François Sauvadet : le département est l'"un des derniers remparts pour le monde rural"

Auditionné ce 29 février par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales sur la réforme de la décentralisation, François Sauvadet, président de Départements de France a tracé très clairement des lignes rouges. La mise en place du conseiller territorial, le transfert des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus par les départements à un ou d'autres bénéficiaires, ou encore l'abandon de compétences départementales au profit des métropoles sont totalement exclus par les présidents de départements. Le gouvernement et la mission pilotée par Eric Woerth sur l'approfondissement de la décentralisation sont prévenus. L'élu local a présenté le département comme "le bouclier" des territoires ruraux.

Chargé de faire des propositions début mai à l'exécutif sur la décentralisation, Eric Woerth n'a pas encore écarté l'idée de remplacer les conseillers départementaux et régionaux par un élu unique, le conseiller territorial. L'équipe entourant l'ancien ministre "expertise" avec le ministère de l'Intérieur les systèmes électoraux compatibles avec ce scénario, avait-il déclaré le 8 février à la délégation aux collectivités territoriales au sein de la Haute Assemblée.

Trois semaines plus tard, c'est l'un des principaux intéressés, le président de Départements de France, François Sauvadet, qui a pris parti sur la question, lors d'une audition par la même délégation. Et l'élu a été très clair : "On y est hostile, parce que le conseiller territorial avec des grandes régions, quel que soit le mode de scrutin, c'est la disparition du département" et celle-ci "sera un drame pour le monde rural en particulier", a-t-il lancé. Le président du département de la Côte d'Or a, de fait, présenté le département comme "un des derniers remparts pour le monde rural", en insistant sur l'utilité de ce niveau de collectivité. "On vient souvent nous chercher quand il y a un problème, qu'on ne sait plus à qui s'adresser." François Sauvadet a aussi mis en avant la modernité - "fruits de l'histoire", ils sont encore très actuels dans l'organisation" - et la proximité qu'incarnent les départements - c'est un "territoire vécu".

Pour de "véritables chefs de filats"

Il y a trois semaines, Eric Woerth avait dit vouloir rendre obligatoire la contractualisation entre les métropoles qui représentent "un poids très important" en termes de population dans leur département et le conseil départemental. "Les revendications des métropoles à exercer les compétences départementales, c'est un drame absolu", a critiqué François Sauvadet, assurant qu'il se battrait "résolument contre cette idée de reprise de compétences". "Ça va accélérer le processus de deux France, une France urbaine et une France rurale", s'est-il inquiété.

Pour améliorer la décentralisation, François Sauvadet a prôné la mise en place de "véritables chefs de filats". En matière de protection de l'enfance par exemple, une compétence pour laquelle sa responsabilité pénale est engagée, le président de département pourrait mettre autour de la table le préfet et les autorités judiciaires, qui détiennent aussi une part de la compétence.

Rappelant les propos tenus en novembre par le chef de l'Etat, selon lesquels les départements sont la collectivité du social, François Sauvadet a estimé que les départements sont aussi "la collectivité des solidarités territoriales" et qu'ils devaient le rester. "Nous sommes la collectivité de l'aménagement du territoire, a-t-il aussi souligné, en faisant remarquer que l'Etat sollicitait le département pour financer des grands projets d'infrastructures.

"Ne pas toucher aux DMTO"

François Sauvadet tient d'autant plus à l'exercice par les départements de la compétence de l'aménagement du territoire, qu'elle justifie à ses yeux la préservation des recettes issues des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). "Il ne faut pas toucher aux DMTO, ce serait extrêmement symbolique", a prévenu le président de Départements de France, en expliquant que Bercy "lorgne" sur cette taxe.

Il a dû toutefois admettre que les DMTO constituent une recette fluctuante. La baisse de leur produit est actuellement le plus souvent de 15% à 20%, mais elle peut atteindre 30% dans certains départements. Dans le même temps, les dépenses départementales "explosent". Conséquence : l'année prochaine, les départements en grande difficulté ne seront plus 15, comme cette année, mais une cinquantaine, a tablé François Sauvadet.

Investissement : le tournant sera en 2025

La capacité des départements à répondre à des appels à projets de l'Etat, ou encore leur capacité à innover dans la mise en œuvre des politiques publiques - laquelle "coûte un peu d'argent" - sont remises en cause, a estimé l'élu. De son côté, l'investissement départemental se maintiendra encore cette année, car les départements doivent "aller au bout" des travaux entamés ces dernières années. Il n'en ira pas de même "l'année prochaine", a-t-il dit, prédisant des réductions de moyens en ce qui concerne l'entretien des routes, les aides aux communes et la solidarité avec le monde rural. "Ça va accélérer le sentiment d'abandon" de cette partie du territoire, s'inquiète le président de Départements de France.

Nul doute que les sénateurs se feront le relais des constats des présidents de départements sur la situation financière de leurs collectivités, lors du débat qu'ils auront en séance le 5 mars sur ce thème. Et qu'ils appelleront le gouvernement à apporter des solutions.

 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis