembre, rappelle qu’il faudra veiller à ce que les éco-organismes "soient tous agréés avant le 31 décembre de cette année afin de garantir la continuité du service public et de ne pas laisser les collectivités territoriales dans une situation de carence juridique". Amorce avait déjà alerté de son côté sur "le risque d'une année blanche de soutiens", faute de réponse à la question de l'alignement des cycles opérationnel et financier entre les deux filières. 

Le compte n’y est pas ni dans les objectifs…

La plupart des objectifs de prévention, de réemploi et de recyclage (adaptés avec la nouvelle méthode de calcul) sont tout bonnement reconduits. "Et pour cause. Aucun d’entre eux ou presque ne sera atteint en 2023. Au contraire, entre 2010 et 2021, la production d’emballages a progressé de 13% (…) quand les objectifs visent une baisse de la consommation d'emballages de -15% entre 2010 et 2030", relève Amorce pour illustrer la hauteur de la marche à franchir, et tout particulièrement pour le plastique. Pas mieux du côté du recyclage, "en dehors du verre et de l’acier, aucun matériau n’atteint le taux fixé par l’Europe et en particulier le plastique". Par ailleurs, la filière ne couvre que 70% des coûts optimisés supportés par les collectivités pour les emballages ménagers selon l'éco-organisme (pour un objectif de 80%) et moins de 50% des coûts réels selon Amorce (moins de 25% pour les papiers graphiques pour un objectif de 50%).

… ni dans les moyens

Sur le plan comptable, le montant global alloué à la filière REP augmente d’un milliard à 1,8 milliard d’euros. Un montant - loin du compte - qui correspond à celui retenu par l’Ademe pour la seule revalorisation des soutiens aux collectivités et le déploiement des leviers de performance de collecte. La revalorisation de l’enveloppe de soutien aux collectivités à 1,2 milliard d’euros à partir de 2024 correspond grosso modo au rattrapage de l’inflation. Il est d’ailleurs prévu que les coûts soient actualisés annuellement par l'Ademe, selon les modalités définies dans la note jointe à la consultation pour l’actualisation des enveloppes et des barèmes de soutien à la collecte et au tri. 

Pour ce qui est des leviers de performance de collecte, l’enveloppe (estimée par Amorce à 134 millions d’euros en comparaison aux 646 millions d’euros supplémentaires nécessaires identifiés par l’Ademe) se réduit comme peau de chagrin. Seuls les soutiens à la généralisation de la collecte hors foyer auprès des collectivités (100 millions d’euros) et le barème à la prise en charge des coûts de nettoiement sont prévus. Pas d’enveloppe dédiée en revanche pour les mesures d’accompagnement des collectivités (amélioration de la collecte, densification, aide à la mise en place de la tarification incitative, etc.) qui reposeront donc sur le "reliquat des soutiens non consommés". Plusieurs autres points d’inquiétudes sont soulevés par Amorce, qui s’étonne en particulier de l’absence d’étude l’impact de la nouvelle méthode de calcul du soutien à la performance (basée sur la performance par matériau et non plus la performance globale). En outre, la suppression du soutien à la valorisation énergétique des refus de tri (en 2029) et des emballages restant dans les ordures ménagères résiduelles (en 2027) ainsi que celle du soutien de transition "pourraient constituer un manque à gagner de près de 77 millions d’euros pour les collectivités", toujours selon Amorce. 

Quant aux autres postes de dépenses, ils sont principalement dédiés aux actions de communication (sur le geste de tri, le réemploi, le vrac et la mise à disposition d’emballages réemployables), à la recherche et développement et à l’éco-conception, au pourvoi sur la gestion des refus, etc. 

Pas de généralisation de la consigne

En matière de collecte et de recyclage, des avancées sont mises en avant dans la notice de consultation : des campagnes de communication et des ambassadeurs de tri dans les territoires renforcés, l'accélération de la généralisation des corbeilles de tri dans l’espace public (100 millions d’euros dédiés entre 2023 et 2025) et la reprise sans frais du bac jaune dans les établissements recevant du public. S'y ajoutent 30 millions d’euros dédiés à l’extension des consignes de tri outre-mer. 

Le ministère table également sur "l’organisation d’une campagne de caractérisation du contenu de la collecte sélective, des ordures ménagères résiduelles et des déchetteries en 2024, financée par la REP, afin de disposer de diagnostics de collecte individualisés dans la perspective de mettre en œuvre dans un second temps un dispositif de soutiens incitatifs pour que les collectivités les plus performantes reçoivent des incitations tandis que les collectivités les moins performantes contribuent davantage". Une mesure déjà annoncée par le ministre Christophe Béchu, lors des assises des déchets à Nantes (voir notre article du 28 septembre 2023). 

Il est également prévu que l’éco-organisme réalise avant fin 2024 "une étude portant sur les modalités pratiques et organisationnelles permettant la mise en œuvre éventuelle d’un dispositif de consigne pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson à usage unique, adossé à un plan de déploiement régionalisé afin de permettre la mise en œuvre de la consigne dans les régions dont les niveaux de performance ne sont pas compatibles avec les objectifs de collecte du présent cahier des charges". Là encore, le ministre avait tranché en amont le débat sur la généralisation de la consigne. 

Le cahier des charges devrait donc être modifié courant 2024 "afin d’y inclure des mesures incitatives à destination des acteurs chargés de la collecte sélective des emballages ménagers et des objectifs cibles permettant d’apprécier la performance de collecte pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson à usage unique", indique le ministère. 

Enfin le cahier des charges fait la part belle au réemploi, en particulier pour développer les solutions de vrac et les emballages réemployables, entre autres à travers des primes et des pénalités.

 

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