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France urbaine : villes et métropoles, les grandes oubliées ?

La troisième édition des Journées nationales de France urbaine s'est tenue ces 28 et 29 mars à Toulouse. Sur fond de crise des gilets jaunes, le président de l'association, Jean-Luc Moudenc, s'est élevé contre un "discours simpliste visant à opposer urbain et rural"… désormais "toujours au détriment de l'urbain". Les maires de grandes villes et présidents de métropoles ou agglomérations ont présenté leur contribution au Grand Débat, faite d'une série de demandes et propositions qu'ils remettront le 9 avril à Emmanuel Macron, regrettant d'avoir été peu écoutés ces derniers mois. Et ont notamment mis en avant l'apport des coopérations entre métropoles et territoires environnants.

Il est un peu amer, déçu. S'être montrés constructifs. Et constater qu'au final, ce sont les plus contestataires qui semblent obtenir gain de cause. Or les besoins et les attentes sont importants. Il ne serait pas inutile de rétablir quelques vérités. Telle fut en partie la tonalité du discours de Jean-Luc Moudenc clôturant les troisièmes Journées nationales de France urbaine vendredi 29 mars à Toulouse.
Le 29 mars, on était à la veille de "l'acte 20" des gilets jaunes et le maire de Toulouse savait que sa ville, une nouvelle fois, en subirait certaines conséquences. Effectivement, samedi, quelques milliers de personnes participaient au rassemblement des gilets jaunes à Toulouse avec quelques incidents lors d'affrontements avec les forces de l'ordre, sachant que la place du Capitole était interdite de manifestation.
Toulouse et les autres métropoles françaises sont bien "en première ligne" face à ces manifestations, face aux "émeutiers" et face aux "conséquences" désastreuses pour les commerçants et certains équipements publics, a-t-il souligné vendredi au nom de ses collègues maires de grandes villes et présidents de métropoles ou de grandes agglomérations.

"Nous sommes en train de perdre la bataille de l'opinion"

"On a beaucoup dit que les gilets jaunes étaient ceux qui n'appartenaient pas à la France qui gagne, celle que beaucoup fantasment comme la France des villes", a-t-il aussi déclaré. Autrement dit, le mouvement – ou les commentaires qui en ont été faits – serait selon lui venu renforcer certains "clichés". Le fait pour une ville d'être "grande" signifie-t-il nécessairement qu'elle est "riche" ? Pour le président de France urbaine, "le mythe est vivace". Il s'agirait donc aujourd'hui de "sortir du discours simpliste visant à opposer urbain et rural… toujours au détriment de l'urbain".
Car non, "tout ne va pas bien" dans la ville, a-t-il tenu à rappeler : congestion automobile, pauvreté (20% des ménages vivant dans les grandes villes sont en-deçà du seuil de pauvreté), problèmes de sécurité, trafics, migrants… Et le fait de "brider le dynamisme des grands centres urbains" ne sera d'aucun bénéfice pour les autres territoires.
"Nous n'acceptons plus les propos" tendant à faire penser que la métropole serait "le cœur battant de la mondialisation néolibérale", comme l'aurait, selon Jean-Luc Moudenc, déclaré un président de département...
Son collègue de Dijon Métropole, François Rebsamen, est sur la même ligne lorsqu'il déclare : "Nous sommes en train de perdre la bataille de l'opinion". Il veut lui aussi se battre contre l'image selon laquelle "les villes ont appauvri le monde rural".

"Nous attendons encore"

Le président de France urbaine rappelle par ailleurs que depuis le début du quinquennat, son association a tenu à maintenir le dialogue avec l'exécutif, à être dans la proposition plutôt que dans la pure opposition, ne faisant par exemple pas partie des associations d'élus ayant boycotté la Conférence nationale des territoires. La création de l'association Territoires Unis par l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France et Régions de France n'a pas été mentionnée mais fait probablement partie du contexte. Les membres de France urbaine auraient aujourd'hui "le sentiment de ne pas être entendus"… alors que l'exécutif aurait "redoublé d'attention en direction des associations les plus réfractaires". Verdict : dans les dernières annonces ou propositions en date du gouvernement, "rien pour les grandes villes".
Pourtant, les attentes concrètes des maires ou présidents ne manquent pas : "plus de moyens pour les polices municipales", "la concrétisation de la promesse de nous octroyer une part de la contribution climat énergie", la "fin de la ponction sur les budgets des Agences de l'eau", des financements en faveur de certaines grandes infrastructures routières ou ferroviaires et des réseaux de transports urbains… Sur tout cela, "nous attendons encore", constate Jean-Luc Moudenc.

Fiscalité, contrats, intercommunalité

L'association compte en tout cas rester tenace sur trois grands sujets. Tout d'abord, la réforme de la fiscalité locale : France urbaine plaide toujours, dans le cadre de la suppression de la taxe d'habitation, pour l'affectation au bloc local de la part départementale de foncier bâti et de CVAE, les départements recevant dans ce cas une fraction de CSG. "Le Premier ministre s'y était dit favorable, mais depuis, plus de nouvelles…", glisse le maire de Toulouse, qui relève que "le dégrèvement est très coûteux pour l'Etat".
Deuxième sujet : la contractualisation sur les dépenses de fonctionnement. Sachant que tous les membres de France urbaine avaient accepté l'idée de ces contrats, l'association avait d'emblée "demandé des améliorations" et "le gouvernement avait accepté de prévoir une clause de revoyure". Or là encore, "pas de nouvelles", même si l'on sait que localement, les préfets ont été invités à faire preuve de souplesse. Gérard Larcher, le président du Sénat, venu clôturer ces deux journées de travaux ayant réuni quelque 700 participants, a d'ailleurs pointé lui aussi "la rigidité des contrats de Cahors".
Enfin, les élus urbains mettent sur la table "l'avenir de l'intercommunalité". Face à la résurgence d'un "discours qui célèbre le retour de la commune magnifiée dans son isolement"… "Nous n'accepterons aucun retour en arrière", tranche Jean-Luc Moudenc. Si des ajustements peuvent être envisagés pour des "communes rurales auxquelles on a imposé des intercommunalités trop vastes", en revanche, "cela ne saurait concerner l'urbain", précise-t-il.

Décentralisation et différenciation

Ces sujets, comme beaucoup d'autres, sont traités dans la "Contribution de France urbaine au Grand Débat national" que l'association a dévoilée le 29 mars. Ce document est constitué de 14 fiches thématiques avec, pour chacune d'entre elles, une évocation des "acquis" et une série de "demandes", souvent précises, à court et à long terme : cohésion sociale et territoriale, culture, développement durable et transition énergétique, développement économique, éducation, finances et fiscalité, logement, mobilités, gestion financière locale, numérique et innovation, santé, sécurité, sport, fonction publique territoriale. Cette contribution sera remise le 9 avril à Emmanuel Macron, qui doit recevoir ce jour-là des représentants de l'association.
Parmi les propositions transversales de France urbaine figure naturellement la volonté de disposer d'une autonomie accrue dans le cadre d'un "approfondissement de la décentralisation" : "Les grandes villes et agglomérations françaises revendiquent de pouvoir agir sans entrave pour mettre en œuvre, au plus près des habitants, des politiques publiques qui ne justifient plus aujourd'hui d’intervention de l’Etat", est-il ainsi réaffirmé. Ce qui passe entre autres par un soutien à l'inscription du principe de différenciation dans la Constitution.

Alliance des territoires : une conviction, des pratiques

Autre credo constant : la désormais fameuse "alliance des territoires", terme dont Jean-Luc Moudenc a attribué la paternité à André Rossinot, président de la métropole du Grand Nancy. Le postulat, on le sait est que la croissance des agglomérations bénéficie aux territoires situés au-delà de leurs frontières… et que réciproquement, les agglomérations bénéficient de la contribution de ces mêmes territoires. D'où la nécessité de renforcer les coopérations, de miser sur "une logique de partenariat gagnant-gagnant par la mise en commun de projets à différentes échelles".
"Au départ, il y a bien une conviction : les métropoles montent en puissance, elles ont aussi des devoirs", explique Jean-Luc Moudenc, qui souhaiterait que ces pratiques de partenariat soient systématisées, sans toutefois tomber dans une "formalisation" excessive afin de laisser se développer des "pratiques diverses". Et l'élu de citer  le contrat de réciprocité conclu entre sa métropole toulousaine et le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) Pays Portes de Gascogne, tandis que Johanna Rolland présidente de la métropole de Nantes a évoqué celui qui liera Nantes Métropole et le Pays de Retz - un contrat volontairement limité à "deux sujets", l'alimentation et les mobilités ("les bouchons").
De même, Philippe Briand, président de la jeune métropole de Tours, a témoigné de la façon dont il entendait bâtir des "contrats de partenariat" avec les présidents des dix intercommunalités environnantes, sur la base de groupes de travail thématiques. "L'apport de la métropole, c'est avant tout l'ingénierie, les communautés de communes n'en ont pas les moyens", précise-t-il, concluant : "La métropole devient ainsi protectrice des territoires plus ruraux. Cela n'est que du bon sens. Et ça fonctionne bien".

173 conventions de coopération

La diversité des pratiques de coopérations entre métropoles et territoires environnants vient précisément d'être éclairée par une étude réalisée conjointement par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), France urbaine et l'Assemblée des communautés de France (AdCF), dont les premiers résultats ont été présentés à Toulouse par le commissaire Serge Morvan. Au-delà des contrats de réciprocité dont on parle beaucoup mais qui restent pour l'heure peu nombreux, des coopérations plus anciennes existent et peuvent prendre appui sur des structures telles qu'un syndicat mixte, une association, un groupement d'intérêt public, sans oublier les pôles métropolitains.
Sur 21 métropoles, l'étude a recensé pas moins de 173 conventions de coopération, avec pour thématiques dominantes la mobilité et les transports, le tourisme et le développement économique. "Les EPCI les plus proches, souvent des communautés de communes, expriment généralement leur satisfaction ; c'est en revanche un peu moins vrai en deuxième couronne", constate Serge Morvan, qui souhaiterait "permettre aux métropoles d'intervenir encore davantage en faveur des territoires ruraux".
On notera d'ailleurs que depuis son passage à l'Assemblée, la proposition de loi visant à créer l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) prévoit des "contrats de cohésion territoriale", tels qu'ils avaient été mentionnés dans le rapport du préfigurateur de l’agence, qui n'était autre que Serge Morvan. Dans le cadre de ces contrats, des conventions pourront être conclues entre une métropole ou une communauté urbaine et des intercommunalités, "afin de développer les synergies" sur le modèle des contrats de réciprocité (lire notre article du 13 mars).
On saura enfin que la jeune délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont le président, Jean-René Cazeneuve, est également intervenu à Toulouse, compte rendre d'ici un mois et demi les conclusions de ses travaux sur "l'équilibre entre territoires ruraux et urbains", avec des préconisations "très proches de l'idée d'alliance des territoires".

Et le département ?

Dans ces échanges entre élus métropolitains, quelques absents. La région n'a pratiquement pas été mentionnée. Quant au département, s'il l'a été, ce fut parfois pour marquer un certain antagonisme, comme lorsque a été évoquée une métropole de Dijon en proie aux "conservatismes" du département "pour l'empêcher d'exercer les huit compétences départementales prévues par la loi".
La loi, précisément, ne fait-elle pas du département le chef de file en matière de cohésion territoriale et donc aussi de soutien aux territoires ruraux ? Interrogé sur le sujet, Jean-Luc Moudenc, assurant qu'il n'est "pas pour la suppression du département", tient à porter "un regard différencié" : "Dans la plupart des cas, oui le département joue ce rôle de cohésion territoriale. Mais dans d'autres, ce rôle s'amenuise, n'est pas suffisamment perçu". L'élu est en tout cas peu enclin à accepter "le discours selon lequel le département serait LE garant unique de l'égalité des territoires".
Alors, face à une "efficacité" variable, "il faut inventer autre chose", juge-t-il. En sachant que l'intention d'Emmanuel Macron d'inciter à la fusion entre un certain nombre de métropoles et de départements a finalement été écartée par la plupart des intéressés. Johanna Rolland rappelle avoir d'emblée "décliné" la proposition de fusion, préférant engager avec le président de Loire-Atlantique un "pacte de coopération" permettant notamment  la mise en place d’un "accueil social universel" sur le territoire métropolitain et le transfert de certaines compétences.

 

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