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Solidarité financière - FPIC : l'intercommunalité se saisit de ses nouvelles prérogatives

La mise en place du fonds de péréquation du bloc communal consacre le rôle de l'intercommunalité en termes de solidarité financière. Les communautés pouvaient en faire la preuve jusqu'au 30 juin. Comme le permet la loi, certaines ont défini leurs propres règles de répartition de leur contribution ou attribution au fonds. Mais faute de temps, elles se sont rarement écartées des sentiers battus. Enquête.

En application de l'article 144 de la loi de finances pour 2012, les conseils communautaires avaient jusqu'au 30 juin pour décider de la manière dont est répartie soit leur attribution, soit leur contribution au titre du nouveau fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) (pour un rappel des modalités possibles de répartition, voir notre encadré en fin d'article). Ce rendez-vous, symboliquement très important, puisqu'il confirme le rôle nouveau et majeur accordé à l'intercommunalité dans la péréquation, a été "manqué", regrette Franck Valletoux, directeur général de la société de conseil Stratégies locales. Beaucoup d'intercommunalités auraient en effet choisi la répartition de droit commun, non par volonté, mais par défaut.
La faute en revient à un calendrier sans doute trop contraint. Les collectivités ont reçu leurs notifications dans les derniers jours du mois de mai, voire début juin. "La préfecture nous a transmis les chiffres par e-mail, juste à temps pour que je prépare la délibération et que les élus la votent lors du conseil du 5 juin", témoigne ainsi le directeur général de la communauté de communes Loire-et-Sillon (Loire-Atlantique). Une délibération qui, faute de temps, a seulement consisté à entériner la répartition de droit commun calculée par les services de l'Etat. Les 113.000 euros promis à l'ensemble intercommunal seront ainsi versés pour 48% à la communauté et pour le reste aux communes.
Ailleurs, c'est parfois la faiblesse des sommes en jeu qui a dissuadé les élus d'entamer une réflexion. Tel est le cas à la communauté de communes de la région de Beaujeu (Rhône) qui, avec dix-sept communes membres, est redevable de 12.105 euros. Bernard Beretti, directeur général des services de la communauté, précise par ailleurs que l'intercommunalité va fusionner avec sa voisine d'ici deux ans. Cette perspective n'encourage pas les élus à faire des choix de long terme.

Des élus divisés

Autre exemple, celui de la communauté de communes Porte-de-France-Rhin sud (Haut-Rhin), l'une des intercommunalités de France qui va contribuer le plus au FPIC, proportionnellement à sa population. Avec une ponction de 435.000 euros cette année, l'impact de la mise en place du nouvel instrument national de péréquation du bloc local sur ce territoire n'est pas mince. Le choix d'une répartition déterminée localement ne s'annonçait pas simple. Dans des délais courts, cela devenait impossible. Le débat aurait probablement divisé les élus entre, d'un côté, ceux qui auraient demandé à la communauté de payer une partie de la charge des communes (au total 322.000 euros pour six communes), et de l'autre côté, les partisans d'une intercommunalité préservant ses marges de manoeuvre pour poursuivre une politique active d'investissements. Si débat il y avait eu, il ne se serait en outre pas limité au FPIC. "On ne peut pas traiter le sujet sans aborder plus globalement les relations financières entre l'intercommunalité et les communes", souligne Luc Sasso, directeur général des services. Compte tenu de tous ces éléments, les élus se sont naturellement tournés vers la solution de droit commun.
Le choix est d'autant plus logique que la loi requiert l'unanimité pour qu'une répartition libre soit possible. La condition semble, sinon insurmontable, du moins très difficile à satisfaire pour certaines intercommunalités. Jacky Darne, vice-président de la communauté urbaine de Lyon en charge de la coordination du pôle ressources, cite l'exemple de son territoire. A elles seules, les 58 communes versent cette année 1,5 million d'euros. La communauté urbaine rajoute presque 1,4 million d'euros. Une somme qui comprend la prise en charge de la contribution de cinq communes exonérées par la loi du fait de leur éligibilité à la part "cible" de la dotation de solidarité urbaine (DSU). "Des communes sont avantagées et d'autres sont perdantes. Croire que l'on va obtenir l'unanimité est une illusion", fait remarquer l'élu.

Donner plus aux communes

Des communautés ont pourtant relevé le défi avec succès. Sans doute minoritaires en nombre, elles sont quand même nombreuses. D'après une enquête de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) reposant sur les réponses apportées début juin par 200 communautés, 25% des intercommunalités contributrices et 28% de celles qui sont bénéficiaires avaient pris cette option à cette date ou s'apprêtaient à la prendre (sachant cependant que dans les deux cas, beaucoup n'avaient pas encore fait leur choix).
Valenciennes métropole est l'une de ces communautés à avoir atteint l'unanimité. Dès le 5 avril dernier, le conseil communautaire a fixé sur le sujet ses orientations pour trois ans, par le biais de deux délibérations. La première doublait la dotation de solidarité communautaire (828.000 euros en 2011) en direction des 35 communes. Par une seconde délibération, l'assemblée optait pour une répartition du FPIC plus favorable aux communes que la solution de droit commun. 65% des sommes versées à l'ensemble intercommunal (1,05 million en 2012) bénéficieront aux communes. "Le choix est conforme à la ligne fixée dès les premières années par l'ancien président Jean-Louis Borloo. La vocation de Valenciennes métropole est ainsi, d'abord, d'assurer le développement et l'investissement sur le territoire de l'agglomération", commente Jean-Luc Humbert, directeur général des services de la communauté. De plus, la délibération s'inscrit dans le cadre d'une politique de soutien aux communes voulue par Valérie Létard, nouvelle présidente de l'agglomération, soit parce que ces communes font face à des dépenses élevées, soit parce qu'elles ont de faibles ressources. L'enveloppe sera répartie entre les communes en fonction de trois critères au poids identique : un indicateur de richesse (potentiel financier), un indicateur de charges (dépenses de fonctionnement) et un autre qui reflète la situation socio-économique (revenu par habitant).

Soulager l'intercommunalité

Selon une tout autre logique, mais dans un contexte très différent, le conseil de la communauté de Montrésor (Indre-et-Loire) a décidé d'affecter à l'intercommunalité la totalité de l'attribution dont bénéficie le territoire, soit 29.000 euros. "En appliquant le droit commun, chaque commune aurait reçu entre 2.000 et 2.500 euros. Des sommes très insuffisantes pour constituer un effet de levier sur un investissement", explique Michaël Morel, secrétaire général de la communauté. "Par ailleurs, l'intercommunalité rencontre des difficultés pour financer les travaux de voirie qui sont à sa charge", fait-il remarquer. Donc, le FPIC abondera en priorité le budget voirie, qui atteindra 270.000 euros. Finalement, la solution a recueilli l'unanimité. Ce qui s'explique facilement : neuf communes sur dix vont bénéficier en 2012 de travaux sur la voirie.
La communauté de communes d'Horte et Lavalette (Charente) devait suivre la même logique, lors de la réunion du conseil du 18 juin dernier. "Les écoles maternelles et la voirie figurent dans nos compétences. Leur coût important a été au départ sous-évalué", affirme Karine Léonard, directrice générale des services de la communauté. Les élus s'apprêtaient donc à réserver à l'échelon supracommunal l'intégralité des 25.000 euros du FPIC.

Débattre sans tarder !

Ces différents choix sont-ils constitutifs de véritables tendances ? Franck Valletoux répond par l'affirmative. "Lorsque l'EPCI joue un rôle de premier plan en matière d'aménagement et gère des services publics - une situation qui se traduit par un coefficient d'intégration élevé -, les élus sont tentés de choisir une répartition du FPIC profitant au maximum à la communauté", analyse-t-il. "Dans les intercommunalités moins intégrées, les élus ont tendance, au contraire, à privilégier la redistribution des ressources du FPIC en direction des communes", poursuit-il.
La possibilité d'opter pour une répartition des versements et contributions en fonction du coefficient d'intégration fiscale (CIF) n'aurait quant à elle pas convaincu. Seulement 4% des territoires contributeurs et 1% des territoires bénéficiaires ayant répondu à l'enquête de l'ADCF ont retenu cette option nécessitant une majorité des deux tiers. "Avec ce scénario, les ressources fiscales de l'intercommunalité étaient surreprésentées par rapport à la réalité", ce qui conduisait à pénaliser l'EPCI, explique Nicolas Freyburger, directeur administratif et financier de la communauté de communes du pays de Brisach. Troisième du Haut-Rhin par l'importance de sa contribution au FPIC, l'intercommunalité a opté pour le droit commun. Valenciennes métropole a écarté la piste d'une répartition suivant le CIF pour des raisons bien différentes. "Dans l'hypothèse d'une croissance du coefficient au cours des prochaines années, les communes seront désavantagées", explique Jean-Luc Humbert.
Dans un certain nombre de cas, l'application du droit commun est annoncée comme provisoire. Les communautés concernées ont l'intention d'engager une réflexion sur une répartition alternative, notamment dans l'optique d'aboutir lors du vote du budget pour 2013. Prudentes, d'autres n'évoquent pas de date. Franck Valletoux leur conseille de ne pas retarder la décision, rappelant que le FPIC doit passer en quelques années de 150 millions à un milliard d'euros. "Lorsqu'il y aura un pactole sur la table, ou au contraire une grosse contrainte, les discussions politiques risquent de tourner à la guerre de tranchées", prévient-il.

 Thomas Beurey / Projets publics

Ce que prévoit la loi

Les calculs des prélèvements et des versements effectués dans le cadre du FPIC sont établis selon les critères fixés par l'article 144 de la loi de finances pour 2012. Ils s'imposent aux ensembles intercommunaux. Que ceux-ci soient contributeurs ou bénéficiaires, une répartition de "droit commun" est prévue, d'une part entre l'établissement public de coopération intercommunale et les communes, d'autre part entre les communes. Elle dépend de la richesse respective de l'EPCI et des communes membres.
Par dérogation, le conseil communautaire peut procéder à une répartition alternative, avant le 30 juin de l'année de répartition :
- par délibération prise à la majorité des deux tiers, il opte pour une répartition en fonction du coefficient d'intégration fiscale (CIF) de l'EPCI, un indicateur qui permet de mesurer le niveau d’intégration communautaire. Dans ce scénario, la contribution ou l'attribution de l'EPCI est calculée en multipliant la charge ou l'attribution de l'ensemble intercommunal par le CIF. Dans ce cas, le conseil communautaire a des marges très limitées s’agissant de la répartition entre les communes ;
- par délibération prise à l’unanimité, le conseil communautaire peut décider d’une répartition en fonction de règles librement choisies. Les élus fixent eux-mêmes, d’une part la répartition entre l’EPCI et les communes membres, d’autre part la répartition entre les communes membres.


T. B.