Se déplacer, une contrainte majeure pour les jeunes ruraux
Selon une étude publiée ce 23 mai par l'Institut Terram et Chemins d'avenirs, les difficultés à se déplacer affectent fortement le quotidien des jeunes ruraux, qui passent en moyenne plus de 2h30 chaque jour dans les transports. 69% d'entre eux dépendent chaque jour de la voiture du fait d'une offre de transports en commun insuffisante et ces problèmes de mobilité sont sources de contraintes dans tous les domaines, reflétant une fois de plus la fracture territoriale.
La mobilité comme source de fracture sociale et territoriale pour la jeunesse : c'est ce que met en exergue une étude publiée ce 23 mai par l'Institut Terram, un groupe de réflexion dédié à l'étude des territoires, et l'association Chemins d'avenirs*. Alors que les jeunes ruraux représentent un quart des 15-29 ans en France, près de la moitié d'entre eux (48%) souhaitent continuer à vivre à la campagne, avec une volonté de rester d'autant plus forte que leur niveau de vie est élevé, indique l'étude, réalisée en partenariat avec l'Ifop. Mais se déplacer apparaît comme une difficulté majeure pour ces jeunes issus de communes "peu denses" et "très peu denses", soit 88% des communes. Les jeunes ruraux de 18 ans et plus passent ainsi en moyenne 2h37 par jour dans les transports, soit 42 minutes de plus que les jeunes urbains majeurs. "Ces temps de transport s'ajoutent aux journées d'étude, réduisant drastiquement leur temps libre pour d'autres activités", tels que les loisirs culturels, la pratique sportive ou encore le temps en famille, observent les auteurs de l'étude.
Forte dépendance à la voiture
Les jeunes ruraux s'estiment aussi "mal desservis" par tous les modes de transports en commun, notamment le bus (53%) et le train (62%), contre respectivement 14% et 24% pour les jeunes urbains. Par conséquent, ils sont 69% à dépendre de la voiture quotidiennement, contre 38% des jeunes urbains. "Cette dépendance provoque une fragilité, notamment pour les 7 jeunes ruraux sur 10 de plus de 25 ans (67%) qui se disent en risque de perdre leur emploi si leur mode de transport actuel est compromis", soulignent les auteurs de l'étude.
Cet éloignement a un impact significatif sur la vie quotidienne et l'accès aux services. Il est vécu comme une contrainte pour se rendre en cours, s'engager dans une association, faire les courses, effectuer une démarche administrative, recevoir des soins, etc. Lorsqu'ils ne peuvent pas parcourir la distance nécessaire, 57% des jeunes issus des zones rurales très peu denses disent avoir renoncé à pratiquer des activités culturelles et de loisirs en raison de contraintes de déplacement ou de mode de transport contre 40% des jeunes urbains.
Impact sur le parcours d'orientation et d'emploi
"Au moment de construire leur parcours d’orientation, l’enjeu de la mobilité prend un nouveau tournant pour les jeunes ruraux", observent aussi les auteurs de l'étude. 70% des formations post-bac se situant dans les grandes métropoles, ceux qui souhaitent poursuivre des études supérieures devront nécessairement bouger pour se former. "Quand on sait que 79% des jeunes ruraux ont passé les dix premières années de leur vie à la campagne ou dans une petite ville, on comprend qu’ils hésitent à franchir le pas vers une grande ville coûteuse sur les plans financier et matériel, et tout aussi éloignée sur le plan symbolique, remarquent-ils. Et, de fait, la grande majorité de ces jeunes se projettent dans un territoire similaire au leur : 63% d’entre eux disent souhaiter vivre leur vie d’adulte en milieu rural – dans le détail, davantage à la campagne (43%) que dans une petite ville (20%)". Ces préférences contrastent nettement avec celles des jeunes urbains, jugés beaucoup plus libres dans leur façon d’envisager leur territoire futur puisque 29% d'entre eux envisagent de vivre dans une ville moyenne, 22% dans une grande ville, 18% à la campagne, 17% dans une petite ville et 14% à l’étranger…
Les jeunes ruraux ressentent encore les effets de l'éloignement au moment de construire leur parcours professionnel. 38% d'entre eux, en recherche d’emploi, disent avoir déjà renoncé à passer un entretien en raison de difficultés de déplacement contre 19% de leurs homologues urbains.
Un coût de la mobilité élevé
Comme pour tous les habitants des territoires ruraux (lire notre article du 30 avril 2024), le coût de la mobilité pour les jeunes est très élevé. Le budget mensuel dans les transports s'élève en moyenne à 528 euros pour les jeunes ruraux (dont 461 euros pour le véhicule individuel), contre 307 euros pour les jeunes urbains.
Les entraves à la mobilité alimentent en outre le vote en faveur du Rassemblement national. Au premier tour de la présidentielle de 2022, 39,6% des jeunes ruraux ont voté pour Marine Le Pen, soit plus du double que leurs homologues urbains (18,1%). À l'inverse, ils se sont beaucoup moins tournés vers Emmanuel Macron (16,8%) que les jeunes urbains (24,3%). Il en est de même pour les suffrages en faveur de Jean-Luc Mélenchon (16,2% des jeunes ruraux contre 27,6% des jeunes urbains).
Enfin, l'enquête révèle que les jeunes ruraux sont plus affectés par des problèmes de santé mentale : 76% disent avoir connu des périodes intenses de "stress, de nervosité ou d'anxiété", 49% parlent d'épisodes de dépression, et 35% affirment avoir déjà eu des pensées suicidaires.
*Un échantillon de plus de 2.000 jeunes ruraux et un second de plus de 2.000 jeunes représentatifs de la population française de 15 à 29 ans, dont la moitié d'urbains, ont été interrogés du 1er au 8 mars 2024.