Les finances des départements enregistrent "un retournement de tendance marqué"
Le diagnostic que livre la Banque postale dans une note publiée à l'occasion des Assises des départements tend à conforter les analyses inquiétantes des présidents de département. L'étude révèle aussi que l'aide sociale à l'enfance est la dépense sociale départementale qui a connu la plus forte augmentation au cours des dernières années.
Lors du vote de leurs budgets primitifs début 2023, les départements s'attendaient dans l'ensemble à voir leurs marges de manœuvre financière reculer, anticipant une baisse de leur épargne brute – différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement – d'un peu plus de 6% en moyenne. C'est ce que mettait en évidence la direction générale des collectivités locales (DGCL) dans une étude publiée fin octobre.
Mais les départements ont assez nettement sous-estimé au début de l'année l'étendue de la crise qui allait frapper leurs budgets. Selon l'édition 2023 de l'étude "Regard financier sur les départements", que la Banque postale a publiée à l'occasion des Assises des départements de France organisées du 8 au 10 novembre à Strasbourg, l’épargne brute des départements "se contracterait très fortement". L'établissement financier table sur un repli de 31% de cet indicateur, celui-ci passant de 11,2 milliards d'euros en 2022 à moins de 8 milliards d'euros en 2023 (pour les 95 conseils départementaux). Pour rappel, entre 2021 et 2022, l'épargne brute des départements avait été quasi-stable. Les départements font donc bien face à "une dégradation extrêmement rapide" de leur situation, comme le soulignait François Sauvadet, le président de Départements de France, à l'ouverture des Assises, ce 9 novembre.
Baisse des DMTO de 20% en 2023
L'élément déclencheur est bien connu : la mauvaise conjoncture immobilière qui devrait entraîner "une baisse d'"au moins 20%" des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), une des principales recettes des départements – elle représentait en moyenne 19,3% de leurs recettes de fonctionnement en 2022, après mise en œuvre du fonds de péréquation.
Mais l'impact de la crise immobilière diffère selon les départements, puisque les montants de DMTO qu'ils perçoivent sont très hétérogènes : ils varient de 139 euros par habitant à 527 euros par habitant. "L’écart entre le minimum et le maximum s’établit à 388 euros", et ce après l'intervention du mécanisme de redistribution prévus par la loi. Au passage, ce dernier, qui s'élevait à 1,9 milliard d'euros en 2022, est considéré comme efficace, puisqu'il a permis de diminuer de 40% l'écart de recettes par habitant entre le département le moins bien loti en DMTO et, à l'opposé, celui qui est le premier bénéficiaire.
Au total, les recettes de fonctionnement des départements diminueraient de 1,5% en 2023. Une évolution problématique au regard de celles des dépenses de fonctionnement (+4%). Ces dernières seraient tirées à la hausse en particulier par les charges de personnel (+5,5%) et les charges à caractère général (+10,4%), "les contrats de prestations de services absorbant avec décalage la forte inflation de 2022".
"Hétérogénéité marquée" des dépenses d'action sociale
Les dépenses d’action sociale enregistreraient un taux d’évolution de 3,6%. Ces dernières sont surveillées de près par les départements, étant donné qu'elles pèsent pour un peu plus de la moitié dans leurs budgets de fonctionnement. En sachant qu'au sein de ces dépenses, celles qui sont consacrées au RSA demeuraient les principales en 2022 (avec une proportion un peu supérieure à 27%). Mais les dépenses consacrées aux autres grands domaines de l'action sociale départementale (personnes âgées, handicap, aide sociale à l'enfance) arrivaient assez vite derrière, avec, pour chacune, une part de l'ordre de 23 à 24%.
Les collectivités exerçant des compétences départementales consacraient, en 2022, environ 600 euros par habitant en moyenne à l'action sociale. Mais la moyenne masque de fortes variations, puisque ces "dépenses directes" sont inférieures à 490 euros pour 10 collectivités, et sont, à l'opposé, supérieures à 730 euros pour 10 autres.
Poids croissant de l'aide sociale à l'enfance dans les budgets
L'aide sociale à l'enfance (ASE) est le domaine de l'action sociale départementale qui "a connu l’évolution la plus marquée entre 2015 et 2022, avec une hausse de sa part dans les dépenses directes d’action sociale supérieure à 2 points", observe la Banque postale dans un chapitre de l'étude réalisé avec l'Observatoire national de l'action sociale (Odas). C’est le financement des établissements (maisons d'enfant à caractère social, foyers de l'enfance...) qui "a le plus participé à cet essor entre 2015 et 2022 puisque sa part a augmenté de 4,2 points sur cette période pour atteindre 58,4% des dépenses fonctionnelles d’ASE en 2022". Le poids de l'accueil familial a, en revanche, reculé de 2,4 points, pour s'établir à "19% des dépenses fonctionnelles d’ASE en 2022".
Pour financer des investissements tendant toujours à augmenter en 2023 (+ 4,9%), les départements devraient avoir un "recours marqué" à l'emprunt. Ainsi, après avoir atteint 2,5 milliards d'euros en 2022, ce dernier pourrait augmenter de 34,5% cette année.