Le gouvernement serait prêt à envisager une "renationalisation" de la protection de l'enfance

"Toutes les options sont sur la table, y compris celle de la renationalisation, même si ce n'est pas ma logique première", a déclaré la secrétaire d'État à l'Enfance, Charlotte Caubel. Une version a minima consisterait en la seule "reprise en main de l'Etat peut aussi se poser sur la seule étape de l'évaluation" des MNA. La vive réaction de Départements de France n'a pas tardé.

Le gouvernement serait prêt à envisager une "renationalisation" de la protection de l'enfance, actuellement compétence des départements, même si cette option n'est pas sa "logique première". C'est en tout cas ce qu'a indiqué ce mercredi 11 octobre la secrétaire d'État à l'Enfance, Charlotte Caubel, dans une déclaration transmise à l'AFP faisant suite à une interview publiée dans Le Figaro.

Face à la crise actuelle et au cri d'alarme lancé par plusieurs départements sur la question de l'accompagnement des mineurs isolés étrangers, "je souhaite que nous redéfinissions ensemble le cadre de notre travail autour de priorités partagées", indique-t-elle. "Toutes les options sont sur la table, y compris celle de la renationalisation, même si ce n'est pas ma logique première", ajoute-t-elle, invitant les départements à "clarifier une position commune".

Près de 370.000 enfants font l'objet d'une mesure de protection au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Ces dernières années, plusieurs voix s'étaient élevées pour demander une recentralisation de l'ASE face aux inégalités et disparités territoriales. Ainsi, auteur en janvier 2022 d'une proposition de loi sur la question, le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli pointait des "disparités multifactorielles", conséquences "de manque de moyens, de choix politiques et budgétaires délibérés ou de réalités sociales complexes" (voir notre article). "Enfin une bonne nouvelle", écrit sur X (ex-Twitter) le militant des droits de l'enfant et ancien membre du Conseil national de la protection de l'enfance Lyes Louffok : "C'est la première fois qu'une membre du gouvernement pose ce sujet sur la table. Cela fait dix ans que je le réclame, alors merci."

La déclaration de Charlotte Caubel intervient à l'heure où plusieurs départements disent connaître une "embolie" de leurs services face, entre autres, à l'afflux de mineurs étrangers isolés sur leur territoire. Face à cet afflux et dans un contexte de dispositif d'accueil saturé, le conseil départemental du Territoire de Belfort a décidé fin septembre de plafonner la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA).

"Faut-il que l'État se charge de l'évaluation de la minorité de ces jeunes, de leur mise à l'abri - auxquelles il contribue déjà - ou plus largement de leur prise en charge ? La discussion est ouverte avec les départements", indique Charlotte Caubel à l'AFP. On est toutefois là sur deux terrains distincts : intervention de l'État dans les premières étapes de la prise en charge des MNA d'une part, reprise en main de l'ensemble de la protection de l'enfance d'autre part.

Dans son interview au Figaro, la secrétaire d'État lie toutefois les deux : "Si les départements considèrent que la situation leur échappe, la question de la recentralisation peut être travaillée. Je suis attachée à ce que l'ensemble des mineurs soient traités de manière équivalente, y compris quand il s'agit de MNA. La question de la reprise en main de l'État peut aussi se poser sur la seule étape de l'évaluation des mineurs. Les responsabilités dans la politique de protection de l'enfance sont parfois tellement mêlées qu'elles empêchent un exercice correct des responsabilités (…). Face au nombre de mesures de protection en attente, aux difficultés qui s'accumulent, il faut une opération musclée pour empêcher le secteur de s'enfoncer."

Il y a un mois, suite à une lettre ouverte portée par le groupe de gauche de Départements de France, une délégation d'élus départementaux avait été reçue par Charlotte Caubel. Ils avaient plaidé auprès d'elle pour des états généraux de la protection de l'enfance. Ils avaient, à l'issue de cette réunion, rapporté avec satisfaction que Charlotte Caubel excluait toute recentralisation et partageait la plupart des constats des départements, dont la nécessité de "consolider les partenariats", de parvenir à une "coresponsabilité", à "une bonne articulation avec l'État" (voir notre article du 8 septembre).

La réaction du président de Départements de France, François Sauvadet, n'a pas tardé : "Les propos de Madame Caubel révèlent d’une méconnaissance totale de la réalité du terrain. Ils sont non seulement une insulte envers nos agents et salariés dévoués à la cause de la protection de l’enfance, mais ils constituent également une mise en cause des Présidentes et Présidents de Départements qui assument, pénalement, cette responsabilité. J’appelle la ministre à faire preuve de plus de rigueur et à adopter une approche pragmatique, plutôt que de se livrer à des discours déconnectés". Et l'élu de poursuivre : "Qui regrette les Ddass d’antan ? (…) La ministre semble ou feint d’ignorer que la situation d’embolie auxquels sont confrontés nos services est en très grande partie due aux carences de l’État lui-même ! L’arrivée massive de mineurs non accompagnés ne fait qu’ajouter aux difficultés qui résultent d’abord, de l’incapacité de l’État à assumer ses missions régaliennes en matière de pédopsychiatrie, de protection judiciaire de la jeunesse ou d’accompagnement médicosocial pour les enfants atteints de handicaps."