François Durovray veut être "le ministre des transports de ceux qui n’en n’ont pas"
Auditionné par les députés ce 22 octobre, François Durovray, ministre délégué chargé des transports, a confirmé le lancement d’un plan "Cars express" début 2025, en soulignant la nécessité d’apporter des solutions aux "15 millions de Français en situation de précarité de mobilité" hors des métropoles. Une stratégie nationale fluviale sera également présentée début 2025, avec notamment pour objectif que "les grands ports français puissent irriguer l’ensemble du continent". Une "conférence de financement des mobilités" devrait également se tenir en janvier prochain, alors que le modèle actuel "sera bientôt obsolète".
Auditionné par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale ce 22 octobre, le ministre délégué chargé des transports, François Durovray, a saisi l’occasion pour présenter sa feuille de route. "Je veux être le ministre des transports de ceux qui n’en n’ont pas", a-t-il d’emblée affirmé, annonçant vouloir "faire du développement de l’offre de transports de voyageurs un enjeu essentiel de [s]on mandat", en gardant "au cœur de la transition écologique l’objectif de cohésion du territoire".
Un plan "Cars express" au premier trimestre 2025
Car "la réalité des mobilités en France se dessine également en dehors des métropoles", met-il en exergue, arguant des "15 millions de Français qui sont aujourd’hui en situation de précarité de mobilité". Or la mobilité est un "outil pour retisser des liens souvent distendus entre le cœur des métropoles et leurs périphéries", affirme-t-il. Particulièrement dans son viseur, les trajets longs du quotidien : "84% des déplacements domicile-travail s’effectuent en voiture et seul", met-il en exergue. "C’est pourquoi notre première priorité doit être de lutter contre l’autosolisme et de développer l’offre de transports collectifs pour apporter des solutions concrètes." Et de confirmer ainsi (voir notre article du 14 octobre) qu’un plan "Cars express", sujet qui lui est cher (voir notre article du 20 avril 2023), sera lancé au premier trimestre 2025.
Indispensable route
Si le ministre a rejeté tout "tropisme" en faveur de la route, il a jugé "utile de rappeler que le réseau routier national constitue, et de très loin, le premier patrimoine de l’État, valorisé à hauteur de 350 milliards d’euros". Et de souligner également que "quand bien même parviendrait-on à doubler la part du fer, la route restera majoritaire pour les Français", d’où la nécessité "d’apporter des solutions de massification de la route (…). Lorsqu’un automobiliste prend un car, nous divisons par dix les gaz à effet de serre, et nous divisons également par dix le coût de la mobilité". Il souligne également que si "beaucoup de travail a été fait sur l’innovation dans le ferroviaire, il faut également que l’on voie de quelle façon la route peut contribuer à faire émerger de nouvelles solutions décarbonées". Par ailleurs, interrogé sur les "méga-camions" (voir notre article du 3 juin), François Durovray a d’abord indiqué avoir "eu l’occasion de [s’]exprimer négativement" sur le projet de l’Union européenne, avant de préciser que "sa conviction n’était pas totalement arrêtée".
Transformation des usages
Conscient que "le secteur des transports représente un tiers des émissions du pays", le ministre entend "travailler à la transformation des usages". "Dans les zones urbaines et denses nous devons continuer de soutenir le développement des modes actifs, à commencer par la pratique du vélo, de façon complémentaire aux transports collectifs. Je tiens à l’affirmer ici, le vélo a toute sa place sur la voirie au même titre que la voiture. Ce développement doit s’accompagner d’une réflexion sur le partage de la voirie entre ses différents usages." Le ministre se veut aussi résolument positif, en soulignant qu’au regard des émission de CO2, le transport représente "un tiers du problème… mais aussi un tiers des solutions !".
Ne pas désespérer Toulouse
Affirmant généralement sa croyance "dans le progrès technologique", François Durovray souligne en particulier que "l’aviation pèse pour 3% des émissions de gaz à effet de serre et qu’Airbus produit plus de la moitié des avions. Nous détenons donc (…), au travers d’Airbus, la capacité de baisser de façon massive les émissions au niveau mondial, et même de façon peut-être supérieure au poids des GES de la France". Il entend ainsi soutenir activement le développement de carburants durables dans ce domaine, en particulier dans le cadre du conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac).
"Faire du Havre le port de Prague"
Côté transport de marchandises, François Durovray entend en particulier "soutenir nos interfaces portuaires et le renforcement des connexions ferroviaires avec leur hinterland". "Nos grands ports français doivent irriguer l’ensemble du continent. Le port du Havre a vocation à devenir le port de Prague", lance-t-il. Il souhaite plus largement continuer d’accompagner le développement et la transformation du secteur fluvial, en capitalisant notamment sur la cérémonie d’ouverture des JO. Une stratégie nationale fluviale devrait ainsi être présentée début 2025, laquelle "prendra la forme d’engagements réciproques qui lieront l’État, les collectivités et les professionnels du secteur". Et de préciser que "l’axe Rhin-Rhône a vocation à devenir une véritable dorsale européenne".
Réformer un "modèle de financement des mobilités bientôt obsolète"
Le ministre a également parlé argent, en se gardant toutefois de toute annonce concrète pour l’heure. "Il nous faudra trouver de nouveaux financements pour rendre crédible l’ambition portée par mes prédécesseurs et qui reste ma feuille de route", a-t-il déclaré, sans doute en référence au "plan de 100 milliards" pour le ferroviaire annoncé l’an passé par Élisabeth Borne (voir notre article du 24 février 2023) et dont la concrétisation, toujours attendue, reste "fragile" (voir notre article du 8 octobre). De nouveaux financements d’autant plus indispensables que les anciens s’effritent : "Le modèle actuel de financements des mobilités sera bientôt obsolète", puisque s’appuyant sur "des recettes qui sont soit volatiles, soit menacées", prévient le ministre. Ainsi du "produit de la fiscalité des carburants, qui finance notamment l’Afitf, mais également nos collectivités territoriales, qui sera en baisse de 13 milliards d’euros à l’horizon 2030".
Une conférence sur le financements des mobilités en janvier
Dépeignant le budget des transports 2025 comme "un budget de résilience", qui "finance les fondamentaux et préserve le présent", François Durovray se dit néanmoins désireux de sortir des "à-coups" d’un "pilotage budgétaire annuel, voire infra-annuel face au besoin d’une trajectoire pluriannuelle de financement des infrastructures de transport qui s’inscrit nécessairement dans le temps long". Il entend ainsi engager "au mois de janvier 2025" "une réflexion prospective sur l’avenir du financement des mobilités, infrastructures et services de transport". Il entend y "encapsuler" plusieurs chantiers, dont celui des projets de services express régionaux métropolitains (Serm), rappelant qu’il s’est engagé à ce que la conférence de financement qui devait avoir lieu en juin dernier "puisse se tenir au début de l’année prochaine". Outre les financements publics des mobilités, cette conférence devra, précise le ministre, "aborder aussi la mobilisation des capitaux privés et la contribution des usagers, à raison des avantages qu’ils retirent de ce service". Et de mettre en avant "la fin des concessions autoroutières entre la fin de l’année 2031 et 2036", qui "ouvre une fenêtre d’opportunité qui doit être saisie dès maintenant pour débattre des différentes options possibles pour l’avenir des autoroutes". Une piste déjà mentionnée (voir notre article du 8 octobre), et qu’entend explorer le P.-D.G. de la SNCF (voir notre article du 3 octobre).